À l’église avec Alfonso Nsangu
Article publié dans Or Norme N°57 (juin)
C’est un chemin en pente douce qu’Alfonso a suivi depuis toujours. Pour arriver sur le devant de la scène, des Gospel Kids au stand-up, il a cru en lui, et appris de cette Alsace qui a su lui ouvrir ses bras.
Discuter avec Alfonso Nsangu, c’est parler de la vie. D’abord de cet éclair, tout jeune, quand il découvre le film Sister Act 2. « J’ai compris que j’étais fait pour ça, le gospel, aider les autres, là où ma famille a juste vu un bon film. » La réflexion, un peu ironique, de son frère, va aussi amorcer un vrai chemin de vie : « Comment tu vas faire ? Tu sais pas chanter. » Il va apprendre.
© Christophe Urbain
Alfonso porte sur lui le gimmick qui l’accompagne depuis toujours : « le sourire, c’est gratuit »
Cette lueur, le petit Alfonso va la garder en grandissant. Un cap qui va l’amener à créer les Gospel Kids, à faire chanter des milliers d’enfants dans les écoles de Strasbourg et alentours, à être, aussi, à leur écoute. Chanter l’hymne national avant un match de l’équipe de France de football au Stade de France, ou amener sa pétillante chorale au Zénith de Strasbourg, c’est une consécration, mais la récompense, parfois, se cache ailleurs. « Quand un jeune vient me dire « Tu m’as donné envie d’être grand et de transmettre », c’est incroyable. » De la même façon, Alfonso, que tout le monde surnomme affectueusement « Cousin », s’active auprès des jeunes footballeurs en formation au Racing Club de Strasbourg : « Beaucoup de gens estiment que si tu n’es pas riche, tu es forcément malheureux. Moi je leur dis qu’il faut être poli, gentil… Et l’autre jour, un jeune a dit que s’il ne devenait pas pro, il voudrait être comme Alfonso parce qu’il sourit tout le temps et qu’il est heureux ! »
Lors des concerts avec ses Kids, Alfonso a toujours aimé amuser la galerie. Et puis l’idée a germé de monter seul sur scène, pour faire rire. « Je suis tout feu, tout flamme », rigole ce père de deux enfants. « Mon truc, c’est de raconter des histoires, à ma façon. J’ai mes thèmes, mais chaque soir est différent, et ça peut partir en impro plus ou moins longue. »
À la question de savoir s’il avait la caisse pour percer au plus haut niveau, Alfonso hésite. « Je ne suis pas un gars vulgaire ou qui fait de la politique. L’époque est aux mecs sans filtre. Mais moi je veux que les familles se sentent libres de venir au spectacle, sans avoir peur d’un moment gênant parce que ça parle de sexe par exemple. Je peux parler de l’homophobie, mais de manière détournée. »
Parfois cela fonctionne très bien, parfois moins, mais c’est le lot du spectacle vivant. Pour celui qui a appris à être Alsacien, carré et ponctuel, il était important de s’ouvrir aux autres. « Quand je suis arrivé à Hoerdt, on m’a dit vous êtes le troisième noir. Tu peux le prendre de deux façons. J’ai montré un signe, que j’étais heureux d’être là. C’est beau un black qui dit qu’il est heureux d’être Alsacien, non ? »
Alfonso poursuit ainsi son chemin, se remet d’un problème de santé aux cordes vocales survenu alors que la dynamique était bonne. « C’est pas grave, on avance. Ce que j’ai déjà vécu ne serait pas arrivé sans volonté, et cette volonté, elle vient du ciel. J’ai cette croyance depuis longtemps. » Et si sa maman continue de prier chaque jour pour lui, Alfonso sait aussi que son destin lui appartient. ←
© Christophe Urbain