Aux Trois Chevaliers avec Gilles Egloff

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Cofondateur du groupe Diabolo Poivre en 2007, Gilles Egloff est revenu à ses premières amours. Il a repris la célèbre winstub quai des Bateliers, Aux Trois Chevaliers, tenue par le couple Maser durant 17 ans.

Qui ne connaît pas les Trois Chevaliers n’a jamais goûté au meilleur cordon bleu de la ville. Mais que les habitués se rassurent : même si la winstub with a view a été reprise par Gilles Egloff, la maison n’a pas perdu son âme. Aux fourneaux, les mêmes experts. À la carte, les mêmes plats généreux et réconfortants qui ont fait la réputation de l’adresse sous l’ère Maser. Côté cadre, tout est resté en place : les miroirs dorés, le magnifique lustre ancien, la lumière tamisée, et cette vue imprenable sur la cathédrale et le Palais Rohan. « Pour l’instant, je n’ai ajouté que l’oeuf mayonnaise » sourit Gilles Egloff. « Quand j’ai annoncé la reprise, tout le monde m’a dit Ne change rien ! ». Et ne serait-ce que par respect pour Christine et Stephan qui ont fait un boulot incroyable pendant 17 ans, je n’ai rien changé. »

Une vue imprenable sur la cathédrale et le Palais Rohan. ©Laetitia Piccarreta

Un patrimoine à préserver

Si la carte évoluera au printemps avec l’un ou l’autre plat veggie, le nouveau propriétaire a bien senti le potentiel de cette winstub historique où le cadre séduit autant que l’assiette. « Cela faisait des années que je n’étais pas venu, mais quand j’y suis retourné, cela a été un vrai coup de coeur. L’affaire a été réglée en un week-end. » Puis il s’est souvenu de ses premières expériences aux Trois Chevaliers quand Éric Pfalgraff était aux commandes. « À l’époque, l’offre de restauration à Strasbourg était très classique, il n’y avait pas encore Diabolo Poivre » s’amuse-t-il. « Éric a imaginé une winstub moderne, branchée. C’est toujours aussi beau et d’actualité. » Christine et Stephan ont marqué de leur empreinte les « Trois Che » à travers leur accueil chaleureux, l’esprit « comme à la maison » et leurs plats signatures – le fameux cordon bleu, mais aussi les galettes de pommes de terre au saumon ou les rognons aux morilles. Et Gilles Egloff semble destiné à en être le troisième chevalier. Amoureux du beau et du bon, il a apporté sa touche personnelle avec des fleurs fraîches, de jolies assiettes, de petites lampes de table dorées. « Chez Diabolo Poivre, je m’occupais de ce qui se voit : la déco, les fleurs, la vaisselle, les fringues des serveurs… C’était plaisant, confie-t-il. Mais plus on grossissait, plus on demandait d’autonomie aux directeurs de nos établissements qui voulaient gagner en compétence. Nos tâches se limitaient à l’administratif et à gérer les soucis du quotidien. J’avais encore affaire aux clients, mais j’avais envie de plus. » S’il n’a pas quitté par lassitude le Groupe qu’il a fondé en 2007 avec son ami Jérôme Fricker, l’idée de reprendre son envol lui trottait dans la tête depuis quelque temps. « Quand on a lancé Diabolo avec Jérôme, on s’était dit : à 50 ans, on arrête ! On parlait souvent de l’avenir avec lui et Christophe Lemennais qui nous a rejoints en 2015 avec son expertise en cuisine. Mais aujourd’hui j’ai 52 ans, je suis trop jeune pour m’arrêter. » S’il y a quelques années il a pensé à ouvrir un resto à Majorque, une île qu’il aime particulièrement, il a très vite réalisé que sa vie, ses amis, son mari, sa clientèle étaient à Strasbourg. En janvier, il remplace au service la directrice de la Corde à linge, l’un des premiers établissements du groupe Diabolo Poivre, et retrouve l’adrénaline de la salle. « J’étais au bureau la journée, au service le soir, mais jamais fatigué ! J’ai repris un plaisir de dingue. »

Le cadre du restaurant Aux Trois Chevaliers : les miroirs dorés, le magnifique lustre ancien, la lumière tamisée. 3 quai des Bateliers, Strasbourg ©Laetitia Piccarreta

Une nouvelle histoire à écrire, sans tout réécrire

Sa rencontre avec Stephan Maser sera déterminante. « Durant le même week-end, plusieurs amis m’ont dit que les Trois Chevaliers me plairaient. Jérôme a appelé Stephan, et cela a été, comme je le disais, le coup de coeur. » Avec ses 50 places à l’intérieur et 50 en terrasse, l’établissement était trop petit pour la logistique du groupe. Un restaurant à taille humaine qui colle parfaitement avec son goût des bonnes choses et des ambiances chaleureuses. « J’aime aussi le mélange entre touristes et Strasbourgeois. Les touristes en vacances sont dans un état d’esprit plus détendu. » L’autre différence, c’est que l’ADN de Diabolo Poivre, c’est de transformer des lieux à partir d’une page blanche, comme pour Chère Amie, le Drunky Stork Social Club, mais aussi Tzatzi, East Canteen, et La Hache, son établissement chouchou. Des endroits neutres, où tout était à écrire, alors qu’aux Trois Chevaliers, rien ne doit bouger, ou presque. « C’est à la fois stressant et rassurant ! Christine et Stephan avaient une super clientèle, et beaucoup m’ont dit qu’ils étaient contents que ce soit moi. Certains reviennent, d’autres ne viendront plus, des nouveaux arriveront… »

La différence aussi, c’est que les Trois Chevaliers sont désormais chez lui. « La partie la plus sympa avec Diabolo Poivre, c’était de trouver les adresses, d’imaginer ce que l’on pouvait y faire, y construire notre carte, fantasmer le lieu… Mais une fois les travaux terminés, il se passe quelques jours, et le lieu ne t’appartient plus. » Sa « Taverne avec vue », il l’a construite à son image : ouverte, conviviale, épicurienne. Une adresse où l’ardoise est libre pour déguster les « plats des copains » ou une salade de belles tomates dégottées au marché d’à côté où il a ses habitudes, « J’aime les lieux libres d’expression », confie le nouveau taulier qui fera quelques travaux de rénovation en janvier avant d’en révéler un peu plus de sa signature au printemps.

Gilles Egloff ©Laetitia Piccarreta