Bibliothèques idéales 2020 : La respiration de la rentrée
Il a eu bien raison l’ami François Wolfermann, le magicien-programmateur des Bibliothèques idéales depuis toujours, de choisir de mettre en exergue de la manifestation 2020 cette superbe phrase de Franz Kafka : « Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous ». Plus que jamais en cette année si bouleversante et bouleversée, les Bibliothèques idéales constitueront le phare de cette rentrée si particulière où nous mesurons si bien, comme le dit Leïla Slimani dans l’interview qu’elle nous a accordée, un des effets les plus spectaculaires de l’arrivée de ce virus dans notre quotidien : la « mise à mal permanente de notre rationalité ». Voici une sélection de quelques grands moments qui nous attendent d’ici le 13 septembre prochain. Des moments sans doute un peu plus précieux donc nécessaires qu’à l’accoutumée…
Jeudi 3 septembre
17h30
Maudit métis ? Débat inaugural avec Leïla Slimani, Rachida Brakni, Abnousse Shalmani, avec Pascal Blanchard.
Leïla Slimani a réuni autour d’elle des amies engagées pour débattre du métissage. Voici des femmes libres au croisement de deux cultures. Quand l’histoire familiale s’entremêle avec celle de la colonisation et se nourrit du mélange d’identité nationale et de culture. Avec la présence de l’historien Pascal Blanchard, spécialiste des décolonisations françaises.
19h
Guillaume Gallienne – Pour nous donner le goût des mots…
C’est en tant qu’ambassadeur d’un livre puissant que Guillaume Gallienne prend la parole. Un recueil de poèmes écrit par sa cousine, Alicia Gallienne, morte à l’âge de 20 ans. L’autre moitié du songe m’appartient, (Ed.Gallimard).
20h30
Chansons électriques, lectures, conversations – Rodolphe Burger & Jean-Luc Nancy
Cette soirée est de fait le premier acte d’une résidence singulière proposée par Artefact à Rodolphe Burger ; elle ouvre ainsi une trajectoire partagée autour de quelques récits souterrains constitutifs de l’ « éternel strasbourgeois » et qui traversera ces mois à venir, dont nous sommes tous incapables de mesurer ce qu’ils seront…
Vendredi 4 septembre
15h
Amélie Nothomb –La jeunesse est un talent et il faut des années pour l’acquérir
Star indéboulonnable de la rentrée littéraire, Amélie Nothomb raconte dans Les Aérostats (Ed. Albin Michel) une rencontre entre deux jeunes mal dans leur peau, Ange, étudiante en philologie, et Pie, lycéen dyslexique…
19h
Roland Gori & Fabienne Orsi – Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment éviter que cela se reproduise?
Comment nos sociétés en continuant à éclairer leurs conduites par les astres morts des croyances fondatrices des sociétés industrielles se précipitent dans un gouffre… en oubliant la solidarité et l’entraide.
Samedi 5 septembre
Quelle est la place du médecin et du politique en période de pandémie ? – Christian Perronne, Martine Wonner & Jean Sibilia
Dans un livre choc et courageux, « Y a-t-il une erreur qu’ils n’ont pas commise ? », l’infectiologue Christian Perronne accuse ses confrères d’avoir privilégié les intérêts des laboratoires au détriment de la santé des Français dans la crise du Covid-19. Martine Wonner, député du Bas-Rhin (et médecin), est co-fondatrice du collectif “Laissons les médecins prescrire” et le Professeur Jean Sibilia est chef de service de rhumatologie au CHU de Hautepierre, doyen de la Faculté de Médecine de Strasbourg et président de la conférence des Doyens de France.
16h
Raphaël Enthoven face aux monstres sacrés de son enfance
Mise à nu brute et émouvante. Raphaël Enthoven signe le roman de toute une vie. En parvenant à exprimer l’universel par le particulier, Raphaël Enthoven livre un premier roman où s’exalte son imaginaire et s’exprime la trajectoire des sentiments et de l’âme humaine grâce à une langue virtuose, cruellement drôle et secrètement tendre.
18h
Les Luttes de classes en France au XXIe siècle – Emmanuel Todd
Emmanuel Macron et les Gilets jaunes ont ouvert une page nouvelle de l’histoire de France, qui mêle retour des luttes sociales et apathie politique, sursaut révolutionnaire et résignation devant les dégâts de l’euro, regain démocratique et menace autoritaire…
Pour la comprendre, Emmanuel Todd examine, scrupuleusement et sans a priori, l’évolution rapide de notre société depuis le début des années 1990…
Dimanche 7 septembre
11h30
Tobie Nathan. Guérisseur des âmes et exilé magnifique
Clinicien et thérapeute reconnu, ce provocant ethnopsychiatre français vole dans les plumes de la psychanalyse qui le lui rend bien. Entre fresque historique et grand roman, Tobie Nathan écrit magnifiquement une épopée foisonnante et tragique, lestée du passé, forte de ses personnages, de leurs souvenirs et de leur cheminement.
14h
“Amérique, Afrique : Tous mes textes sont politiques”-Alain Mabanckou
Alain Mabanckou croise l’histoire de la colonisation et des indépendances, des représentations, de la vie intellectuelle et littéraire, mais aussi du cinéma et de l’actualité et convoque un vaste et lumineux tableau qui est l’occasion de retracer l’émergence des lettres africaines dans un monde structuré par les récits d’exploration, les mémoires coloniaux et les romans exotiques produits par les colonisateurs.
17h30
Le jazz à Saint-Germain-des-Prés – Grégory Ott invite Michael Alizon, Diego Imbert et Franck Agulhon
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, Paris ouvre ses bras aux plus grands représentants du jazz américain alors que la ségrégation est encore très vive aux États-Unis. Le très chic « Club Saint-Germain » sera l’un des temples du jazz les plus prisés de la capitale. On y écoute les géants afro-américains de la note bleue : Miles Davis, Duke Ellington, Kenny Clarke mais aussi les Européens Django Reinhardt et Martial Solal. Autour d’un quartet inédit monté par Grégory Ott, ce concert émaillé de quelques petites histoires nous rappellera cette formidable période, unique et hors du temps..
Dimanche 7 septembre
19h
Dans les P’tits papiers de Régine – Léopoldine HH, Javel Habibi & Gérard Daguerre
Dans une soirée arrangée et orchestrée par le pianiste et compositeur Gérard Daguerre (qui fut le pianiste historique de Barbara), nous retrouvons la chanteuse Léopoldine Hh et la drag queen française Javel Habibi dans un spectacle consacré à la chanteuse littéraire Régine et son répertoire littéraire qui va de Bruant à Gainsbourg…
Mercredi 9 septembre
16h
Anne Sinclair. La rafle des notables en 1940
Anne Sinclair, fidèle des Bibliothèques idéales, nous revient avec cette « histoire qui la hante depuis l’enfance ». Elle y interroge un chapitre méconnu de la persécution sous l’Occupation. La journaliste a enquêté sur le passé de son grand-père paternel, incarcéré fin 1941 dans le camp de Royallieu à Compiègne avec d’autres juifs considérés comme bourgeois… « Essayer de redonner un peu de chair aux disparus est devenu pour moi une obsession » écrit Anne Sinclair à l’orée de sonenquête sur le destin énigmatique de son grand-père…
18h
Olivia Ruiz : exil, déracinement et vie entre deux cultures
La commode aux tiroirs de couleurs signe l’entrée en littérature d’Olivia Ruiz, conteuse hors pair, qui entremêle tragédies familiales et tourments de l’Histoire pour nous offrir une fresque romanesque et flamboyante sur l’exil.
Jeudi 10 septembre
16h
Jacques Weber : vertige de l’amour et de la guerre
Jacques Weber triomphe dans Cyrano, à Mogador. Soudain, il perd sa voix. Perdre sa voix, n’est-ce que « dans la tête », comme lui répètent les médecins ? Il se voit alors proposer deux mois de tournage au Liban, en pleine guerre. Il faudrait quitter Christine et leur petit garçon… Ne serait-ce pas fou, inconscient, improbable ? Christine l’accompagne finalement, à Beyrouth, où la mort est un bruit persistant. Le café blanc, la danse des mouchoirs, le parfum du jasmin, n’ont très vite plus rien de pittoresque ; il faut s’habituer aux grondements de la montagne, aux tirs en rafales, aux joutes avec des kalachnikovs. La survie s’installe dans les chairs du couple. Le « rat dans la gorge » est bien petit face à l’urgence de vivre…
Vendredi 11 septembre
16h
Enki Bilal, génie protéiforme
Enki Bilal raconte son confinement volontaire et halluciné durant une nuit au Musée Picasso où il s’est laissé volontairement enfermer une nuit pour y rédiger un texte de libre parcours. Au départ, en un jeu immédiatement hallucinatoire, Bilal sent sur lui un « souffle batracien » tandis qu’une main hostile le projette dans un lieu inconnu, où il perd connaissance pour se retrouver sur un lit de camp…
17h
Avons-nous renoncé à la liberté ? – François Sureau
Avocat et écrivain, François Sureau dénonce la disparition progressive de l’Etat de droit dans l’indifférence générale. Il alerte sur la fragilité des libertés publiques en France et nous presse de retrouver le sens de la citoyenneté politique. Cet écrivain au parcours atypique évoque ses lectures, ses admirations, ses souvenirs, ses combats (notamment en faveur des réfugiés) et son amour fou de la France.
21h
Idir, singulier et universel
Rencontre & concert organisé par Strasbourg Méditerranée. Idir nous a quittés en mai dernier. Ses chansons seront interprétées par Ali Amran (auteur-interprète), Juba Sid, Kahina Afzim & Issam Azzi. Salah Oudahar dialoguera avec Jean-Luc Fournier pour évoquer la mémoire de l’artiste et ses engagements.
Samedi 12 septembre
12h
Yasmina Khadra, Méditation sur les femmes face aux mentalités obtuses.
Dans le roman philosophique Le sel de tous les oublis, Yasmina Khadra évoque l’Algérie des années 1960 et les pérégrinations d’un homme abandonné par sa femme, rongé par le désespoir, errant sur les routes après avoir perdu son bien le plus précieux. Il nous offre une méditation profonde sur la possession et la rupture, le déni et la méprise, et sur la place réductrice qu’occupent les femmes dans les mentalités obtuses.
14h
Annick Cojean. Gisèle Halimi, une farouche liberté
Gisèle Halimi : Soixante-dix ans de combats, d’engagement au service de la justice et de la cause des femmes. Et la volonté permanente de transmettre ce qui a construit cet activisme indéfectible, afin de dire aux nouvelles générations que l’injustice demeure, qu’elle est plus que jamais intolérable. Peu de temps avant sa disparition, Gisèle Halimi rest revenue avec son amie, Annick Cojean sur certains épisodes marquants de son parcours rebelle pour retracer ce qui a fait son destin.
16h
Laure Adler. La vieillesse demeure un impensé.
Voici un récit merveilleux, où l’on croise des comédiennes, des médecins, des penseurs, des vieux célèbres et des petites dames du quartier. Une enquête sur notre société et sur soi-même : dans son miroir, chacun voit-il son vrai visage, et la marque du temps ? Jamais ces choses ne furent écrites ainsi, avec simplicité, vitalité, tendresse. Laure Adler a écrit ce beau livre de combat et d’amour, dans la continuation de Beauvoir, Groult, et d’Annie Ernaux.
18h30
Régis Jauffret & Marius Jauffret. Toutes les familles sont des asiles de fous.
L’année littéraire avait commencé avec “Papa”, le cri d’amour et de détresse lancé par Régis Jauffret à son père mort, dont la vie, coupé du monde par la surdité, la bipolarité, les neuroleptiques et le brouillard de ses cigarettes, fut un calvaire. C’est avec Marius Jauffre que se poursuit aujourd’hui la geste littéraire de cette famille insoumise. Le fils de Régis Jauffret, aujourd’hui âgé de 31 ans, publie “Le Fumoir”…
Dimanche 13 septembre
15h
Camille Laurens. Merveilleuse fille… ou la domination des hommes.
Dans ce roman d’une puissance exceptionnelle, Camille Laurens déploie le destin d’une femme confrontée aux mutations de la société française de ces quarante dernières années. La narratrice emporte dans sa voix les grandes problématiques de l’éducation des femmes, de la domination masculine et de la transmission des valeurs féministes aux jeunes générations
16h
Rencontre avec Jean-Pierre Chevènement
De son entrée en politique au début des années 60 à ses combats actuels, Jean-Pierre Chevènement relate dans ses méoires plus d’un demi-siècle d’histoire française, à la fois celle de la gauche et celle de notre République. C’est le témoignage d’un homme de convictions et d’engagement, et plus encore d’un homme de très grand caractère.
18h
Edwy Plenel, Frédéric Ciriez & Dany Lafferière : l’exil vaut le voyage
« Celui qui reste vit l’exil plus durement que celui qui part », note Dany Laferrière. Cet arrachement, qui cloue sa mère sur place, il décide de s’adapter, de faire l’effort de comprendre les codes de ce pays d’accueil pour y survivre. C’est de cet apprentissage qu’il tire la matière de deux livres. Ce débat évoquera l’influence de Frantz Fanon sur la prise de conscience des peuples sous domination étrangère ? Fut-il un un maître à penser, un acteur déterminant ? Et quel est aujourd’hui l’héritage de la vie et de la carrière de ce révolutionnaire qui fut aussi un éminent psychiatre ?
19h30
Les Zazous, mouvement pionnier dans la contre-culture jeune
Concert de clôture avec Lisa Portelli, Gérard Daguerre, Léopoldine HH
Etre zazou dans les années 40, c’est bien vite être catalogués « insolents ». Avec leurs vêtements et leur mode de vie, ils se positionnent directement en rejet de tout ce que le gouvernement peut insuffler : les mesures, les interdictions et la morale. C’est un véritablement un mouvement de contre-culture : les zazous répondent avec légèreté et autodérision à l’ordre social et moral du régime de Vichy… C’est un véritable militantisme déguisé. Ils ont même l’audace d’arborer des étoiles jaunes marquées « zazou », « swing » ou « goy » (« non-juif » en hébreu) par défi !
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Or Norme et les BI : une longue histoire
Depuis son tout premier numéro, (bientôt dix ans), Or Norme soutient Les Bibliothèques idéales, ce magnifique festival littéraire sur le podium français des manifestations consacrées à la littérature.
Il y a deux ans, ce fut le début d’une autre étape de cette belle aventure avec la prise en charge du « community management » du festival, c’est-à-dire la diffusion d’échos sur toutes les sessions d’écrivains en direct sur les réseaux sociaux.
Depuis l’an passé, une autre responsabilité, importante, a été confiée par la Ville de Strasbourg à Ornormedias, l’agence de presse qui édite Or Norme chaque trimestre. Patrick Adler, le directeur de la publication de Or Norme, la détaille : « Depuis l’an passé, la ville de Strasbourg a décidé d’organiser un appel d’offres pour déléguer la production des Bibliothèques idéales. C’est la deuxième édition dont nous assurerons l’organisation et la production, en étroite relation avec François Wolfermann qui assure la totalité de la programmation depuis l’origine des Bibliothèques idéales et le service Culture de la Ville de Strasbourg. Nous nous occupons de l’achat des spectacles et du cachet des artistes, de la venue des écrivains et des artistes, de leur séjour sur place durant l’événement (voyage, hébergement, restauration, répétition le cas échéant…) mais aussi la régie scénique du plateau de la Cité de la musique et de la danse. En 2019, 36 000 spectateurs ont été accueillis sur les deux sites (Opéra national du Rhin et Cité de la musique et de la danse) lors des 72 rencontres programmées durant le festival. Un format nouveau est organisé cette année puisque cette session de septembre se verra complétée par une autre session sur un grand week-end en janvier prochain. Ainsi, désormais, les BI se caleront idéalement sur les deux rentrées littéraires de France, collant ainsi étroitement et parfaitement à l’actualité du Livre de notre pays… »