Bruno Bonnell « L’innovation est la réponse à une demande sociétale. »
Article publié dans « Quest for industry », numéro hors-série d’Or Norme paru à la mi-juin 2023.
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Dans cet entretien passionnant, le secrétaire général pour l’investissement détaille les contours et les contenus de France 2030 dont il pilote la mise en place et l’application. À 64 ans, Bruno Bonnell* n’a pas perdu une once de la passion d’entreprendre innée dont il fait preuve depuis plus de quarante ans et annonce sans l’ombre d’une hésitation que la France va devenir « une grande nation d’innovation »…
Au préalable, il serait opportun de vous écouter sur la nature profonde de France 2030 en insistant sur les principaux objectifs qui vous ont été fixés par la puissance publique lors de votre nomination en janvier dernier…
Tout part d’un discours fondateur du président de la République en octobre 2021 : en énumérant les défis climatique, démographique, énergétique, industriel que le pays a devant lui, Emmanuel Macron a annoncé que c’est l’innovation qui allait être la réponse majeure de la France pour les relever. Il avait alors annoncé un investissement massif de l’État : 54 milliards d’euros qui allaient devoir soutenir cette innovation dans tous les territoires du pays. Du jamais vu… Il avait cité dix objectifs comme fabriquer deux millions de véhicules électriques, un avion bas carbone, produire vingt biomédicaments, décarboner l’industrie, etc. Le président avait également décrit des leviers pour atteindre ces objectifs, comme par exemple développer les compétences et les métiers d’avenir.
Le plus concrètement possible, pouvez- vous nous préciser comment ce plan est opéré et selon quelles échéances ?
C’est le secrétariat général pour l’investissement que je pilote qui met en oeuvre France 2030. Nous sommes soixante-dix personnes dans nos locaux de la rue de Babylone à Paris où nous nous rencontrons aujourd’hui. Nous travaillons autour de six pôles : il y a celui de la Santé, l’Agence de l’innovation en santé, puis celui de la transition écoénergétique qui se subdivise en production d’énergies décarbonées – hydrogène vert, photovoltaïque, éolien, biomasse… mais aussi cet enjeu très important qu’est la décarbonation des secteurs industriel et agricole qui devront tous, à terme, améliorer considérablement leur bilan carbone. Pour l’industrie, il s’agira pour ces secteurs d’utiliser à plein les différentes énergies renouvelables que nous pourrons produire. Pour l’agriculture, ce sera le même combat pour parvenir à éviter les produits phytosanitaires qui produisent beaucoup trop d’azote, ou encore gérer la présence de l’élevage et sa production intense de méthane ou pouvoir disposer de substituts biosourcés pour atténuer la surutilisation des engrais actuels.
Le troisième pôle s’articule autour de la « Connaissance » avec en autres l’enseignement. De l’école primaire au lycée et de l’université à la recherche, tous les niveaux sont représentés. Ce troisième pôle intègre aussi la recherche, le transfert de technologies ainsi que la culture, avec un important segment qui insistera sur la création de lieux permettant de produire des projets de haute qualité pour que la culture française puisse s’exporter partout dans le monde, via par exemple le métavers. Avec la culture du jeu vidéo qui est très développée dans notre pays, nous sommes déjà riches en matière de grands talents.
Il vous reste trois pôles à nous détailler…
Tout d’abord, il y a celui de la souveraineté numérique, le cloud, l’IA, le cyber et le métavers sous son aspect technologique, mais aussi la souveraineté électronique, les cheaps de forte puissance de calcul, par exemple. Ce quatrième pôle comporte la souveraineté robotique, cette révolution industrielle qui est devant nous. Le cinquième pôle, nous l’avons nommé « Nouvelles frontières » : il comprend l’Espace, l’exploration des fonds sous-marins et tout l’univers du quantique. Ces univers sont en général assez loin devant nous, par nature ils ne mobilisent au départ que peu d’investisseurs privés et l’Etat se doit bien sûr de fortement les soutenir, notamment via la commande publique ou la subvention. L’exemple de la réussite d’Ariane est là pour prouver que les retombées à moyen terme sont énormes dès lors que l’argent public sait être là dès l’origine des projets.
Enfin, le pôle fond d’investissement en effet de levier, qui s’occupe de tous les fonds et fonds de fonds dans lesquels l’État est partie prenante à travers France 2030.
Tout part bien sûr de l’état réel de notre industrie nationale aujourd’hui. Et il est loin d’être satisfaisant, si on le regarde avec réalisme…
Il y a une réalité objective. L’industrie française, dans les années soixante-dix, représentait aux alentours de 22 % de notre PIB. Elle n’en représente plus que la moitié aujourd’hui. On ne peut que constater cette chute libre. Ceci dit, après avoir émis ledit constat, je pense moi qu’on est en fait devant une opportunité extraordinaire. Personnellement, je n’évoque jamais le terme de réindustrialisation, j’évoque plutôt la néo-industrialisation. Ce matin même (le 26 avril dernier – ndlr), j’étais sur le site de Ariane Group : ils y fabriquent des engins extraordinaires, on y travaille en blouse blanche sur la technologie additive : j’étais bluffé. Cette néo-industrialisation, elle se transforme en devenant plus attractive. J’encourage les gens, et particulièrement les jeunes, à aller voir, car il s’agit bien de détruire nos mythes : dans ces deux secteurs, nous avons en fait de nombreux champions, des ingénieurs et toutes sortes de gens qui réfléchissent, aidés par la robotique et aujourd’hui, l’intelligence artificielle, entre autres… Personnellement, je vois que depuis qu’on ouvre ces nouvelles usines, on recrée de l’emploi : qui aurait imaginé cela il y a encore quelques années ? Il n’y a pas si longtemps, beaucoup étaient acquis à l’idée que nous allions devenir une société uniquement de services…
Donc, l’innovation, c’est le socle absolu, selon vous…
Assurément, oui ! L’innovation n’a rien à voir avec une offre au marché ou une invention. L’innovation est la réponse à une demande sociétale. Une innovation qui n’est qu’une invention gratuite n’a qu’une chance sur deux de se développer, et encore… Une innovation qui répond à une demande sociale, elle trouve tout de suite son marché, ses applications et elle s’ancre très vite dans une nouvelle manière de faire les choses. C’est cette innovation-là que nous soutenons aussi fort, bien sûr. Pour compléter ces commentaires sur l’industrie, il faut bien se rendre compte que la transformation actuelle est tellement vaste et importante que finalement, ne pas avoir à gérer les dépenses d’investissement pour les reconvertir représente pour nous une chance extraordinaire dans le monde qui nous entoure. Les Allemands ont cette problématique devant eux, ainsi qu’un certain nombre de pays de l’Est de l’Europe, pour les Italiens, c’est en cours. Notre chance, c’est de pouvoir dès maintenant fortement accélérer, grâce à ces 54 milliards que nous allons injecter dans notre économie…
On a donc, selon vous, passé définitivement le cap imposé par l’impact du principe de « destruction créatrice », théorisé par l’économiste Schumpeter…
Oui, cet impact est derrière nous. On en est aux fondations, là, on commence à reconstruire une nouvelle France industrielle. Notre principale problématique est de réussir à attirer nos jeunes vers l’industrie d’aujourd’hui. Pour le pays, mais aussi pour eux, cette page blanche que nous ouvrons est une fantastique opportunité. La France est d’ailleurs très avancée sur nombre de pays comparables : France 2030 est en fait une matrice excessivement large qui peut concerner nombre de TRL (l’acronyme de Technology Readiness Level soit le niveau de maturité technologique – ndlr), de la recherche et développement jusqu’à la création de la première usine. Des passerelles concrètes et effectives vont pouvoir se mettre en place rapidement ? Je pense notamment à l’Éducation nationale… Au niveau de France 2030 ; nous avons mis en place le dispositif « Compétences et métiers d’Avenir (CMA) ». Son enveloppe est de 2,5 milliards d’euros et nous avons d’ores et déjà engagé 700 millions d’euros. On soutient ainsi les centres de formation, les écoles, les universités. Cela concerne tous les niveaux de qualification et on soutient ainsi, en les subventionnant, toutes les initiatives visant à l’ouverture de nouvelles filières de formation dans des secteurs comme les batteries, l’hydrogène, le nucléaire, la santé, la culture et j’en passe… Elles développent toutes sortes de nouvelles compétences. L’enjeu est de rendre attractifs ces métiers de demain.
Essayons maintenant de focaliser sur notre région le Grand Est. Quels sont les atouts, mais aussi les faiblesses de notre territoire ?
Sans hésiter une seule seconde, je dirais que la force du Grand Est réside dans la présence évidente de ses profondes racines industrielles. Il n’y a aucun débat sur ce sujet. Certes ce territoire est aussi un grand blessé parce que ses légendaires secteurs industriels comme les mines, l’acier ou encore le textile ont été si terriblement éprouvés depuis soixante ans maintenant et très souvent d’une manière si brutale… Quand ses grandes cathédrales sont tombées, c’est tout un monde qui s’est écroulé. Ce fut un cataclysme…
Mais cette région s’est révélée être extraordinairement résiliente. À force de courage et d’opiniâtreté, elle se redresse : nous soutenons énormément de dossiers originaires du Grand Est et cet afflux prouve que dans ces racines-là se trouvent les ailes de l’avenir. En accompagnant cette région dans ses différents projets innovants, on va aider ce territoire à démontrer que la présence d’une forte innovation soutenue fortement par l’État au sein d’une région dotée d’une culture industrielle si marquée est l’ingrédient d’une vraie réussite à l’échéance 2030.
Quels sont les conseils que vous pouvez adresser aux initiateurs de l’incubateur industriel piloté par Quest for change dans le Grand Est ; non seulement vis-à- vis de France 2030 que vous pilotez, mais aussi vis-à-vis de cette nouvelle dynamique industrielle que le pays pousse à faire naître ?
Le tout premier conseil serait de ne plus raisonner en silos, c’est-à-dire de se contenter d’apporter les services à l’entreprise qui en a besoin, qu’on trouve dans tous les projets d’incubation : des services techniques, de management, de relations en réseaux ou autres… Un incubateur industriel doit être un catalyseur d’écosystème. Ce qui peut aussi vouloir dire, à terme, qu’il faut prendre le risque de voir une société « sortir de son nid » comme je le dis souvent.
Le deuxième conseil est d’affirmer qu’il faut savoir choisir ses combats. Si le spectre est trop générique, on rassemble trop de diversité et ça ne fonctionne pas. Il faut que petit à petit se sculptent des spécialités quitte à ce qu’elles se fédèrent en parallèle à d’autres réseaux pour aider à leur développement. Mais ce travail de concentration sur des spécialités précises me paraît vraiment intéressant en matière d’orientation. Enfin, il y a la matérialité qui consiste à travailler en réseau d’incubateurs, mais je sais très bien que Quest for change est sur la bonne voie, en matière de maillage de réseaux.
Pour revenir à l’innovation qui est au centre de France 2030, une simple question : le pays est-il réellement prêt à soutenir à fond ce concept, en un mot : êtes-vous réellement persuadé que la voie de l’innovation va être plébiscitée par toutes les forces vives du pays ?
Écoutez… J’ai été un entrepreneur dans un certain secteur, celui du numérique de l’époque, et qui était vraiment très innovant pour son temps. De là où j’agis aujourd’hui, j’ai la chance de voir toute cette palette de compétences que nous possédons et je peux vous dire, sans hésiter, que notre pays sous-estime considérablement son talent. Dans quasiment tous les secteurs concernés par France 2030, je rencontre des gens de classe mondiale. D’ailleurs, ce sont des gens qu’on nous envie et qu’on cherche à nous piquer, bien souvent. Combien de jeunes chercheurs sont-ils ainsi tentés de s’exiler outre-Atlantique, par exemple ? Je pense qu’en France, nous évoluons tous les jours, sans le savoir, dans le talent, l’innovation ou le spectaculaire. Nos cerveaux sont particuliers, j’en suis persuadé. Quand on y rajoute la formation, on obtient ces ingénieurs plus agiles et plus créatifs que la moyenne constatée dans les pays comparables. En France, on est « innovation native », c’est un fait, je le pense vraiment. Je l’ai expérimenté moi-même : j’avais créé une société qui fut le leader mondial en matière d’édition de jeux vidéo. (Infogrames, cocréée en 1983 par Bruno Bonnell, est devenue Atari SA en 2009 – ndlr). Il y avait certes d’autres qualités chez nos collaborateurs d’autres pays, mais, en France, nous avions cette spontanéité, ce supplément d’âme en matière d’innovation et c’était notre caractéristique. Je pense que ça perdure, à l’évidence…
Je vous coupe, mais au sein de l’Université de Strasbourg dont le secteur de la Recherche est un point fort, on connaît bien le phénomène de ces talents qui s’exilent. Les patrons des labos strasbourgeois se désespèrent, ils n’ont pas les moyens de retenir leurs meilleurs jeunes chercheurs…
Je le sais bien. Et c’est justement pour contrer ça qu’il nous faut rendre la France encore plus attractive avec ces investissements massifs qui vont permettre à nos jeunes talents de ne plus être tentés d’aller voir ailleurs. Nous allons pouvoir les payer à la hauteur de leurs talents. C’est bien parce que nous avons été depuis si longtemps dans un schéma de chutes budgétaires si importantes, avec un chômage si élevé donc de moindres recettes fiscales, avec des dettes publiques orientées vers bien d’autres priorités que l’investissement d’avenir, que nous avons ces jeunes qui envisagent d’aller exercer leurs talents ailleurs… Sincèrement, mon expérience dit aussi que sur les milliers de personnes que j’ai eus à gérer sur toute la planète, les Français finissaient toujours par se dire qu’ils avaient une telle qualité de vie dans leur pays et qu’ils envisageaient alors très souvent d’y revenir. Et ce retour se produit bien souvent aussi au moment où ils envisagent d’avoir des enfants qu’ils souhaitent pouvoir élever dans un pays avec un cadre et une qualité de vie « à la française ».
Il y a aussi les innovations de certaines grandes sociétés industrielles de notre pays qui abritent elles-mêmes un incubateur « dédié », l’Alsacienne Hager étant un exemple qui figure dans notre magazine et qui travaille étroitement avec Quest for change. Est-ce une piste qu’il conviendrait de pousser à son maximum ?
C’est en effet une piste très importante que celle-là, cette philosophie des « grands frères » au bénéfice des start-up ou des jeunes sociétés. Pour moi, c’est essentiel, mais, en revanche, il faut vraiment à ces industriels une philosophie loin de l’idée d’encourager ces gens et, en cas de succès, les « avaler », en quelque sorte. Il y a dans ce concept de « grands frères » une réelle nouveauté que j’ai remarquée chez Michelin par exemple ou souvent, dans le Grand Est d’ailleurs. Il faut que les incubateurs internes aient cette philosophie bienveillante, sans aucun agenda ni arrière-pensée, car sinon, ils ne verront jamais l’éclosion de quelque chose de nouveau. Ce serait comme si un gardien coupait sa fleur trop tôt, quand elle est au stade du bourgeon : il ne la verra jamais éclore… La philosophie de ces industriels doit être basée sur le fait de se dire qu’on a besoin d’encourager l’innovation et la relève. On doit pouvoir évidemment s’assurer de collaborations ultérieures, mais au départ, le « deal » doit être extrêmement clair : l’industriel doit apporter à la start-up qu’il incube la connaissance et l’expérience de ses univers. Il y a là une forme d’éducation industrielle qui manque terriblement dans notre pays. Car il faut être objectif : aujourd’hui, créer une start-up industrielle, c’est attaquer la face nord de l’Everest « en tongs et à mains nues » (rires). Personnellement, je n’ai jamais osé le faire, c’était comme m’attaquer à une muraille avec mes seuls ongles. Mais si vous avez un industriel « grand frère » qui vous envoie une solide échelle de corde, tout devient possible ! Et l’idée n’est pas de se dire : « laissez venir à moi les petits enfants pour les croquer ». Il ne faut pas qu’il soit ogre… Les experts de structures comme Quest for change doivent veiller à ça…
Enfin, un dernier mot. En poussant la métaphore, on pourrait dire que la France est engagée dans une sorte de grande classique de course cycliste. À vous entendre, le pays est en tête, assez détaché du peloton qui le pourchasse et dont il sent cependant « le souffle sur sa nuque ». 2030, c’est demain, la France entrevoit la ligne d’arrivée et envisage sérieusement de la franchir en tête. Vous avez vraiment confiance, la France va couper la ligne en premier ?
Ça dépend de quelle ligne on évoque. Quand je regarde sept ans devant moi, je me rappelle de sept ans en arrière. On est en 2023, mais replongeons-nous en 2016. On avait une France envahie par le seul problème de l’emploi et du chômage, on ne parlait que de ça à l’époque… On avait une France qui ne parlait pas d’Europe et même, qui s’en méfiait. Le pays était en extension quand on parlait d’innovation, parce qu’on ne prenait pas le problème par le bon bout… Et pourtant, en 2016, des mesures comme le CICE ou encore le Crédit Import Recherche étaient déjà en place… Absolument, mais rien n’était vraiment structuré, en fait. Sept ans après, le taux de chômage est descendu à 7 %, des usines ont rouvert leurs portes et créent des emplois, et je me dis qu’avec les investissements massifs qui sont en cours, l’accélération va devenir exponentielle. Quand j’imagine le pays dans sept ans, je vois plutôt une France qui aura retrouvé des usines qui seront une référence dans certains secteurs précis – dont un nombre important sera dans le Grand Est –, je vois une France qui aura réussi à se transformer sur le plan des compétences et des métiers d’avenir avec beaucoup d’écoles liées à l’IA, la batterie ou encore l’hydrogène qu’on nous enviera autour de nous…
C’est dur de clore un entretien avec vous, tant votre enthousiasme impressionne. Pour être très concret, il y a un secteur où, forcément, on va vous attendre nombreux au tournant. C’est celui du nucléaire. Le président de la République a décidé de lancer un important programme de « mini-réacteurs », pour faire simple. Compte tenu de la situation financière d’EDF à ce jour, et de l’état de l’innovation dans ce domaine, car on voit à quel point elle se porte mal avec les innombrables problèmes rencontrés par les réacteurs EPR dans le monde et en France, vous êtes sûrement bien conscient que le challenge est gigantesque…
Aujourd’hui, on a dans ce domaine une dizaine de dossiers sur les mini-réacteurs nucléaires qui sont à court terme en études de financement. Franchement, je serais content si deux d’entre eux arrivaient à terme. Mais on aura créé cet écosystème « mini-réacteurs nucléaires », et entretemps ceux qui seront tombés en route viendront rejoindre les autres, il y aura de la consolidation, une dynamique aura été créée, on aura initié des solutions. Bien sûr, on peut se dire que l’échéance 2030 est si proche que rien ne se fera, mais je réaffirme encore une fois que lors de mes très nombreux déplacements, je vois de mes yeux à quelle vitesse on développe des réacteurs de fusée, des électrolyseurs à hydrogène ou encore des fermenteurs pour les bioproductions. Là, on parle en mois, plus en années ! Entre l’intervention de France 2030, en termes de moyens financiers, et la volonté de ces sociétés, l’agilité de leurs capacités d’innovation qui les fait transgresser leurs habitudes en termes de process, les résultats sont infiniment rapides. Dès 2030, elles vont proposer une palette incroyable d’innovations.
Mes inquiétudes sont ailleurs, en fait : ce sont les problématiques liées à l’énergie, même si on a accéléré en faveur des énergies propres en mettant quand même deux milliards d’euros sur l’hydrogène. Parallèlement, il va bien falloir s’assurer qu’on va vraiment basculer dans un système global d’énergie véritablement « verte », durable et renouvelable. Ce critère sera fondamental, et là, je suis absolument certain que nous serons les premiers à « passer la ligne », pour reprendre votre métaphore. On n’a pas encore les ailes de Pégase, mais nos concurrents, avec le charbon par exemple, ont de véritables boulets aux pieds… »
*BIOGRAPHIE DE BRUNO BONNELL
Né en Algérie en 1958, Bruno Bonnell s’est installé à Lyon avec sa famille d’origine catalane alors qu’il était âgé de huit ans. Bachelier dès l’âge de seize ans, il a alors entamé une formation scientifique, avant de se passionner pour l’économie et l’informatique. En 1983, il cofonde Infogrames qui deviendra assez vite le leader mondial des jeux vidéo, avant d’être cédé à l’américain Atari. Devenu « serial-entrepreneur » avant l’heure, Bruno Bonnell n’aura alors de cesse d’innover, au sein de multiples sociétés. Élu député en 2017 au sein du groupe LREM, cette figure du monde entrepreneurial lyonnais ne s’est pas représentée aux Élections législatives de juin 2022 et est devenu, depuis six mois, le pilote de France 2030 et ses 54 milliards de capacité d’investissement en faveur de l’innovation en France.