Christophe Lasvigne, de supporter à président

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Propulsé à la tête de la SIG à l’automne après la démission du président élu Olivier Klotz, Christophe Lasvigne a pris ses marques et posé sa patte sur la gouvernance du club de basket alsacien pour une année de transition qu’il espère constructive. En place jusqu’en juin 2025, ce fervent supporter devenu président aspire à replacer la SIG parmi les grosses cylindrées hexagonales.

Vous n’êtes pas connu du grand public, qui pourrait vous considérer comme parachuté à ce poste de président. Pourtant vous avez une longue histoire avec la SIG Strasbourg…

Cela fait 27 ans que j’ai une histoire commune avec ce club, que ce club coule dans mes veines, que j’y ai plein d’anecdotes et d’histoires, et vécu pleins d’émotions. Le sentiment qui a pu être ressenti, c’est qu’on ne me connaissait pas, et même ceux qui me connaissaient ne savaient peut-être pas le lien intime que j’avais avec la SIG. Mais si vous demandez aux collaborateurs, aux joueurs, aux partenaires ou autres, les gens vous diront que j’ai toujours été là. Aujourd’hui, je me sens très à l’aise dans mes fonctions et les retours que j’ai sont très positifs. Donc j’insiste, je ne me sens pas du tout parachuté.

Vous dites que le club coule dans vos veines. Quel souvenir mettrait ce lien en lumière ?

Je n’ai jamais joué au basket de ma vie. Je suis arrivé à la SIG par hasard pour des raisons professionnelles. Et j’ai tout de suite accroché. J’y ai des amitiés depuis 27 ans, j’y ai créé un réseau professionnel. Lorsque je n’ai plus été sponsor, je suis resté abonné (…). L’anecdote la plus marquante, peutêtre aussi la plus douloureuse parce qu’elle est inscrite dans ma chair, est celle vécue à Chalon. J’ai été marqué physiquement par un gros accident de la route et le président du club affaire de l’époque, Philippe Weiss, ainsi que l’entraîneur d’alors, Christophe Vitoux, m’ont invité à aller voir un match là où j’étais en rééducation. Ils sont venus me chercher avec une ambulance, m’ont emmené dans un fauteuil roulant et placé à côté des joueurs sur le banc. C’est l’année, où nous avons été champions de France ProB (saison 1998/1999 – ndlr). On a gagné ce soir-là, c’est une émotion que je n’ai vécue qu’une fois dans ma vie. C’est tellement fort en termes d’amitié, de partage, c’est indélébile… La SIG est un club incroyable. Dans sa manière d’être, dans la longévité de certains joueurs et entraîneurs, comme Vincent Collet, ou président, comme Martial Bellon, et dans son système mutualiste, ce club est un concentré des valeurs de l’humanisme rhénan qui me conviennent parfaitement.

Comment vous organisez-vous, pour mener de front vos fonctions à la SIG et votre activité professionnelle ?

J’ai un métier extrêmement prenant puisque j’ai créé et je dirige Le Théâtre du Vin, une entreprise qui fait 10 millions de chiffre d’affaires et emploie quarante personnes. Quand on a pensé à moi pour ce poste, j’avais prévenu que j’étais capable de dégager du temps parce que j’ai des collaborateurs extrêmement investis. La démission d’Olivier Klotz a été soudaine, ma nomination en 24h l’a été d’autant plus. J’ai une activité qui est extrêmement saisonnière et la fin de l’année était très chargée, le calendrier n’était pas optimal. Mais je n’ai eu aucune hésitation à accepter. À partir du moment où on a pensé à moi, ma décision a été prise. Ma femme m’a soutenu, mes équipes l’ont appris a posteriori, mais font ce qu’il faut et aujourd’hui je restructure mon activité pour pouvoir avoir deux vies professionnelles étanches. Je ne veux pas mélanger les genres, et les conflits d’intérêts pourraient être un problème. Je vais essayer d’avoir des matinées professionnelles et des après-midi à la SIG. Deux mi-temps, deux vies professionnelles.

Aujourd’hui, la SIG a été dépassée par Bourg-en-Bresse ou par Paris. Comment comptez-vous faire pour la replacer parmi les meilleurs clubs français ?

L’année dernière, le budget de la SIG a baissé pour la première fois, 2023/2024 est donc une saison de transition. En championnat, on est à notre place par rapport au classement des masses salariales puisqu’on est 9e. Au début de saison, les autres clubs ont tous fait des réajustements contrairement à nous qui avions une masse salariale encadrée.
La SIG a stagné alors que des équipes ont vu leur budget augmenter. Monaco et l’ASVEL ont des budgets exceptionnels grâce à des actionnaires importants, mais aussi parce qu’ils jouent l’Euroligue, compétition rémunératrice. Paris a un superbe projet et va peut-être encore progresser puisqu’on parle d’une fusion avec Boulogne (autre club de l’Elite – ndlr). Bourg-en-Bresse a un modèle intelligent, il y a de l’argent certes, mais ses dirigeants s’inspirent de ce qui se fait de mieux ailleurs, ce sont des modèles intéressants.
Je serais ravi de remettre la SIG dans le Top 5 au côté de ces quatre équipes. Ça nous oblige à être meilleurs financièrement, sportivement et structurellement. Tout le monde a envie de revoir la SIG, qui a disputé une finale d’EuroCoupe, cinq finales de championnat de France, un Final Four de Ligue des champions, retrouver une place parmi les plus grands clubs européens.

Vous évoquez l’aspect financier. La venue de Matt Pokora a considérablement boosté les finances du club. Comment s’investit-il ?

L’arrivée de Matt Pokora est une chance incroyable. Pas parce qu’il a investi 300 000 euros, on a un autre actionnaire, 1DoTech, qui a mis autant. Mais parce que c’est Matt Pokora ! Il s’investit personnellement, a de bonnes idées, travaille avec les équipes quasi quotidiennement et les résultats seront visibles à la rentrée. Je ne veux rien déflorer, mais cela fait trois ans qu’il n’y a pas eu de soirée de présentation de l’équipe au public ou aux partenaires, il y en aura une et ça va être quelque chose ! Avec lui, on travaille sur une refonte du logo, l’animation, le merchandising. Matt veut s’impliquer dans la direction artistique avec pour exemple Max Guazzini ; il le dit lui-même : « Voyez l’impact que ça a eu pas seulement sur le Stade Français, mais sur le rugby français ».

Son engagement avec la SIG est-il lié à sa relation avec Tony Parker ?

L’histoire vient de là oui. De l’attachement de Matt pour Strasbourg et pour le basket, et de la connexion avec Tony qui lui a parlé de la SIG. Ça s’est fait naturellement. D’ailleurs pour le match contre l’ASVEL (le 30 mars – ndlr), Tony Parker et Matt seront là.

Pour se développer, le club a besoin d’une salle plus grande. Où en est le projet de l’Arena ?

L’Arena n’était pas de ma responsabilité. Mais avec la démission en décembre de Martial Bellon, qui était président de Wacken Immo, en charge du projet, j’ai endossé ce rôle et aujourd’hui je m’occupe de l’avenir de l’Arena. Je suis persuadé que ce projet tel qu’il a été imaginé et construit financièrement est ce qui peut arriver de mieux à la SIG en termes d’objet immobilier et d’outils sportifs et d’animation. Le projet a un peu plus de huit ans, depuis, le quartier a beaucoup changé et le Rhenus est presque une verrue dans le paysage. À partir du moment où on aura les collectivités avec nous, ce qui est le cas, où on aura les investisseurs, ça se passe plutôt bien, les banques suivront. Pour replacer le club dans le Top 5 nous avons besoin d’un nouvel équipement parce qu’on a atteint un plafond de verre, on ne peut pas faire plus en termes de billetterie. Le projet est bon, tout le monde en a convenu, mais jamais en même temps. J’espère vous dire prochainement que toutes les planètes sont alignées.

Comme vous, Martial Bellon est arrivé à la tête de la SIG en tant que pacificateur avant de finalement rester président pendant 13 ans. N’avez-vous pas envie de poursuivre l’aventure ?

On verra… (il sourit). Ce n’est pas tout à fait la même réponse que j’avais donné il y a trois mois (lors de sa prise de fonction), j’avais alors une feuille de route et une durée. Je voulais organiser des élections en juin, mais on aurait eu un quatrième président pour la même mandature, élu pour un an donc. Les actionnaires voulaient que j’aille jusqu’au bout du mandat, en juin 2025.

Vous vous êtes pris au jeu ?

Oui, très clairement (il sourit). Ce serait mentir que de dire l’inverse et comme vous l’avez compris, mentir, ce n’est pas quelque chose que je fais souvent…

©Nicolas Rosès

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