Corps étranger I Musée Maillol
Après une tournée internationale, de l’Australie à la Belgique en passant par l’Espagne, l’exposition Hyperréalisme. Ceci n’est pas un corps, s’installe en France, à Paris, au Musée Maillol et jusqu’au 5 mars 2023. L’occasion de découvrir un courant artistique qui, au-delà de son incroyable technique, impressionne par les questionnements qu’il soulève.
Mouvement apparu aux États-Unis dans les années 60, l’hyperréalisme sculptural fait écho à l’esthétique dominante de l’époque, le Pop art et le photoréalisme. Ici, l’artiste hyperréaliste cherche à atteindre la représentation parfaite de la nature et à créer le trouble auprès du spectateur. Formes, contours, textures, le corps humain est reproduit à l’identique dans un méticuleux travail d’illusion. Pari réussi donc pour cette exposition qui réunit plus de 40 sculptures d’artistes internationaux de premier plan dont : George Segal, Ron Mueck, Maurizio Cattelan, Berlinde De Bruyckere, Duane Hanson, Carole A. Feuerman, John De Andrea… À peine la visite commencée, on ne sait plus ce qui relève de la copie ou de la réalité (âmes sensibles, s’abstenir) et les visiteurs de parfois sursauter comme dans un musée des horreurs !
Tératologie et eschatologie
Même parfaitement reproduits, ces corps n’en sont pas moins monstrueux, car leur ressemblance et leur permanence nous renvoient à notre condition humaine, changeante et éphémère. C’est là toute la force de l’exposition : montrer ces corps copies, ces corps miroirs qui nous interrogent sur le sens de nos vies. Bronze, plâtre, silicone, résine ou encore polystyrène, les artistes utilisent différents matériaux, toujours à la recherche d’un rendu faisant illusion. Pourtant, la copie pure n’est pas nécessairement la finalité du processus hyperréaliste. Le corps, parfaitement reproduit, est ainsi modifié en profondeur, toujours dans l’idée de révéler son potentiel expiatoire. Corps décapités, étirés, tatoués, en lévitation, anamorphosés, automatisés ou lycanthropes, les mises en scène poussent le dispositif jusqu’au trouble, dans un jeu d’attirance-répulsion qui donne à réfléchir. Mi-fasciné, mi-effrayé, l’on parcourt les salles à la recherche d’un frisson alors que ce sont nos propres peurs qui s’expriment là. À l’époque de l’onanisme iconophile à grands renforts de selfies, l’exposition Hyperréalisme. Ceci n’est pas un corps recentre le débat et nous prouve que l’existence se trouve par-delà l’apparence.