EDITO I REVIVRE

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« N’embêtez pas les humains avec vos idées, votre harcèlement social. Ils veulent simplement vivre, les humains, vivre le temps de vivre, et reproduire la vie pour se sentir vivre ou revivre, et vivre le plus longtemps possible, et même survivre. »

Passion fixe, Philippe Sollers

En 2017, est paru un ouvrage tout entier consacré à l’Érotique et la Politique, permettant notamment de comprendre « pourquoi l’érotique est au coeur du défi platonicien de cohésion de la cité. » (Érotique et Politique chez PlatonÉrôs, genre et sexualité dans la cité platonicienne).

Les mois confinés que nous venons de vivre et dont nous espérons enfin nous extraire définitivement, nous ont tous confrontés à ce sentiment étrange d’une distance de plus en plus importante entre le souci de nous-mêmes et des autres, et celui que nous imposent les politiques, les institutions.

Alors, si à partir d’aujourd’hui nous cessions enfin de vivre dans le confort anesthésiant d’un sentiment de sécurité illusoire, bercés par le ronronnement de nos habitudes familières et rassurantes ?L’enjeu est de taille : reprendre le pouvoir sur nos vies, sur notre environnement. Un défi autant intime qu’universel. Car il faut prendre conscience que l’Érotique, au sens le plus large, comprend nos désirs les plus profonds, qui peuvent et doivent avoir une incidence sur la Politique.

En effet, quel serait le sens d’une société qui ne serait pas capable d’écouter, mais aussi d’ordonner, les aspirations des Hommes qui la composent. La démocratie devrait être l’outil de cette écoute et de la régulation de ces désirs (sinon c’est l’anarchie). À défaut qu’elle n’assume son rôle, le risque est majeur de basculer vers l’ordre sans la prise en compte de nos pulsions de vie. C’est le fascisme, le totalitarisme, la pulsion de mort.

Pour l’éviter, quel meilleur rempart que de vivre, revivre, vraiment !Pour cela, il faut oublier nos peurs (du terrorisme, de la maladie, de l’Autre…) qui prennent ce qu’il y a de meilleur en nous, et nous empêchent souvent d’exprimer librement ce que nous sommes et ce que nous pensons.

Et pourtant… nous vivons bien dans une société où l’indocilité, la contestation, le débat, dans le respect des règles de la République, sont toujours possibles. Si nous ne voulons pas regretter un jour de ne pas les avoir utilisés, c’est bien maintenant que nous nous devons de le faire, sans quoi nous serons coupables de notre propre malheur.

Revivre alors ? Vivre enfin !
« Aime-la cette vie. Casse-lui la gueule. Bouleverse-toi d’elle. Elle te donnera des ailes. Et tu voleras comme le cormoran argenté. » Richard Bohringer – L’Ultime Conviction du désir (2005).

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