Edito N°38 // Ouvertures
« History recalls how great the fall can be
While everybody’s sleeping, the boats put out to sea
Borne on the wings of time
It seemed the answers were so easy to find
« Too late « , the prophets cry
The island’s sinking, let’s take to the sky « *
Fool’s overture – Richard Davies / Roger Hodgson
Supertramp/ Even in the quietest moments… / Universal Music / 1977
Pourquoi, au moment d’écrire mon édito pour ce numéro 38, c’est ce morceau de Supertramp qui est venu me chatouiller les oreilles ? Fool’s overture est une des grandes compositions du groupe et le message qui y est inscrit, oscille entre désespoir d’un monde qui s’écroule et hommage au combat pour s’en sortir puisque les paroles font explicitement référence à la situation de la Grande-Bretagne pendant la 2ème guerre mondiale et à l’obstination de Churchill à tout faire pour la sauver. (On y entend même les extraits de son célèbre discours : “ We shall go on to the end… we shall fight on the seas and oceans, we shall defend our island, whatever the cost may be. We shall never surrender.”)
Au-delà des craintes légitimes qui sont exprimées dans ce numéro par le secteur culturel, face aux défis de la crise liée au Covid-19, et convaincu que les choses n’arrivent jamais par hasard, je suis de ceux qui pensent que l’ouverture et l’imagination pour créer de nouveaux modèles, seront des remèdes bien plus intéressants et pérennes que réclamer des subventions et des aides supplémentaires (certes indispensables sur le court terme) afin de mettre sous oxygène un système moribond, dans la culture comme dans bien d’autres secteurs de l’économie.(non ce n’est pas un gros mot d’associer culture à économie ou alors il faudra expliquer à tous les acteurs culturels de devenir bénévoles !)
Alors oui ! Ouvrons les salles de spectacles (sinon pourquoi les trains et les avions ?!), mais ouvrons-nous surtout, sur tout ce et tous ceux qui nous entourent : l’environnement et la démocratie (Jeanne Barseghian), le monde, l’universel (Leïla Slimani), la littérature et la musique (Les Bibliothèques Idéales), faisons preuve d’audace (Benjamin Morel), et interrogeons-nous avec Thierry Jobard sur les raisons qui nous mènent aujourd’hui à une société que nous ressentons comme plus violente : « c’est parce que le conflit démocratique disparait, que la violence surgit. »
L’ouverture c’est aussi celle-là : accepter le conflit avec l’autre tout en le respectant, et faire naître de la confrontation des idées, des propositions innovantes, et pourquoi pas révolutionnaires, pour demain.
« Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous ». Cette citation de Franz Kafka, que François Wolfermann a choisie comme fer de lance des Bibliothèques Idéales 2020 est d’une justesse folle, cinglante et pénétrante, comme un avertissement : ouvrons-nous ou mourrons gelés dans la glace de nos certitudes.
*Traduction :
« L’Histoire rappelle comment la chute peut être grande
Pendant que tout le monde dort, les bateaux prennent le large
Portés par les ailes du temps
Il a semblé que les réponses étaient si simples à trouver
« Trop tard », les prophètes ont crié
L’île est en train de couler, réfugions-nous dans les cieux »