Edito N°39 I Présages
“Pour moi, il n’y a que d’heureux présages ; car, quoi qu’il arrive, il dépend de moi d’en tirer du bien.”
Epictète, 50-135
À l’aube d’une nouvelle année, il est d’usage de consulter les oracles de tous bords et d’analyser les signes qui nous permettront d’anticiper notre avenir, en tant qu’individu et pour le monde qui nous entoure.
Mais nous voilà, finissant une année au cours de laquelle nous avons (ré)appris à penser l’impensable.
Tout au long de cette année, nous avons tenté, au fil des numéros d’Or Norme, de décoder notre présent, entre le désir, à chaque instant, et malgré tout, de jouir du monde tel qu’il est et avec ce qu’il nous propose de beautés parfois oubliées, et celui de le recréer afin qu’il soit plus juste, plus apaisé et encore plus beau.
Alors, si, pour une fois, nous mettions enfin tout en œuvre pour accéder à nos rêves, qui sont souvent nos présages les plus signifiants, cette autre réalité à laquelle nous aspirons.
Dans son ouvrage Vies de Job, Pierre Assouline nous interpelle ainsi : « Il ne faut pas seulement avoir le courage de vivre sa vie, mais aussi celui de l’imaginer ! ».
C’est assurément le meilleur moyen de voir et faire le monde, non pas tel qu’il est mais tel que nous sommes.
Prendre enfin conscience que l’Homme est co-créateur de l’univers dans lequel il évolue, c’est aussi assumer notre responsabilité et ne pas subir, sans réagir, le joug de la fatalité, qu’elle soit sanitaire, économique ou politique.
Accepter son rêve, en transformant la souffrance réelle, accueillie alors comme une épreuve initiatique, en la reconnaissant comme sienne afin de l’affronter pour la traverser, voilà le défi auquel chacun doit se confronter aujourd’hui.
Car si les temps difficiles que nous vivons, le sont, à des degrés divers, pour l’humanité dans son ensemble, c’est bien évidemment l’occasion pour chacun de nous, d’interpréter ce qu’ils signifient pour notre moi intime.
C’est notamment à cet examen que nous invite André Comte-Sponville dans le Grand Entretien qu’il nous a accordé et que vous découvrirez en début de magazine.
Avec son regard de philosophe, il nous livre son interprétation de la crise que nous vivons, et bien plus, des stratégies, parfois hallucinantes, qui nous sont proposées pour y faire face.
Il nous pousse ainsi à faire l’effort, avec notre libre-arbitre, notre vigilance, notre conscience, de bien vouloir nous poser la question de savoir dans quel monde nous voulons vivre, et surtout dans lequel nous voulons faire vivre nos enfants !
C’est dans l’épreuve que nous serons jugés demain par les plus jeunes d’entre nous, c’est à eux qu’il faudra expliquer si nous avons été capables de ne renier ni nos rêves, ni nos valeurs.
Alors, comme Epictète nous le suggère du fond des âges, observons les présages, tous les présages, comme de magnifiques opportunités pour nous demander de quelle manière, en responsabilité, nous pouvons, chacun à notre échelle, « en tirer du bien ».