Emmanuel Todd « C’est comme si, dans le paysage politique, tout le monde, à un certain niveau, avait sombré dans le populisme… »
Emmanuel Todd, historien et démographe, a ceci de propre à lui que, quel que soit le sujet abordé, il parvient à apporter un éclairage particulier, différent, pertinent. Mais également déstabilisant. Cela tient en partie à l’échelle qu’il adopte dans sa réflexion, celle de la longue durée, et en partie aussi à son originalité propre. Avant de l’interroger, il nous a fallu nous livrer à un exercice hautement risqué concernant un auteur : relire ses livres plus anciens. Combien de projections, combien de prophéties, si fièrement énoncées par des Grands Auteurs inspirés ne recueillent-elles plus aujourd’hui qu’un sourire condescendant ou un sarcasme ? Ce n’est pas le cas pour Emmanuel Todd. Au contraire, nombre de ses analyses se sont vues vérifiées et confirmées avec le temps. Bien peu peuvent en dire autant, à l’heure où s’accumulent sans fin ces petits essais si vite écrits et si vite oubliés. « Tiens, je devrais faire prophète comme métier ! » déclarera-t-il, avec ce petit sourire en coin qu’il a souvent. Une façon de montrer qu’il ne se prend pas au sérieux ; c’est une forme d’élégance… En pensant à lui nous vient souvent cette phrase de René Char : « Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience ». Alors nous n’avons pas voulu perdre, en retranscrivant cette interview par écrit, le ton qui est le sien et ces idées qui lui viennent en permanence, trait typique de sa conversation. Ni alourdir par des « (Rires) » une conversation qui en fût emplie, à vous de les entendre entre les mots. Quant aux forcenés du premier degré, ils sont charitablement avertis qu’ils ne trouveront ici que miroirs et chausse-trappes… Entretien réalisé le 10 février 2022.
Dans Après la démocratie (2008), vous aviez écrit en conclusion du livre : « Le véritable drame, pour la démocratie, ne réside pas tant dans l’opposition de l’élite et de la masse, que dans la lucidité de la masse et l’aveuglement de l’élite ». Constat complété en 2020 dans la lutte des classes en France au xxie siècle : « Le monde d’en haut est idiot et peu moral ». Alors que nous approchons de l’élection présidentielle, voilà qui incite peu à se déplacer dans les bureaux de vote, non ?
J’évolue désormais vers l’idée que l’élite a pour une part réussi à convertir les masses à son aveuglement, par phénomène de capillarité descendante. J’ai d’ailleurs maintenant un nouveau modèle, développé pas à pas. Partons du début : les élites font l’euro, elles bâtissent des contraintes sur la politique économique de la France qui la rend incapable de protéger son industrie. Au bout de vingt ans de ces erreurs, l’industrie française est en grande partie détruite, ce qu’on a pu constater au moment de la crise du Covid, où l’on a vu tout ce qu’on n’était plus capable de fabriquer.
Cette destruction de l’industrie s’accompagne d’une baisse du niveau de vie, les plus fragiles passant en dessous de la ligne de flottaison, par exemple les Gilets Jaunes. Les candidats aux Présidentielles nous parlent d’immigration, d’insécurité… Ils nous parlent de valeurs. Pour moi, dès que quelqu’un parle de valeurs c’est qu’il n’en a pas ou qu’il a quelque chose à cacher. Si tu as des valeurs, tu n’en parles pas, tu les vis.
Ils parlent de tout ça alors que les nouvelles du jour ce sont l’inflation, le plus haut déficit commercial que la France ait jamais enregistré, environ 85 milliards d’euros, et des pénuries incessantes sur le papier, le bois, l’alimentation… Tout cela est un produit de la stupidité des élites. Les Français savent qu’ils sont français, les élites françaises ne savent plus qu’elles sont françaises. Elles le sont pourtant, elles font rire dans le monde, donc elles existent. Mais le gros de la population est moins déconnecté de la réalité que les partis politiques. Sa principale préoccupation, c’est le pouvoir d’achat.
Mais le pouvoir d’achat c’est la consommation, pas la production. Et tout se passe comme si les gens avaient perdu de vue qu’avant la consommation il y a la production et la transformation de la matière. Comme si les gens ordinaires avaient rejoint les élites dans une forme d’aveuglement.
Il y a également, selon vous, le rôle fondamental qu’a joué l’euro depuis son instauration…
L’euro était une offensive stratégique contre les milieux populaires. Il s’agissait de transformer les Français, d’en faire des gens disciplinés, des travailleurs, des Allemands, du moins la représentation qu’avaient les élites françaises des Allemands. L’euro était donc un instrument de discipline fait pour obliger l’industrie française à monter en gamme, pour éliminer les canards boiteux par le biais d’une monnaie forte. La monnaie forte on l’a, mais elle a éliminé non seulement les canards boiteux, et encore… mais aussi une bonne partie de canards en pleine santé puisqu’on ne pouvait plus ajuster le coût du travail français par une dévaluation.
Mais l’euro a eu un autre effet que la destruction de l’industrie en France, en devenant lui aussi une sorte de grand canard boiteux monétaire. Ce n’est plus une monnaie qui sert la vie économique, mais un malade qu’il faut sauver. C’est tout à fait autre chose.
Avant l’euro, les gouvernements français devaient gérer des crises de change, mais cela obligeait à équilibrer les comptes et, surtout, cela rappelait qu’il fallait produire. Produire pour exporter et importer. Libéré de la contrainte de change, on peut creuser le déficit commercial sans que la monnaie bouge, emprunter à des taux négatifs sans s’inquiéter… On continue à vivre dans le rêve. L’euro est devenu un instrument d’indiscipline économique. C’est comme si, et là c’est une mauvaise métaphore qui me vient, en voulant prendre un médicament constipatif on avait pris un laxatif ! Ces mécanismes ont éduqué la population à l’irresponsabilité.
D’une certaine manière, l’opposition au système est toujours plus forte dans les milieux populaires. Il y a une forme de… je ne dirais pas de bon sens parce que l’expression « bon sens populaire » implique l’idée d’une simplicité limitée. Je préfère parler de perception directe de la réalité. Il est clair qu’à un certain niveau, trop d’études supérieures, trop de privilèges, déconnectent de la réalité et que la déconnexion de la réalité est derrière, par exemple, le traité de Maastricht. D’ailleurs si on analyse le vote lors de la ratification de ce traité, on voit que les milieux populaires étaient contre. Si eux seuls avaient eu le droit de vote, dans une forme de suffrage censitaire inversé, chose qui n’a jamais excité, mais dont je suis fier d’avoir l’idée à l’instant, la France ne serait pas dans la merde. Et la sagesse populaire aurait sauvé le pays !
Mais qu’en est-il alors des forces en présence aujourd’hui ?
Ce qui structurait implicitement la vie politique française depuis Maastricht, c’était l’opposition de l’élitisme et du populisme. Mais ce qu’on est en train de vivre dans cette campagne électorale c’est l’effondrement de cette opposition. L’élection de Macron c’était l’apothéose de cette opposition : c’est ce que j’ai établi dans La lutte des classes en France au xxie siècle, le vote RN déterminant le vote Macron comme opposition entre vote des élites contre le vote populaire. Mais comme aujourd’hui tout le monde est de droite en France, avec l’effondrement complémentaire de la gauche dans l’identitaire-sociétal, on ne voit plus d’opposition élitisme-populisme. En fait c’est comme si, dans le paysage politique, tout le monde, à un certain niveau, avait sombré dans le populisme.
Je suis de près la composition de l’électorat de Macron. C’est formidable, il a changé d’électorat en cours de mandat. En 2017, il était surreprésenté dans les éduqués supérieurs et sous-représenté dans le monde ouvrier. Maintenant il s’est renforcé chez les vieux, il a progressé parmi les Bac +2 et tourne autour de 20 % chez les ouvriers. C’est très symptomatique de cet effondrement de l’opposition élite/ peuple. Si dans un premier temps l’aveuglement s’est répandu des élites vers le peuple, reste à comprendre comment les élites sont devenues populistes.
Commençons par donner une définition du populisme : c’est la revendication impuissante des dominés. Ceci posé, il faut comprendre qu’au vu des rapports de force dans l’Europe et dans le monde, les élites françaises sont désormais dominées. Il y a des débats pour savoir si elles sont dominées par les Allemands, par les Américains, ou par un condominium germano-américain sur la France, thèse à laquelle je me convertis progressivement. À l’échelle mondiale, les élites françaises c’est du populo, une masse de manoeuvre pour les vrais dirigeants mondiaux. Nous assistons donc en France à une réconciliation d’un peuple et de ses élites dans le néant, et un néant qui s’exprime, sur le plan politique, par un populisme de droit généralisé.
Comment interpréter alors le mouvement des Gilets Jaunes dans cette optique ?
Nous sommes dans un simple moment. Tout ce que nous vivons actuellement sur le plan idéologique est destiné à mourir assez vite. Nous sommes dans une dernière illusion. Comme si nous étions dans la « Drôle de guerre » en 1939. Une sorte de moment suspendu, durant lequel on se félicite que tout semble ne pas trop mal se passer puisqu’il n’y a pas de combats. C’est une « drôle de guerre » économico-sociale, une sorte d’illusion ancrée dans un déni selon lequel on va pouvoir continuer à consommer sans produire, qu’on va pouvoir continuer à détruire notre industrie, même s’il reste des pôles de résistance avec des industries de pointe, ou l’aéronautique. Mais la hausse des taux d’inflation, qu’on sous-estime, la baisse du niveau de vie, la situation économique générale vont nous conduire à nous crasher sur le mur de la réalité économique. Et là, les Gilets Jaunes on les retrouvera, mais puissance 100. Puisque ce ne seront plus des catégories qui ont besoin de gasoil pas trop cher pour aller bosser, ce sera tout le monde d’un coup. Car on ne peut pas rester en lévitation comme ça très longtemps. On peut refuser l’évidence, on peut refuser la guerre économique, mais, à un moment, l’atterrissage sera rude. Quand j’ai écrit que les Gilets Jaunes ouvraient un nouveau cycle dans l’histoire de France, cela reste absolument vrai. Mais, par exemple, la révolution russe de 1917 a abouti après l’échec de celle de 1905, après une guerre mondiale et un changement de régime. En matière d’histoire des crises, il ne faut pas être trop pressé.
Mis à part les principaux intéressés, personne ne semble vraiment se passionner pour les prochaines élections. Il y a pourtant des thématiques essentielles qui mériteraient d’être abordées selon vous…
Oui, actuellement, on voit des débats se focaliser… Ah, je viens d’avoir une idée. On pourrait inventer une nouvelle idéologie qu’on appellerait le reconstructionnisme, en hommage à la déconstruction de Derrida… Sauf que lui est plutôt dans le concept, moi je suis plus intéressé par l’industrie. Mais je n’ai pas son immense talent conceptuel… On emboîte un peu le pas de Montebourg autour de la réindustrialisation de la France. On voit des débats autour de l’énergie, des trucs de base. On peut faire la liste des candidats qui sont pour le nucléaire, ceux-là sont encore dans la réalité. L’énergie est un gros problème. Sans énergie on ne vit plus. Tout candidat qui est opposé au nucléaire actuellement, quelles que soient ses raisons, peut être considéré comme hors de la réalité. À ce propos, la crise actuelle en Ukraine est également liée à l’existence du gazoduc Nord Stream 2, et donc à l’approvisionnement en gaz de l’Allemagne par la Russie. C’est très intéressant de voir comment ces fondamentaux de survie reviennent dans les discussions. lls mériteraient d’être traités, de même, peut-être que tout ce qui tourne autour des questions d’approvisionnement en nourriture.
Vous aviez émis l’hypothèse, encore dans Après la démocratie et dans La lutte des classes en France au xxie siècle, d’une abolition de la démocratie. Par ailleurs, il apparaît dans certains sondages que, notamment parmi les 20-35 ans, l’attachement au régime démocratique faiblit. Cela vous semble-t-il être une tendance durable ?
Je pense qu’il est déjà assez facile de démontrer que l’Union européenne n’est plus une démocratie. En revanche je dirais que l’Allemagne est une démocratie. Comme l’Allemagne décide, le peuple allemand a toujours le droit de vote si on veut. Cela lui permet de désigner un Chancelier qui mènera une politique qui a un sens, avec des moyens d’action. D’ailleurs, au stade actuel, je suis très content de notre Chancelier… Nous, on va élire notre gardien.ne de prison. Car si le niveau de vie baisse, l’important c’est la répression.
Je ne crois pas que celui ou celle qui sera élu.e fera une différence. L’État est en roue libre. Il faudra bientôt chercher le pouvoir du côté du Ministère de l’Intérieur, en interaction avec les syndicats de police : le maintien de l’ordre face à la paupérisation. La répression face aux revendications. Je vais vous faire une confidence : moi qui suis un intellectuel issu d’un milieu bourgeois, je n’ai jamais aimé ceux de ma classe. Moi je suis du côté de ceux qui se révoltent, c’est comme ça, d’instinct. Mais déjà en Mai 68, j’ai lancé quelques pavés, mal d’ailleurs, mais je n’arrivais pas à prendre au sérieux les gauchistes qui jouaient les petits chefs et expliquaient à tous ce qu’il fallait faire, ce qu’il fallait penser.
Mais c’est un sujet qui m’intéresse à nouveau la démocratie, dans une perspective élargie. J’ai évolué, je suis dans une perspective d’affinement des concepts. Affinage c’est pour les fromages c’est ça ?
C’est ça oui…
D’abord je crois que pour comprendre ce qui se passe, il faut distinguer la démocratie en tant que forme institutionnelle – suffrage universel, liberté d’expression, indépendance des pouvoirs… – et la démocratie en tant que système de moeurs. Il faut également mesurer l’importance du rôle de la monnaie et de la politique économique dans une démocratie. Si on doit élire des représentants, il faut qu’ils aient la capacité d’agir. Vu que la création monétaire échappe à la République française et que les règlements commerciaux européens interdisent de protéger une industrie nationale, le président de la République n’a pas de capacité d’action économique. La France n’est donc déjà plus une démocratie, dans les faits. Le manque d’intérêt pour la politique en France, notamment avec les taux d’abstention massifs auxquels on peut s’attendre, est, selon les analyses courantes des politologues, un signe de crise de la démocratie, cette démocratie qu’ils croient ou feignent de croire toujours vivante. Or, pour moi, ce manque d’intérêt est un signe de résistance démocratique. Chaque fois que le taux d’abstention est élevé, cela indique qu’il y a toujours un potentiel démocratique dans le pays. Parce que les gens ont compris que ces élections étaient des comédies…
Mais cela pourrait tout simplement être de l’indifférence.
On ne sait pas, on ne peut pas parler à la place des gens. En tout état de cause, il faut penser la démocratie dans le cadre national. Du jour où la France a adhéré à l’Union européenne et donc se privait de ces instruments en matière de politique économique et monétaire, elle a peut-être gardé un peuple, mais n’a plus été une nation, ni une démocratie.
J’en reviens à la démocratie comme système de moeurs. Depuis longtemps j’associe l’affermissement de la démocratie au développement de l’alphabétisation, et l’affaiblissement de la croyance en l’égalité de tous à l’augmentation des éduqués supérieurs et à la nouvelle stratification éducative. Le problème lié à cette stratification éducative c’est le manque de mentalité démocratique. Ceux qui ont fait des études supérieures semblent penser qu’ils sont supérieurs et vivent entre eux, mais, au-delà de ça il y a une incapacité à se penser comme appartenant à une collectivité. Et ce sera difficile à retrouver…
Je suis convaincu pour ma part que la matrice collective c’était la structuration religieuse. Autrement dit, l’idée de la nation démocratique est liée à l’effondrement du catholicisme, du christianisme, qui représentait l’appartenance collective fondamentale. Il avait fallu plus d’un millénaire pour la construire. Le carburant de l’identité collective démocratique, c’était la destruction de l’identité collective chrétienne. Il y a certes un épuisement des ressources d’énergie physiques, mais également un épuisement de nos ressources d’énergie collectives, de nos ressources morales, au sens sportif si on veut. On a utilisé ce que nous avait laissé le christianisme et nous sommes aujourd’hui réduits à une forme d’isolement atomistique.
Et il y aussi un autre problème qu’en tant que démographe vous soulignez, celui du vieillissement de la population.
La philosophie politique classique pense un citoyen dont l’âge médian est de 25 à 30 ans. Mais l’âge médian de l’électeur est aujourd’hui supérieur à 50 ans. Nous sommes donc dans un monde où le pouvoir électoral et la production se dissocient. Les « dominants » dans le système démocratique ainsi conçu, sont des gens qui ne produisent plus, mais des consommateurs. Et je ne vois pas comment sortir de ça. On a là un vrai véritable argument contre le suffrage universel, dont je suis pourtant un partisan absolu, je m’empresse de le préciser. Pour moi l’idée qu’un mec qui a fait des études supérieures vaudrait plus politiquement qu’un mec sans diplôme est abominable. Ce qui a fait la grandeur du décollage occidental, c’est de combiner efficacité économique et égalité politique. Mais l’idée que le vote d’un vieux, comme moi, dont le centre d’intérêt principal dans la vie n’est plus l’avenir de l’Humanité, mais ses bilans sanguins, vaut plus que celui d’un individu productif me pose un vrai problème.
Prenons l’exemple du débat sur les retraites. Dans un électorat dominé par les retraités, en tout cas dans l’esprit des gens qui nous gouvernent, ceux-ci sont favorables à une dégradation des conditions de retraite pour ceux qui les suivent et qui sont en train de travailler, mais pas pour eux-mêmes. Alors qu’on devrait être en train de penser à taxer plus lourdement les plus grosses retraites.
Autre exemple : ce qu’on a fait aux jeunes, pendant l’épidémie de Covid, où on les a enfermés pour sauver les vieux. Quoique personnellement satisfait d’avoir été sauvé, je trouve ça incroyable qu’on en soit arrivés à une situation où on propose de vacciner les enfants de 5 à 11 ans alors qu’on n’a pas rendu la vaccination obligatoire pour les plus de cinquante ans. Je trouve ça inimaginable ! Dans d’autres pays, comme l’Italie où cette vaccination est obligatoire, on n’a pas l’impression de vivre, comme en France, dans un régime gérontocratique. Mais peut-être est-ce dû chez nous à la puissance paradoxale de la démocratie du bulletin de vote…
D’où l’importance de porter aussi un regard de démographe sur la société…
Oui, les mécanismes démographiques produisent des renversements historiques incroyables. Je parle de cette chose phénoménale qu’est la révolution démographique qui a accompagné et suivi les Trente Glorieuses. L’augmentation de l’espérance de vie, la révolution cardio-vasculaire… Les gens vivent beaucoup plus longtemps, c’est formidable ! Qui oserait dire le contraire ? Sans oublier que les vieux d’aujourd’hui sont en bien meilleure santé que les vieux d’autrefois. Mais c’est la concentration du vote vieux sur Fillon qui a permis l’élection de Macron, c’est amusant. Donc les vieux se sont auto-neutralisés en votant Fillon, fausse manoeuvre. Là ils vont voter Pécresse, même si beaucoup de vieux ont rejoint Macron entretemps. La chasse au vote vieux est donc une dimension importante de l’élection présidentielle. Ça me conduit même, je l’avoue, à avoir des mauvaises pensées. J’imagine un scénario pour l’avenir, mais c’est un fantasme : une dystopie marrante, une façon dont les choses pourraient se produire dans un futur pas totalement délirant.
Les vieux n’aiment pas le désordre, ils sont pour l’ordre. Ils ne veulent pas qu’il y ait des mecs dans la rue, que ça s’agite… donc ils veulent de plus en plus de police, de plus en plus d’armée, et là ils commettent l’erreur majeure : tout le pouvoir à la police. Hop, coup d’État ! Et ils ne se rendent pas compte qu’en supprimant les mécanismes démocratiques, ils perdent tout pouvoir. Et ils créent un monde où le pouvoir peut enfin légiférer sans tenir compte des vieux. Ça, c’est la faute stratégique que le troisième âge a devant lui. C’est-à-dire la revendication d’un ordre absolu qui, par un coup d’État, le priverait d’un coup de son pouvoir, sans même qu’il s’en rende compte. Le pouvoir du bulletin de vote bien sûr puisque, dès qu’il s’agit de courir dans la rue, là il n’y a plus personne chez les vieux ! Ça va ? On est bien hors-normes là ? »