Hacking Health Camp – Deus Ex Machina⎢Actualité
– Publié dans Or norme n°41 –
« L’homme est un cosmos en miniature » – Taisen Deshimaru
Ingénieur informatique de formation, Sébastien Letélié découvre l’univers médical en 2000 à travers un projet d’informatisation du service des urgences d’un hôpital de Paris. Au plus près des médecins, celui qui avoue être « entré dans ce milieu comme hacker », va développer des outils digitaux innovants qui le pousseront à créer le Hacking Health Camp. Interview.
Or Norme. Après ta première expérience de développeur dans le monde médical, tu décides de te lancer à ton compte, peux-tu nous raconter la genèse du Hacking Health Camp ?
« Je me suis demandé comment lancer une nouvelle aventure dans la santé. On organisait des événements entre informaticiens, je me suis dit que j’allais y inviter des médecins et leurs équipiers. J’ai envoyé l’invitation en disant : « on va faire un Hackathon, on va prototyper des choses en fonction de vos besoins. » J’étais dans l’association Alsace Digitale, en 2013. Au lancement on pensait être 50, on s’est retrouvés à 200 ! Les années qui ont suivi, à 800. En 2017, j’ai lancé Health Factory, mon entreprise, qui est désormais le support du Hacking Health Camp et qui accompagne les acteurs de la santé dans l’innovation : des laboratoires pharmaceutiques, des assureurs et des établissements de soins. L’événement se déroule en deux parties : une conférence qui réunit environ 200 personnes puis le Hackathon, sur trois jours, avec environ 300 personnes. Chaque année nous avons entre 50 et 70 projets portés par des équipes pluridisciplinaires. C’est l’expérimentation d’un prototype avec les utilisateurs qui permet de comprendre réellement les problématiques. Au Hacking Health Camp, les entrepreneurs ont un feedback tout de suite. Dans le secteur de la santé, ça n’existait pas en France.
En tant que spécialiste de la santé et du numérique, comment analyses-tu les impacts sociaux, économiques et technologiques de la crise sanitaire ?
Ce qui est important dans cette crise, c’est qu’elle accélère quelque chose que personne ne voulait mettre en place mais qui existait déjà : la télémédecine. La santé vise la transformation numérique et les choses évoluent, mais il reste deux domaines qui n’ont pas encore muté : l’éducation et l’administration. Or la santé est liée à ce domaine. J’entends dire « les outils numériques vont s’implanter dans la santé », pourtant, dès la première vague passée, les gens sont revenus à leurs habitudes. On pensait que ça allait permettre à plein d‘applications de se développer, mais non, on doit encore passer par des mises en œuvre complexes.
Selon Donna Haraway, « toute idéologie transcendantaliste promettant (…) un dépassement de la mort contient en germe une apocalypse qui est son apothéose. » Que penses-tu des promesses transhumanistes ?
Si l’Homme est ce qu’il est aujourd’hui, c’est grâce à la technologie avec laquelle on est conçu : la biologie. C’est cela qu’on essaie de refaire. Ce qui nous tue aujourd’hui c’est de rester assis et le sucre que l’on met dans notre café ! L‘homme est conçu pour vivre au moins 100 ans, simplement en mangeant correctement. Il faut que les gens se rendent compte que l’avenir n’est pas que dans la technologie. L’être humain sera surveillé par des capteurs qui lui permettront de prévenir des problèmes de santé, mais il faudra combiner ces bio-indicateurs à nos ressentis, par la méditation. Je ne crois pas que les dérives de la technologie vont nous bouffer notre pouvoir de décision. On n’a jamais vu quelque chose créée par l’Homme supplanter cela… »