La maison de Marthe et Marie, un cocon jusqu’au un an de bébé
À Strasbourg, Lille, Paris, Lyon et Nantes, La Maison de Marthe et Marie accueille mamans ou femmes enceintes en difficulté, jusqu’au un an de bébé. Une colocation solidaire, grâce à un accompagnement de bénévoles qui vivent sous le même toit. Rencontre à Neudorf où la cohabitation n’est pas toujours facile mais où les colocataires vivent comme un tremplin et avec gratitude ce temps suspendu.
À la rue, seule avec son bébé, à appeler chaque soir le 115 pour trouver un toit pour la nuit. Marina * , 26 ans, l’a vécu. Sharon, 27 ans, tombe enceinte dans un mariage compliqué juste après avoir quitté l’Algérie. Que faire ? Fuir ? Rentrer ? « C’était impossible de revenir chez moi, je préférais être seule que de me retrouver confrontée aux problèmes de mentalités là-bas si je quittais mon mari. »
L’assistante sociale de Marina et la sage-femme de Sharon leur parlent alors de la Maison de Marthe et Marie. Une association qui accueille les femmes enceintes ou les jeunes mamans, jusqu’au un an de bébé. Sous certaines conditions bien sûr. « Il faut que ce soit son premier enfant, que la maman ou la future maman ait une vraie motivation à intégrer une collocation solidaire avec un règlement intérieur, une vraie envie d’avancer pour trouver un travail, un relogement, un moyen de garde, précise Clémence, directrice de l’antenne strasbourgeoise. Il faut également qu’elles aient une aide, car nous leur demandons un loyer de 310€, et elles ne doivent pas avoir d’addiction. »
L’idée de la Maison de Marthe et Marie : offrir un cocon bienveillant et accompagner les jeunes mamans sur le chemin de l’autonomie. « C’est une cause exceptionnelle d’accompagner ces femmes qui décident d’avoir un bébé en étant seules, ressent Clémence. Elles arrivent avec de lourdes difficultés, nous sommes là pour les aider, les encourager, leur offrir un cadre propice à leur épanouissement et à celui de bébé. »
« Le logement est un lourd souci »
À Neudorf, la Maison de Marthe et Marie, c’est un accueillant appartement de 170m2 avec six chambres, trois salles de bains, un vaste espace de vie commun et deux terrasses. L’association peut y accueillir jusqu’à trois mamans et trois volontaires. Des jeunes femmes entre 25 et 35 ans, sans enfant, célibataires, qui se donnent pour mission d’accompagner ces mamans dans une colocation que l’association souhaite joyeuse.
À Strasbourg, Marie, 22 ans, a décidé de se lancer dans cette mission avant de se marier l’été prochain. « J’avais envie de m’engager, de partager mon quotidien avec ces jeunes mères, confie cette jeune femme qui prépare son diplôme de professeur des écoles. Je m’attendais à plus de colocataires, mais cette expérience répond à mes attentes : les mamans sont sans filtres, elles ne jouent pas un rôle. Je ne suis ni un modèle, ni une nounou, je suis là pour passer du temps avec elle. » À la voir s’amuser avec les deux fillettes de 8 et 11 mois, on sent que la jeune femme, non plus, ne joue pas un rôle. « Le matin, elle nous écrit des petits mots avant de partir à la fac, on partage nos repas, elle met de l’ambiance dans la maison ! Cette idée de faire vivre des mamans qui ont des problèmes avec des volontaires est vraiment exceptionnelle », reconnaissent les deux mamans.
La vie au sein de l’appartement n’est pourtant pas toujours rose. Sharon et Marina, qui étaient très proches au début, se sont brouillées. Ah… Les joies de la coloc ! « Au début c’était super, confie Sharon. Quand j’ai perdu les eaux par exemple, j’étais en train de manger une tarte flambée avec elle. J’ai paniqué, et elle m’a dit : « Tu vas avoir ton bébé ! ». L’ancienne directrice de l’antenne strasbourgeoise l’a accompagnée et lui a tenu la main durant toute la durée de son accouchement. « Je me sentais entourée et moins seule, confie Sharon. Je suis arrivée ici 15 jours avant d’avoir mon bébé, l’accueil chaleureux m’a tellement fait de bien… Aujourd’hui je me sens chez moi. »
Mais la fin de la coloc entre les deux jeunes femmes se passe moins bien. « Je suis trop stressée, car j’ai peur de ne pas trouver de logement, confiait Marina qui devait quitter la Maison de Marthe et Marie quinze jours plus tard. C’est dommage, on se fait du mal alors qu’on s’entendait bien. Mais quand il y a des conflits, j’avoue, je n’arrive pas à faire le premier pas… » Le temps que l’on a passé avec elle a finalement permis de désamorcer la crise… Rien de tel que la communication pour en finir avec la rancœur !
Sans pouvoir prendre parti, Clémence est là pour s’assurer que l’entente cordiale règne au sein de la Maison. Bienveillance et respect sont les maîtres-mots de la Maison. Un nouveau planning de tâches ménagères à respecter se met en place. Les mamans prévoient des temps de jeux pour leurs deux filles. Surtout, toutes les deux, suivies par une assistante sociale, préparent l’avenir. Sharon, qui restera jusqu’en février prochain, envoie des CV pour être assistante administrative et veut suivre des cours d’allemand. Marina a passé un entretien prometteur pour devenir agent hospitalier. Mais les deux mamans partagent cette même peur de ne pas trouver de logement. « Je découvre le travail au contact des travailleurs sociaux, ses difficultés, ses limites… Le logement est un lourd souci », confirme Clémence. Fin novembre, Marina n’avait toujours pas trouvé d’appartement. « Nous sommes sur une piste sérieuse, mais c’est long… »
En attendant une porte de sortie, la Maison de Marthe et Marie est définitivement un petit passage, un tremplin, qui construit ces jeunes mères, en période de grande fragilité…