La Scala-Provence : une belle histoire vient de débuter…
Les lecteurs de Or Norme connaissent l’histoire de la Strasbourgeoise Mélanie Biessy et de son mari Frédéric qui, à force d’obstination (et de passion), ont réussi leur pari de faire vivre le dernier né des grands théâtres parisiens, La Scala qui brille désormais de mille feux le long du boulevard de Strasbourg (lire Or Norme numéro 33 de juin 2019). Le couple vient de créer un des grands événements du dernier Festival d’Avignon en ouvrant La Scala-Provence dont la programmation a fait un carton en juillet dernier…
On retrouve Mélanie tranquillement installée dans le hall de la Scala- Provence une heure environ avant le début de la neuvième journée du festival Off (à l’extérieur, une trentaine de spectateurs forme la première file d’attente de la journée sous un soleil déjà bien plombant). Spontanément disponible dès notre demande d’interview formulée quelques jours auparavant, elle est ravie de poursuivre avec nous le récit d’une histoire où le succès est abonné au rendez-vous…
Pardon, mais la première question va vous paraître d’une banalité épouvantable. L’annonce, il y a quelques semaines, de l’ouverture de la Scala- Provence nous a surpris…
En fait, il s’agit bel et bien du troisième volet de notre projet commun avec Frédéric. Après l’avènement de La Scala- Paris, ouverte en septembre 2018 avec une seule salle de spectacle, nous avons créé une deuxième petite salle durant le confinement de 2020. C’est un auditorium de 200 places qui a permis d’accueillir l’émergence dans beaucoup de domaines : stand-up, musique classique ou contemporaine, jazz, théâtre… bref c’est un endroit dédié aux jeunes artistes qui ne peuvent pas encore remplir la grande salle de La Scala. Seulement voilà : une fois cette décision prise, nous n’avions plus de salle de répétition, ce qui veut dire que nous ne pouvions plus faire de création en résidence. On a donc entrepris de dénicher un lieu autour de Paris, sans succès. Et puis, il y a maintenant un an, nos amis Françoise Nyssen et Jean-Paul Capitani (Françoise Nyssen, ex-ministre de la Culture [lire son interview dans Or Norme numéro 33 de juin 2019] et son mari sont les dirigeants des Éditions Acte Sud) nous apprennent que le plus ancien cinéma d’Avignon, Le Capitole, est à vendre. Ce fut le cinéma historique de la ville, inauguré dans les années 1930 et qui a littéralement construit la culture cinématographique de plusieurs générations d’Avignonnais, devenant pour eux un véritable lieu mythique. Frédéric est descendu depuis Paris pour voir le lieu et en est tombé immédiatement amoureux. Je me suis dit, ça y est, ça recommence ! (rires). Bon, heureusement, le site était en bien meilleur état que celui de La Scala-Paris ! Après moins de six mois de travaux, ce lieu est vraiment incroyable : 3 000 m², quasi le double de surface de La Scala-Paris, quatre salles de 600, 200, 100 et 60 places, ce qui nous permet durant tout le festival Off de programmer trente spectacles par jour…
Donc, La Scala-Provence, non contente de programmer tant de spectacles durant chaque festival, va servir de résidence d’artistes durant tout le reste de l’année…
Oui, et c’est cet aspect qui donne tout son sens au reste du projet. En fait, ici, nous avons quatre studios que nous avons installés dans les anciens espaces administratifs du cinéma et qui vont pouvoir accueillir les artistes durant toute l’année. Évidemment, l’acoustique et les équipements sont top niveau, comme à La Scala- Paris. Il faut savoir qu’à Paris, la plupart des artistes sont sous contrat d’exclusivité, soit à la Philharmonie, soit à l’Orchestre de Radio-France, entre autres… et le problème est qu’ils n’ont donc pas le droit de se produire à la Scala-Paris. Ici, cette exclusivité n’existe pas. Ici, ils vont donc pouvoir s’exprimer à leur gré… Ce pan du projet était indispensable et il va permettre de pousser en avant notre projet de fabrique du spectacle vivant : les gens se mélangent, ils prennent un verre ensemble, ils dorment et travaillent là. On s’est entouré d’une équipe artistique qui s’investit formidablement dans la création. On n’a pas seulement envie de créer du buzz, on veut aussi pouvoir accueillir des artistes dont nous nous sentons proches. Avec La Scala-Provence, nous stabilisons notre navire, nous l’ancrons dans un projet global de création tous azimuts : il y aura de la danse, du cirque, du stand-up, et bien sûr du pur théâtre, du classique…
Avec Frédéric, vous allez vous arrêter quand, exactement (rires) ?
Là, maintenant, il va nous falloir assurer la pérennité de nos lieux. On a en tête la création d’une Fondation où on va pouvoir loger tous les outils et les moyens que nous avons mis en place et que nous développerons bien sûr dans les temps à venir. Il s’agit bien sûr que cette Fondation fonctionne au-delà de nous, en quelque sorte, et qu’elle puisse nous relayer pour continuer nos actions sur l’émergence des talents et des pratiques et les soutenir via le mécénat, les aides publiques. Ce sera à l’image des grandes Fondations qui existent depuis longtemps en matière d’art plastique par exemple. Le terrain reste à défricher dans le secteur de l’art vivant, évidemment, tout reste à y inventer, mais avec Frédéric, nous pensons que ce sera notre projet ultime. En attendant, on goûte vraiment notre plaisir ici : La Scala-Provence a ouvert dans les temps, l’accueil a été fabuleux notamment au niveau d’une couverture-presse qui a dépassé nos espérances, et le public répond formidablement à notre offre de spectacles durant le festival… C’est pour vivre ces moments-là que nous avons entrepris tout çà et bien sûr, nous sommes tout simplement très heureux…