La splendeur de l’Art brut I Musée Würth – Erstein
Avec « Art brut. Un dialogue singulier » avec la collection Würth, le musée Würth déploie une exposition puissante qui touche à l’intime, tant chez les artistes exposés que chez les visiteurs.
Impossible de tricher lorsque l’on est confronté à ces oeuvres à vif, créées hors circuit, hors carrière, hors références par des artistes qui n’ont souvent pas conscience de l’être, mais qui ne pourraient pas survivre sans l’être.
« Le vrai art est toujours là où on ne l’attend pas », écrivit Jean Dubuffet en 1949 dans le catalogue de l’exposition montée par la « Compagnie de l’art brut » à la galerie parisienne René Drouin…
Défini par ce même Jean Dubuffet en 1945, l’art brut correspondait à l’époque aux créations réalisées par des patients d’hôpitaux psychiatriques et collectionnées par leurs médecins. Il se complexifia par la suite et s’affranchit du champ strict de l’art asilaire, mais resta largement conservé au sein de fonds privés rassemblés par des passionnés. C’est à l’un de ceux-ci que l’exposition du musée Würth doit d’avoir vu le jour comme le confirme sa directrice Marie- France Bertrand en évoquant le galeriste strasbourgeois Jean-Pierre Ritsch-Fish.
« Il nous a amenés vers l’art brut, sans sa connaissance fine et intime du sujet nous ne serions pas lancés. C’est lui aussi qui nous a donné accès aux autres collectionneurs privés. Ils étaient neuf. Tous ont accepté et tous sont venus au vernissage ce qui fut très gratifiant pour nous, mais ce qui prouve aussi leur attachement aux oeuvres. »
« DANS ART BRUT, IL Y A LE MOT “ART” TOUT SIMPLEMENT »
Ouverte par Ira de Baselitz, l’exposition poursuit un dialogue entre artistes de la collection Würth et artistes de l’art brut. En début de parcours par exemple, Emil Nolde côtoie les travaux de Paul Goesch, victime du programme d’extermination des malades mentaux mis en place sous le IIIe Reich et ceux de Théodore Wagemann.
Près de 160 oeuvres sont rassemblées, toutes singulières dans leur expression, leurs techniques, leurs supports, leurs matières. Elles créent un monde d’altérité avec lequel on se sent pourtant en résonnance et racontent dans leur accrochage l’histoire de l’art brut depuis sa mise en lumière par Jean Dubuffet.
Avec aussi, à chaque fois, quelques phrases relatant le chemin de vie de ces artistes enfin visibles. « Des gens brisés qui ont presque pu être sauvés par ces oeuvres qu’ils ont produites », relève Marie-France Bertrand infiniment « touchée » par ces êtres et par ces créations qu’elle sera heureuse de côtoyer au quotidien jusqu’au 23 mai prochain.
Aucune excuse donc pour ne pas aller voir cette exposition qui se veut « une respiration sur l’art brut », comme l’écrit Jean-Pierre Ritsch-Fish.
« Notre ambition est d’ouvrir des portes pour donner envie d’aller plus loin, poursuit-il, d’inviter à la découverte ». En se souvenant que dans « art brut », « il y a le mot art, tout simplement ».