L’attractivité de Strasbourg en débat I Table ronde
Cette table ronde sur l’attractivité de Strasbourg (et de l’Alsace) est la première d’une longue série où notre rédaction essaiera de réunir les acteurs publics et privés qui, dans tous les domaines, rythment la vie de Strasbourg et sa métropole. Politiques publiques, initiatives privées, débats et controverses, projets… rien ne sera oublié et tout sera traité sous un seul angle : le développement et le mieux vivre dans une ville que nous aimons et voulons encore plus belle, dynamique et innovante. Pour cette première, le sujet de l’attractivité s’est imposé et, à l’évidence, 90 minutes n’ont pas suffi pour en faire le tour. Mais il y aura d’autres rendez-vous…
Les participants : Christophe Caillaud-Joos, directeur de Strasbourg Events Jean-Luc Heimburger, président de la CCI Alsace Eurométropole Philippe Kirn, commerçant (Kirn & Carrefour City) Ninon Kopff, commerçante (Maison Rose & Rouge) Alexandre Roth, président de SGR Hôtels (Hôtel des Princes, Villa d’Est, Arok Hôtel et Mercure rue du Maire Kuss) Joël Steffen, Adjoint à la maire de Strasbourg, en charge du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme Stéphane Wernert, restaurateur (Il Girasole, Café de l’Opéra)
Compte tenu de ses multiples statuts, une des plus importantes capitales régionales du pays et, de plus, capitale européenne, ce privilège hérité de l’Histoire du continent avec la présence du Parlement européen, Strasbourg se doit peut-être d’être encore plus attentive que d’autres à son attractivité, son rayonnement et son image de marque. Notre ville est en effet bien plus que d’autres observée, elle a un rang à tenir qui va bien au-delà des frontières nationales. Si on voulait provoquer, on pourrait évoquer un sentiment qui court depuis au moins deux décennies et qui inclut d’ailleurs l’Alsace dans son ensemble : notre ville, et au-delà notre région, ne se seraient-elles pas quelque peu endormies, comme trop repues, trop installées dans un sentiment de prospérité en trompe-l’oeil ? Pour résumer, aujourd’hui la concurrence est devenue rude et il faut se battre. Alors, sommes-nous bien équipés et en ordre de marche pour ce combat-là ?
Christophe Caillaud-Joos : Je veux bien inaugurer le cycle des réponses. Personnellement, je viens d’arriver à Strasbourg. Mon métier, je l’exerce depuis longtemps et Strasbourg a toujours été considérée comme une référence de tout premier plan sur le marché principal sur lequel je travaille : le tourisme d’affaires. Quand on parlait de Strasbourg, on se disait que dans cette ville, des choses intéressantes voyaient le jour et étaient créées et mises en oeuvre par de grands professionnels. Bref, Strasbourg renvoyait l’image d’une ville qui se bougeait. Mais, et nous l’avons constaté depuis une dizaine d’années, ce constat a perdu de sa superbe…
Est-ce que cela apparait dans les chiffres, les statistiques ?
Christophe Caillaud-Joos : Oui, très nettement. Par exemple au niveau du chiffre d’affaires que nous réalisons au niveau de Strasbourg Events qui n’est pas à la hauteur d’une destination aussi recherchéeque l’est Strasbourg. Très honnêtement, c’est une des raisons qui m’ont fait choisir ce poste. Alors bon, je ne saurais vraiment pas dire si nous sommes trop repus ou non, pour reprendre les arguments de votre question… Mais en tout cas, sur notre marché, les congrès, les grands salons, les grandes réunions ou conventions, on voit très peu Strasbourg en réponse aux grands appels d’offres…
Alexandre Roth : En termes de grands événements à Strasbourg, nous avons évidemment les Marchés de Noël et les sessions parlementaires européennes, même si ces dernières ne sont plus, et de loin, ce qu’elles ont pu être, puisque leur fréquence a bien diminué et pas seulement depuis la crise sanitaire. J’ai un élément de comparaison que je connais bien. Pour avoir vécu à Lille, je peux dire que nous sommes là sur l’exemple d’une ville beaucoup plus dynamique et qui se bouge infiniment plus alors que pourtant, elle-même et sa région ne sont pas forcément plus riches que Strasbourg et l’Alsace. Les Hauts-de- France ne sont pas la région la plus riche de France. La région est par ailleurs frontalière de la Belgique. Ici, l’Allemagne est autrement plus dynamique, il me semble… Honnêtement, ça ne bouge pas à Strasbourg et j’ai le même sentiment pour l’Alsace. Je précise que je parle du seul créneau du professionnel et de l’événementiel. Sincèrement, il est évident que nous ne pouvons pas capitaliser sérieusement sur une foire au mois de septembre et un salon égast tous les deux ans. Cela ne représente rien au niveau de la fréquentation de mes hôtels. On espère tous que l’ouverture prochaine du Parc des Expositions va faire évoluer les choses, mais nous savons tous que pour que ça réagisse, pour recréer une dynamique et faire revenir de grands congrès dans notre ville, il faut se bouger bien en amont. En tout cas, depuis quatorze ans que j’exerce mon métier d’hôtelier ici, on m’a toujours servi la même soupe en me disant : notre problème, c’est le Parlement européen. Avec cette réflexion : comment voulez-vous qu’on puisse organiser des salons ou des événements d’envergure si on ne connait pas les dates des sessions parlementaires bien à l’avance ? Il nous fallait attendre le mois de juin de chaque année pour avoir les dates de l’année suivante. On savait bien qu’à l’époque, durant les journées parlementaires, il n’y avait pas un taxi ou une chambre d’hôtel de libres sur la ville et que beaucoup de restaurants étaient blindés. Donc, ne connaissant pas longtemps à l’avance les semaines de disponibilité, on ne pouvait pas organiser de grands événements ou de grands salons…
Christophe Caillaud-Joos : C’est toujours le cas aujourd’hui. Par exemple, j’ai actuellement le problème d’un congrès en 2023 et je suis en train de faire le forcing au niveau du Parlement européen pour obtenir les dates de l’an prochain. Ce qui me contraint de prendre le risque de bloquer des espaces, car il est hors de question d’avoir à passer à côté de cette opportunité. Notre seul choix est donc de prendre ce risque…
Continuons le tour de table entamé sur le problème de l’attractivité, si vous le voulez bien…
Jean-Luc Heimburger : Je ne sais pas si c’est l’attractivité en général qui s’est effondrée. Je pense qu’ici, nous avons beaucoup de qualités, mais que nous ne savons pas les mettre en avant. Je l’ai dit plusieurs fois et publiquement, nous autres Alsaciens, nous ne savons pas frimer. Ce qui fait qu’on a une université avec plein de Prix Nobel et on n’en parle pas assez. On a sur notre territoire une école de l’espace qui a une notoriété mondiale et on n’en parle jamais. On a des centres biomédicaux, on a la Med Tech et on n’en parle pas beaucoup. On a ici la mise en oeuvre des principales technologies médicales grâce à des professeurs en pointe au niveau mondial et on n’en parle pas. Ça s’explique sans doute par le poids de l’Histoire de l’Alsace : l’Alsacien est plutôt du genre « Pour vivre heureux, vivons cachés ». Nous avons clairement un problème de communication : on a les éléments d’attractivité, mais on ne les vend pas assez bien. Un autre élément d’attractivité, et je suis bien placé pour en parler, c’est l’aéroport. Malgré la grosse claque constituée par l’arrivée du TGV, on a pu compenser un peu avec le trafic qu’il a apporté, mais l’effondrement de Air France nous a vraiment nui. C’est compliqué de faire venir les gens à Strasbourg par avion et ça joue aussi, comme on le sait, sur les institutions européennes. On a fait un gros boulot sur les low-cost mais ça n’a jamais suffi. Et sincèrement, sur ce sujet, on n’a pas vraiment de solutions, on n’a pas vraiment de compagnies suffisamment importantes pour pouvoir compenser… Et puis, il y a l’animation de notre centre-ville, à Strasbourg. Je le constate depuis plusieurs années, c’est un secteur dans lequel il y a un effondrement évident. Je suis vraiment désolé de le dire, mais nous avons aujourd’hui une association de commerçants qui nécessiterait un nouveau dynamisme, il n’y a plus que les Marchés de Noël et la Fête des Vendanges qui sont encore organisés, le reste a disparu… Quand nous avons une animation de centre-ville prise en main par des gens inventifs qui investissent pour qu’au moins une fois par mois on puisse faire la fête dans les rues de la ville, cela fait venir beaucoup de gens et c’est alors qu’on redevient visible…
Alexandre Roth, je reviens à ce quasi- constat de faillite que vous évoquiez, en matière de créations d’événements susceptibles de créer de l’activité en faveur de ces véritables forces vives locales que sont les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration ainsi que les commerces de centre-ville. Pour des établissements comme ceux que vous gérez, ça se traduit comment, concrètement ?
Alexandre Roth : En dehors de certaines périodes d’ailleurs de moins en moins fréquentes, nos taux d’occupation et nos prix moyens sont en chute libre. Tout à l’heure, je parlais de Lille. J’y étais encore il y a peu et je peux établir un comparatif sur, par exemple, un hôtel standard quatre étoiles comme la Villa d’Est par exemple pas forcément hyper bien placé : à Lille, à une période pas spécialement chargée, j’ai payé 170 € pour une nuit. À période comparable, quand je vends la chambre 110 € à la Villa d’Est, je suis heureux… L’écart est conséquent, non ?
Christophe Caillaud-Joos : Malgré toutes ces considérations, je me permets d’insister. Strasbourg est une des plus belles destinations européennes en matière de tourisme d’affaires que je connaisse. La ville est magnifique et je sais que cette expérience-là est très recherchée par les congressistes. Vous avez cité tous les pôles d’excellence qui sont ici, mais qui le sait ? Très peu, en fait. Quand je suis arrivé ici, j’ai été halluciné par le Palais de la Musique et des Congrès où je travaille désormais, c’est sincèrement un des plus beaux que j’ai jamais vu en Europe et d’ailleurs, au passage, je me demande bien pourquoi il n’a pas été inauguré après sa réfection…
Ninon Kopff : Je voudrais revenir sur la question que vous nous posiez au départ. Avant d’ouvrir mon commerce qui propose d’associer les fleurs, ma spécialité, et le vin, celle de mon mari, j’ai travaillé longtemps dans l’hôtellerie, au service commercial de l’hôtel Hilton de Strasbourg. J’étais donc tout près du PMC, de l’ancien parc Expo et c’était une succession d’événements assez dense, il y a une grosse dizaine d’années de cela. Sincèrement, il n’y a plus tout cela aujourd’hui. Il y a incontestablement un vrai déclin et je le ressens aussi au niveau de ma boutique. Nous sommes localisés en plein coeur du quartier des ambassades et consulats ainsi que des institutions européennes : et bien, lors de périodes de sessions, il n’y a plus grand monde qui vient acheter des fleurs. Certes, il y a eu le Covid, l’absence de sessions au Parlement européen, il faut bien sûr tout replacer dans ce contexte. Mais je ressens malgré tout qu’il y a un vrai manque d’événements dans notre ville…
Philippe Kirn : J’adhère à ce que j’entends, le manque d’événements et même selon moi, le manque de pertinence de ce qui est encore réalisé. J’adhère aussi au constat de notre savoir-faire local et des qualités qui nous sont reconnues à Strasbourg et en Alsace, aussi. Mais sincèrement, je pense que nous ne sommes plus adaptés au monde d’aujourd’hui. Ce monde d’aujourd’hui, il tourne beaucoup plus vite et il crée d’autres attentes. En vrac, je dirais qu’il y a clairement un vrai problème de gouvernance dans notre écosystème local. Grosso modo, on a des élus qui ont fait de la politique leur métier, même si les postes qu’ils occupent ne sont pas de tout repos, car ils se font quand même bien taper sur le dos, et de l’autre côté, il y a tout le secteur privé qui hurle à chaque fois qu’il y a un pavé de travers devant son commerce. Je pense qu’il ne faut pas oublier d’intégrer quelques paramètres importants : il faudrait beaucoup plus de stabilité et de coopération entre le public et le privé, ce qui permettrait de travailler sur des plans à long terme, cinq ou dix ans au moins, avec l’intégration des citoyens et des usagers dans les réflexions communes permettant de co-construire la ville de demain. La mission de la municipalité n’est plus du tout de décider dans son coin après un semblant de concertation. Elle doit fixer une direction, stimuler la participation en se reposant sur les acteurs du privé, les investisseurs locaux, les habitants et tous les gens qui fréquentent la ville, même ceux qui viennent de bien plus loin. On a aussi besoin des avis des gens qui viennent de la périphérie strasbourgeoise par exemple, plutôt que de les inciter à aller au Shopping Promenade de Vendenheim, à grands coups de millions d’euros. La politique nous conduit à des situations ubuesques : ici, en ville, on interdit la voiture, très bien, on peut comprendre, mais plus loin, on n’hésite pas à détruire des terres agricoles pour construire de la voirie ! En fait, je pense que le politique doit accepter de lâcher une partie de son pouvoir pour qu’il soit dispatché vers les acteurs privés et les usagers de la ville. Il faut repenser la démocratie locale…
Stéphane Wernert : J’aime bien ce qu’exprime Philippe et la fougue qui est la sienne. Il se présente comme commerçant de proximité et livre ensuite une pertinente analyse macro-économique. En fait, c’est ce type de discours que devraient tenir ceux qui sont en charge de la politique de la ville et de son attractivité. Ça montre bien que ceux qui sont sur le terrain ont des notions très concrètes de ce qu’il faudrait faire pour que ça fonctionne, sans attendre que ça vienne de plus haut. Je voudrais poser une question très simple : aujourd’hui, qui fixe les objectifs en matière d’attractivité ? Les élus, à mon sens, doivent avoir une vision qui ensuite, s’impose aux milieux économiques et à tous les acteurs. On peut être force de proposition, certes, mais ensuite, je renvoie la balle aux décideurs. Au fait, veut-on vraiment une attractivité pour Strasbourg ? Qu’on nous le dise, qu’on fixe des objectifs et on fera tout pour les atteindre. On sait s’adapter, on sait s’organiser, car on est sur le terrain, mais on a besoin d’impulsion et de positionnements clairs pour savoir où aller…
Alexandre Roth : Je suis d’accord avec ce qui vient d’être dit. Mais il faut bien définir les catégories de besoin. Par exemple, de quelle restauration avions-nous besoin prioritairement ? Aujourd’hui, on n’a plus de restaurants deux ou trois étoiles à Strasbourg alors qu’on est quand même censé être une des capitales majeures de la gastronomie ! Au niveau national, tout le monde enviait nos Jung ou Westermann… Côté hôtellerie, que nous reste-t-il en matière de grands et beaux établissements ? Le Sofitel disparait. Pas loin, la ville voulait un cinq étoiles sur le site de l’ancien commissariat de police : après bien des épisodes, le Léonor est un quatre étoiles… Certes, on ne sera jamais une destination « Palaces », mais en matière d’hôtellerie haut de gamme, on est clairement tirés vers le bas. Du côté de la restauration, les grands groupes se déploient, mais qu’est devenue la winstub traditionnelle telle qu’on l’aime ? Où vais-je emmener des amis qui viendraient de loin pour me voir ? À la campagne, pour manger des tartes flambées… Voilà pourquoi je rejoins ce que dit Stéphane. À un moment donné, il va falloir se décider : on fait quoi ? Où veut-on aller ? Veut-on faire du haut de gamme ou veut-on faire de la masse, devenir comme Lourdes où il n’y a que des bus qui viennent avec un prix moyen au ras des pâquerettes ?
Joël Steffen, vous avez écouté avec beaucoup d’attention tout ce qui vient de se dire. Partagez-vous ces constats ? Et que répondez-vous sur le point capital de la gouvernance ?
Joël Steffen : Sur les constats, je voudrais souligner que nous sommes arrivés en pleine crise sanitaire, cette crise qui a mis à terre une très grande partie de l’économie de proximité ainsi que le tourisme. On dit souvent que les crises sont des opportunités pour se réinventer, mais dans un premier temps, elles sont surtout révélatrices de ce qui n’allait pas avant qu’elles se produisent. À Strasbourg, la fermeture du Printemps en est malheureusement un exemple parfait. La crise a fait son travail d’écrémage et c’est évidemment violent. Les crises mettent clairement à l’épreuve la solidité des objets et structures qu’elle touche. Je crois qu’on peut dire qu’à Strasbourg, l’objet touché, c’est-à-dire la ville et sa dynamique économique, est un objet malgré tout extrêmement solide. Un indice de cette solidité : le taux de vacances des commerces était entre 4 et 5 % avant la crise, il n’est que de 7 % aujourd’hui, deux ans après. Bien sûr, des échéances comme les remboursements de prêts sont encore devant nous, mais quand même, je crois qu’on a des bases extrêmement solides. L’image que donne notre territoire est très puissante, que ce soit Strasbourg en tant que ville, mais l’Alsace a également cette même image de marque, vous en avez parlé, tant au niveau national qu’on niveau européen. La collectivité a beaucoup investi dans ce domaine et je le dis d’autant plus volontiers que je n’y suis pour rien, ni moi ni l’équipe que je représente puisque nous n’étions pas aux manettes quand ce fut fait. Maintenant, sur le plan du tourisme d’affaires dont vous avez parlé, oui, il y a un vaste boulot consistant à créer de la dynamique qui n’a pas été fait et on constate les difficultés qui en résultent, c’est en effet particulièrement visible dans le secteur hôtelier où on est clairement dans un phénomène de suroffre…
Et sur la question de la gouvernance, cette thématique qui a été particulièrement développée, quelle est votre position ?
Joël Steffen : On est complètement attelé à cette tâche, en termes d’actualité. On a tenu compte de tout ce qui avait été diagnostiqué par l’équipe précédente, cette volonté de sortir des 5C, cigognes, cathédrale, choucroute… etc., sans oublier le P du Parlement européen et de s’appuyer plus largement sur l’ensemble des richesses qu’offrent notre ville et sa région. L’idéal serait qu’on bénéficie d’un Office regroupant le tourisme, les congrès et idéalement le commerce qui ne fasse pas la différence entre un visiteur de la périphérie et un autre, qui vient de loin, voire même de très loin et qui soit en mesure de transposer dans notre accueil au quotidien toutes les qualités que vous décrivez depuis le début de cette table ronde. Les élus ont des objectifs et ils décident d’un certain nombre de choses selon leur propre lecture, qui se fabrique avec un mélange entre l’écoute des citoyens et une recherche de l’intérêt général qui intègre les opinions des acteurs économiques. Mais évidemment, leurs opinions ne peuvent pas être les seuls ingrédients d’une décision… La question est donc bien de décider ensemble ce qui est bien ou non pour notre territoire… Jean-Luc Heimburger : J’ai le souvenir de ces instances qui ont fonctionné par le passé, Eco 2020 puis Eco 2030, de ces stratégies dont nous avons décidé, préparer l’arrivée du TGV par exemple ou la création de la marque Strasbourg l’Europtimiste… Mais j’ai aussi le souvenir des suites : entre le moment où la stratégie était décidée et le début de sa réalisation, la politique s’en mêlait et les blocages apparaissaient, et c’est toujours le cas aujourd’hui : « ah oui, on aimerait bien, mais on ne peut pas, il faudrait ci ou ça, ça ne va pas… Quand on fera table rase de tout ça, comme Philippe l’a très bien dit, quand on fera enfin table rase de cette fichue politique qui devrait être au service de tout le monde, comme vient de le dire Joël, alors je crois qu’on réussira. Beaucoup de politiques pensent qu’ils vont se mettre plein de gens à dos s’ils osent se positionner fortement, mais c’est exactement le contraire. Pour les décisions importantes sur les sujets dont nous discutons ici, tout le monde serait à l’unisson : la CCI, la Chambre des Métiers, le Palais des Congrès, les hôteliers, les restaurateurs, tout le monde… En revanche, petite parenthèse très amicale, les politiques doivent être clairs, ne pas essayer d’imposer des décisions non discutées en prétendant le contraire. Il leur faut accepter que la véritable co-construction, ce n’est pas forcement faire plaisir aux uns ou autres ou se faire plaisir à soi-même, c’est accepter à un certain moment de renoncer à faire comme on aimerait ou comme on voudrait. C’est ensemble qu’il faut bâtir une stratégie et ensuite s’y tenir. Ça marche ainsi partout, dans les associations, dans les entreprises…
Christophe Caillaud-Joos : J’insiste aussi sur la cohérence des messages qu’on émet. Et sur le fait de pousser le concept jusqu’au bout, en motivant absolument tous les acteurs, petits ou grands. À Vienne, la capitale autrichienne qui est une des plus grandes destinations de congrès au monde, c’est le cas. Quand vous arrivez à l’aéroport, vous êtes accueilli par un énorme message en 4X3, « Bienvenue au congrès des médecins obstétriciens », idem dans les hôtels logeant les congressistes… Le tourisme d’affaires y est très lié avec le tourisme et tous les autres acteurs, tout le monde soutient la même image, les commerçants, la presse, tout le monde.
Philippe Kirn : La gouvernance, ce n’est pas que définir vers où nous allons, c’est aussi de décider comment on va y aller, par quelles étapes. Alors oui, serrons-nous les coudes, travaillons ensemble et décidons ensemble ce que sera cette ville demain. Mais ça suppose de travailler sur le moyen et sur le long terme, au-delà des alternances politiques, au-delà d’intérêts corporatifs ou autres. Il faut que ces décisions englobent un intérêt collectif supérieur qui doit être bâti grâce à de nouvelles façons de travailler ensemble, avec beaucoup de démocratie dans les prises de décisions. Il faut sortir de la situation d’aujourd’hui où tout est devenu ingouvernable depuis une ou deux décennies comme le montrent toutes ces hérésies au niveau de l’Office du tourisme et de tant d’autres acteurs…
NOTE DE LA RÉDACTION
La place nous manque dans ces colonnes pour poursuivre le compte-rendu de cette table ronde qui s’est révélée beaucoup plus riche et animée que prévue. D’autres thématiques ont été explorées (le commerce en tout premier lieu, l’insécurité au centre-ville, l’attractivité de Strasbourg et sa métropole en matière d’arrivées de nouvelles entreprises, entre autres…). Ce qui nous confirme et nous encourage dans notre idée d’organiser ce type de rencontres pour les relater dans chacun de nos futurs numéros.