Les coups de coeur de la rédaction de Or Norme !
– Article paru dans ORNORME n°43, SPLENDEURS –
Chaque trimestre, la rédaction de Or Norme a lu, écouté, visionné l’essentiel de ce qu’on lui fait parvenir. Cette sélection fait la part belle à ses coups de cœur…
1 – MUSIQUE
Respire – Un CD et un livre – Marikala
Voilà un rare projet pédagogique complet qui représente un très beau cadeau de noël pour vos enfants. La chanteuse haut-rhinoise Marikala, dont on vous a, à plusieurs reprises, vanté le talent dans les colonnes de Or Norme, vient de réaliser son rêve en sortant conjointement un CD et un livre sous le titre commun Respire, tous deux préludes à un spectacle musical appelé lui aussi à tourner partout en France, salles de spectacles, lieux culturels, écoles – via des ateliers de création de chansons – et même entreprises…
Militante de la nature depuis toujours, Marikala met sa voix cristalline au service de notre Terre et exorte à « retrouver nos valeurs en reprenant contact avec la nature qui nous entoure… » Le CD, enregistré au studio strasbourgeois Downtown présente onze titres bien écrits où le positif règne en maître et le livre, écrit par Michel Hutt, est un conte pour enfants magnifiquement et ô combien talentueusement illustré par Dôriane.
Si vous avez dans l’idée d’instituer (ou prolonger) un dialogue fructueux avec vos jeunes enfants, cet album et ce livre seront des starters idéaux en cette époque de cadeaux de fin d’année…
2 – LIVRES
Nos mots doux – Simone Morgenthaler
Simone Morgenthaler est toujours au rendez-vous de Noël en Alsace. Cette fois-ci, pas de gourmandises sucrées au voisinage du sapin, mais un lexique qui rappelle « le sens de ces mots doux de l’enfance que beaucoup d’Alsaciens prononcent encore aujourd’hui avec bonheur ». Dans un très bel avant-propos, la journaliste et animatrice de radio et de télévision écrit : « Je souhaite avec ce livre rendre hommage aux mots de mon enfance pour contribuer au partage si joyeux et si nécessaire de l’alsacien, aux couleurs de nos paysages et de nos états d’âme. »
Avec, en prime, quelques petits dictons locaux liés à l’amour. Comme celui-ci : D’Manner hànn immer racht ùun d’Fräuen niemols ùnracht – Les hommes ont toujours raison et les femmes n’ont jamais tort. Malicieuse Simone !
Prendre forêt – Claire Audhuy
C’est un petit livre, comme un trésor qu’on peut garder sur sa table de chevet… Prendre forêt de Claire Audhuy, illustré par les aquarelles délicates de Sophie Bataille, n’est pas un carnet de voyage ordinaire. Partie vivre quelques semaines, en plein hiver, dans un refuge rustique des Vosges, l’autrice livre une poésie intime, mais jamais impudique, pour relater un « voyage immobile » aux confins de ses sentiments. « J’ai pris forêt/ comme on prend vie/ J’ai pris forêt/ comme on prend feu », annonce-t-elle. Sans les arbres, sans le froid, sans la tempête, le chemin intérieur aurait-il été aussi intense ? Probablement non. Dans le corps à corps avec la rugosité de l’hiver et la constance de la montagne, Claire Audhuy se rend disponible à son ressenti.
Les premières pages sont constellées de mots d’amour pour son compagnon, qui partage avec elle cet hivernage, des mots si doux que l’on s’y réchauffe. Puis, petit à petit, les poèmes laissent entrer le chagrin et le deuil. « J’escalade ma douleur/ pour en faire le tour/ l’apercevoir de tout là-haut/ et pouvoir enfin dire/ je surplombe le cha- grin/ je l’ai gravi », écrit Claire Audhuy, dans le long passage où elle s’autorise à apprivoiser sa peine. Enfin, le printemps s’amorce. « J’ai eu besoin des oiseaux/ pour revenir aux hommes ». On referme le livre avec l’impression d’avoir participé à un périple nécessaire et fertile, dont on s’inspirera peut-être pour cartographier nos propres hivers.
Sherlock Holmes Compléments d’enquête – Jean Alessandrini
Quand ils le croisent à la librairie Kléber ou dans ce centre-ville de Strasbourg qu’il affectionne tant (et où il vit depuis près de vingt-cinq ans), peu de Strasbourgeois savent qui est Jean Alessandrini : illustrateur talentueux, immense typographe qui a révolutionné sa discipline, entre autres… Il est aussi un bel écrivain et il le prouve avec la sortie de trois nouvelles où l’on retrouve Sherlock Holmes à Strasbourg, puis à Paris. Dans la dernière nouvelle, c’est son descendant qui prend le relais, en 2045, dans un Londres plongé dans un cybermonde effrayant ou la criminalité a changé de visage. Ce petit livre brillant se déguste comme un sucre-d’orge…
Toccata, Bermuda, Corona – Simon Ghraichy et Philippe Olivier
Attention livre inclassable ! De la rencontre intergénérationnelle entre un pianiste français trentenaire, d’origine mexicaine et libanaise à la déjà formidable carrière et un presque septuagénaire historien de la musique, reconnu dans le monde entier comme faisant autorité dans le domaine des études wagnériennes, sont nées ces plus de deux cents pages jubilatoires écrites durant la crise du Covid où les deux compères partagent leurs itinéraires. Le point central vers lequel tout converge : la crise traversée par la musique classique, en raison de son inadaptation au XXIe siècle. Dans les salles de concert et d’opéra, un public âgé, blanc, « acquis aux principes conservateurs. Ainsi, en 2019, seulement 2,2 des Français âgés entre 15 et 18 ans avaient assisté à un concert de musique classique l’année précédente… » C’est passionnant du début à la fin, iconoclaste et totalement traversé par une notion centrale : « la capacité d’agir… ».
La face cachée de Pierre Pflimlin – Claude Mislin
C’est une histoire tout à fait commune, au fond. Car il y en eut beaucoup (en Alsace comme ailleurs) de ces jeunes à peine trentenaires qui, dans les deux décennies précédant la Seconde Guerre mondiale, furent dans l’errance politique et se mêlèrent sans complexe avec l’extrême droite antisémite d’abord, les « pétainistes » à Vichy ensuite. Parmi eux, rares furent ceux qui, tel Daniel Cordier devenu ensuite le secrétaire de Jean Moulin, rompirent résolument avec leurs idées dès le discours d’abdication du Maréchal le 17 juin 1940.
Dans ce livre documenté et décapant, précis comme un scalpel, Claude Mislin raconte les années de jeunesse politique de celui qui allait devenir après la libération maire de Strasbourg, ministre et président du Parlement européen. L’éditeur ajoute en quatrième de couverture : « Puisse ce livre contribuer à ouvrir et libérer notre regard sur l’histoire de l’Alsace, qui comporte encore tant de zones d’ombre. » De fait, le temps paraît être venu d’ouvrir ces pages-là…
#JESUISZOMBIE – Alexis Metzinger
Le livre démarre fort. C’est un live sur internet du journal Le Monde qui apprend au monde entier que la ville de Strasbourg vient d’être placée en quarantaine en raison d’une très grave crise sanitaire. Le département du Bas-Rhin, dans son entier, vient également d’être placé en état d’urgence. Le ministre de l’Intérieur intervient pour déclarer : « Je ne vous le cache pas : Ebola, à côté de ce que vit Strasbourg, c’est du pipi de chat… »
Plus de 200 pages plus loin (et quatre jours plus tard), tout à la fin du livre, c’est un épouvantable chaos qui règne à Strasbourg…
Entre-temps, les lecteurs de ce surprenant roman de Alexis Metzinger, connu pour être producteur et réalisateur de documentaires – et aussi auteur du remarqué Confessions d’un chasseur de sorcières en 2020, auront été tenus en haleine par une histoire palpitante qui, l’air de rien, décode sans la moindre indulgence le quotidien de notre société hyper médiatisée d’aujourd’hui…
Après les livres – Pierre Weber
Dans Barbares, la même bien nommée collection qui publie #JESUISZOMBIE, La Nuée Bleue édite le surprenant premier roman de Pierre Weber, un professeur agrégé de lettres de la vallée de la Bruche, qui imagine ici un monde post-apocalyptique à la Cormac McCarthy (La route – 2006) se déroulant en Alsace. Un récit plein de finesse, mais aussi d’aventure et de suspense où on se passionne pour le devenir de Sam et sa fille Lise, recluses toutes deux au cœur d’une forêt qu’elles tentent de préserver de ce qui reste d’une humanité devenue sauvage à l’extrême. « Les hommes d’avant méritaient l’extinction – Les hommes d’après méritent de savoir » dit l’un des personnages vers la fin de ce livre ultra-passionnant, qui correspond à une surprenante, mais profonde réflexion sur notre réelle nature humaine…
Gutenberg et le signe du dragon – Pascal Prévot et Benjamin Strickler
C’est (déjà) le septième titre d’une collection (Graine d’histoire) tout à fait originale puisqu’elle mêle heureusement des thématiques historiques régionales (ici, le Strasbourg du moyen-âge où un orfèvre, Gutenberg, est en train d’inventer l’imprimerie…), avec de illustrations adaptées à la cible « jeunesse » de la collection et, en fin d’ouvrage, un petit précis historique rédigé avec habileté par l’historien Daniel Fischer. Le récit contenu dans ce petit livre fourmille d’anecdotes et de situations qui, au final, donneront aux enfants une belle idée de la réalité de la vie quotidienne au XVe siècle.
Du beau travail, vraiment…
Vers l’Orient. Géographies d’un désir – Christine Peltre
C’est une fois de plus un livre précieux et formidable que publie L’Atelier Contemporain. En un peu plus d’une douzaines d’étapes, Christine Peltre, qui fut la directrice de l’Institut d’Histoire de l’art de l’Université de Strasbourg, nous guide à travers certains de ces hauts-lieux de l’« ailleurs » que nous connaissons souvent par les images de nos musées – Athènes, Istanbul, Izmir, Smyrne, Alger, Marrakech, Tunis… et dans ces villes de l’ouest de l’Europe, Madrid, Barcelone, Marseille – où universitaires et institutions culturelles s’efforcent d’écrire l’histoire du pourtour méditerranéen. Vers l’Orient. Géographies d’un désir combine avec bonheur essai, récit de voyage et autobiographie intellec- tuelle. Une belle richesse iconographique parsème ce livre érudit, superbement co-édité avec l’Université de Strasbourg…