Manuel Rietsch « J’estime m’être fait escroquer par Total Énergie… »

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 Article publié dans « Escales », numéro 49 d’Or Norme paru à la mi-juin 2023, dans le cadre du dossier « Les artisans et PME faces aux crises ». Lire le magazine en ligne 

Manuel Rietsch, Gérant du garage MR AUTO Bernhard à Altorf 

En plus de se sentir accablé (comme tant d’autres) par l’importante inflation des coûts de l’énergie, ce chef d’entreprise de 39 ans, qui, en 2017, a repris les rênes d’une entreprise familiale en activité depuis six décennies, estime aussi avoir été « floué » par son fournisseur qu’il soupçonne de lui avoir délibérément caché l’importance de la hausse à venir de ses tarifs. Il raconte…

Alors que l’entreprise voguait dans des eaux plutôt calmes, il y a d’abord eu l’épisode du Covid qui a eu un impact considérable sur notre chiffre d’affaires. Mais nous avons réussi à passer le cap, notamment grâce aux aides de l’État. Avec le recul, je peux même pressentir que la crise sanitaire aura été moins difficile à surmonter que ce qui nous arrive aujourd’hui avec la crise de l’énergie. Notre exercice 2022 a été bon, nous avons retrouvé un bilan comparable aux années d’avant Covid.
Tout est parti d’un coup de fil de notre conseillère de notre fournisseur Total Énergie. Je m’en souviendrai longtemps, c’était en septembre dernier. Elle me contactait pour le renouvellement de notre contrat et m’annonçait « plus ou moins », ce sont ses propres termes, le maintien des tarifs. À la réception de ce contrat, je n’y ai pas compris grand-chose entre les mégawatts/heure, les kilowatts/heure et les m3/heure et des valeurs dans tous les sens. Je suis quand même quelqu’un d’assez réfléchi, alors je l’ai recontactée pour qu’elle me précise très concrètement, en termes de pur montant de facture mensuelle, ce qui allait changer par rapport aux mois précédents. Sa réponse a alors été nette : à peu près une centaine d’euros de majoration mensuelle. Comme il y avait une forme de relation de confiance entre elle et moi, j’ai donc signé ce nouveau contrat. Je me sentais même rassuré au vu notamment des augmentations très fortes du coût du gaz, car c’est cette énergie que la société utilise pour le chauffage de ses locaux et aussi sa cabine de peinture.

Les paroles s’en vont, les écrits restent…

En janvier et février dernier, je n’ai pas reçu les factures de gaz comme à l’habitude. Je ne les ai reçues qu’en mars et là, ce fut la douche froide ! Au lieu des 1000 € attendus, on me facturait 9200 €. C’était du x9 par rapport aux derniers mois précédents !! C’était tellement énorme que j’ai d’abord cru à une erreur. J’ai donc recontacté immédiatement notre conseillère. Elle s’est renseignée et m’a rappelé : « Non, il n’y a pas d’erreur, ça correspond bien au contrat que vous avez signé… » Pour mars, il y a eu carrément une erreur de relevé de compteur et à l’heure qu’il est (début mai – ndlr), j’attends la facture d’avril. Je suis donc dans le flou total. J’estime m’être fait escroquer par cette conseillère, mais bien sûr, tout s’est fait oralement hormis la signature du fameux contrat. Je connais l’adage : les paroles s’envolent, les écrits restent. La survie de l’entreprise est en jeu. Nous sommes sept personnes qui travaillons ici. Dès la réception de ces deux factures, en mars, j’ai donné ordre de couper le chauffage des locaux. Concernant la cabine de peinture, on travaille à plus basse température et on programme les travaux les après-midi afin de pouvoir bénéficier de quelques degrés naturels en plus. Techniquement, c’est possible, mais ça a une limite : en dessous de 45 degrés, la technique ne suit pas. On a aussi favorisé les regroupements de pièces à peindre. On a vraiment fait le maximum de ce qu’il nous était possible de mettre en oeuvre par nous-mêmes. Aujourd’hui encore, je n’ai pas le recul pour savoir avec précision ce que nous avons pu ainsi économiser.

Total Énergie, pour l’instant, reste d’une intransigeance incroyable. Pour résumer, je n’ai que deux options : soit assumer ce contrat jusqu’à son terme, fin 2024, soit payer une forme de dédit qui s’élève à… 43 000 € hors taxes ! Après avoir bien sûr payé rubis sur l’ongle les premières factures de 2023.

J’en suis là à ce jour. Je restreins au maximum les consommations et si je suis obligé de malheureusement laisser courir ce contrat, je cherche une autre source d’énergie pour ma cabine de peinture et peut-être aussi pour le chauffage des locaux… Et sur le fond du dossier, je ne peux m’empêcher de penser que des sociétés avec des pratiques semblables à celles de Total Énergie sont en train de tuer leurs propres clients, en fait. Car, si rien ne se passe, les dépôts de bilan et les liquidations judiciaires risquent de se multiplier et dans ce cas, les fournisseurs d’énergie ne récupéreront rien sur les sommes restant dues.
Pour l’heure, ma seule marge de manoeuvre reste donc, outre les économies d’énergie dont je vous ai parlé, de trouver d’autres fournisseurs d’énergie et de laisser ensuite le contrat Total Énergie s’éteindre de lui-même, en ne consommant plus rien jusqu’à son terme et en n’acquittant que le plancher prévu au contrat. Mais à ce jour, la plus grande inquiétude règne encore. Pour l’instant, je sollicite ma trésorerie qui est disponible, mais à long terme, ce n’est évidemment pas une solution… »

©Nicolas Rosès

 

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