Replace, l’alambic du plastique

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 Article publié dans « Quest for industry », numéro hors-série d’Or Norme paru à la mi-juin 2023.
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Telle la mirabelle qui, grâce à l’alambic, se transforme en une délicate eau-de-vie, Replace métamorphose les déchets plastiques complexes en objets utiles du quotidien, au plus près de leur lieu de production.

Là où d’autres voient une impasse, Laurent Villemin, fondateur de Replace, y voit une opportunité. Après une carrière de près de 30 ans dans l’industrie de transformation des plastiques et des caoutchoucs, l’entrepreneur a choisi de s’attaquer à un défi environnemental de taille : le recyclage des plastiques complexes. Ces déchets multicomposants ont longtemps été les laissés-pour-compte du recyclage traditionnel. Composés de diverses matières, tels que des mélanges de plastiques, de métaux ou de papier, leur traitement s’avérait complexe et coûteux. Ils étaient ainsi souvent incinérés ou enfouis. « En Europe, il y a chaque année 10 millions de tonnes de plastiques multicomposants non valorisés » souligne Laurent Villemin. C’est en partant de ce constat alarmant qu’il a fondé en 2019 à Woippy (Moselle) sa société pour donner une seconde vie aux plastiques complexes. « L’empreinte carbone, c’est notre mantra. On ne veut pas remplacer ce qui existe et qui marche bien. On veut développer un business qui soit complémentaire à ce qui existe pour aller plus loin et traiter les matières qui sont oubliées », explique-t-il. Pas question donc de venir concurrencer les filières de recyclage du plastique déjà structurées. L’idée est au contraire de travailler avec les acteurs de la collecte des déchets pour trouver un débouché innovant aux matières jusqu’ici non valorisées.

DES DÉCHETS AUX BANCS PUBLICS, REPLACE RÉINVENTE LE PLASTIQUE

En seulement trois ans et avec l’aide de son partenaire industriel Aisa, Replace a réussi à mettre au point un procédé unique et breveté permettant de transformer ces plastiques complexes en objets du quotidien, allant des poteaux de signalisation aux bancs publics. La société fondée par Laurent Villemin et Christian Horn est passée d’un prototype de machine de production installé dans un site industriel désaffecté près de Sainte-Menehould (Marne) à un concept éprouvé et une entreprise florissante. « En 2022, nous avons transformé près de 1 000 tonnes de matières et réalisé plus de 650 000 euros de chiffres d’affaires », se réjouit Laurent Villemin. « Replace est aujourd’hui rentable, avec 10 salariés et 2 lignes de production capables de transformer 2 500 tonnes de matière issue de déchets multi-composants », poursuit-il. « C’est une super réussite », observe également Martin Greder, le directeur de The Pool, l’incubateur qui accompagne la start-up depuis ses débuts. Pour lui : « sa capacité d’exécution a été garante de son succès ».

Le parcours de Laurent Villemin n’a toutefois pas été sans embûches. « Quand on est une industrie, dans une friche industrielle, les assurances ne veulent pas suivre », déplore le dirigeant. « Heureusement, par l’intermédiaire de notre incubateur, nous avons rencontré les Assurances Castérot qui ont su nous accompagner dans notre démarche innovante ». La maîtrise du coût de l’énergie a été un autre défi de taille. « J’avais l’impression d’avoir une Mustang qui n’était pas maîtrisée », confie Laurent Villemin, soulignant la difficulté à piloter un poste de dépense aussi important, mais imprévisible. Enfin, « le financement a été un enjeu crucial, mais grâce à notre levée de fonds de 4 millions d’euros avec Yeast et le fonds ILP en septembre dernier, nous avons trouvé des partenaires qui partagent nos valeurs et comprennent notre métier d’industriel », témoigne l’entrepreneur. Dans cet exercice, il a pu compter sur le soutien de The Pool. « Laurent avait l’expérience dans l’industrie et les projets industriels, mais certains exercices sortaient de son champ d’expertise et il avait besoin d’échanges lors des grandes décisions : levée de fonds, investissements, développement des lignes de production » témoigne Martin Greder.

ESSAIMER, UNE STRATÉGIE GAGNANTE POUR L’AVENIR ?

Sorti d’incubation après sa levée de fonds, Replace souhaite maintenant partager sa vision et son savoir-faire en étendant son modèle à d’autres régions et d’autres pays. « On a la volonté d’avoir un autre site en France et un autre à l’étranger », ambitionne Laurent Villemin. « On aura ainsi montré que le système est capable de s’exporter ailleurs sous contrôle ». L’entrepreneur voit même plus grand : « Tous les 200 km, il faudrait un atelier », imagine-t-il. Cette stratégie d’essaimage permettrait non seulement de valoriser les plastiques complexes à une échelle plus large, mais aussi de créer des emplois locaux et de réduire l’empreinte carbone du transport des matières. « Nous avons été soutenus par des acteurs publics et privés, convaincus que notre démarche apporte une réponse concrète et viable aux enjeux environnementaux actuels », déclare Laurent Villemin. Le fondateur de Replace s’intéresse également aux enjeux sociétaux et entrepreneuriaux. « Un des points que j’adore dans mon métier, c’est de recruter des jeunes ou des personnes en reconversion. J’aide également des entrepreneurs qui m’appellent pour avoir des conseils », dit-il avec un oeil qui pétille. Comme une consécration, il a été par la Région Grand Est pour animer son nouveau programme en faveur de l’économie circulaire.

Le fondateur de Replace porte un regard positif sur l’avenir et tente de sensibiliser les générations futures aux défis de l’écologie et du recyclage. Dans une école maternelle de région parisienne, les enfants ont par exemple collecté des bouchons en plastique et des emballages alimentaires qui ont été transformés en tables de pique-nique dans leur cour de récréation. Voilà le genre d’histoire qui a du sens, celle que Laurent Villemin aime écrire.