Strasbourg, européenne et diplomate I Les consulats strasbourgeois

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Il y en a plein les beaux quartiers : demeures somptueuses, bâtiments qui en imposent ou plaques discrètes à l’entrée des immeubles, on compte 71 consulats à Strasbourg, deuxième ville diplomatique de France. Des États-Unis au Maroc en passant par la Turquie, le Honduras, les Philippines, ou encore la Namibie, quelles sont leurs missions ? Que font-ils et pour qui ?

Passer le seuil d’un consulat c’est comme traverser une frontière, entrer sur un territoire étranger alors même que l’on se trouve sur le sol français. 

Le 14 octobre dernier, à 10 heures tapantes, nous sommes entrés sur le territoire marocain, au numéro 55 de la rue du Conseil des Quinze. Première impression, premier étonnement, l’agitation à l’intérieur du bâtiment en total décalage avec le calme de la rue. Des dizaines de personnes hommes, femmes, enfants attendent dans une salle d’attente d’être reçus par les agents de la police marocaine préposés au service des passeports qui se trouve au rez-de-chaussée. 

© Nicolas Roses

Nous accédons au premier étage par un escalier de marbre blanc pour y retrouver Lakdhar Messoussi. En poste depuis de nombreuses années, il est une sorte de super conseiller, la mémoire du consulat. Il nous conduit un étage plus haut dans l’antichambre du cabinet de « Monsieur le Consul ». En attendant d’être reçu, Lakdhar nous explique que le consulat du Maroc est ouvert à Strasbourg depuis 1956, année de fondation de l’État indépendant du Maroc resté sous protectorat français durant plus d’un demi-siècle. C’est le troisième consulat à s’y être installé après celui de la Suisse en 1920 et celui des États-Unis en 1866. 28 personnes travaillent ici pour une circonscription consulaire qui englobe l’Alsace, la Lorraine et le territoire de Belfort, avec 141 000 marocains immatriculés.

Driss El Kaissi, le Consul Général du Royaume du Maroc à Strasbourg, par ailleurs chargé des relations avec le Conseil de l’Europe et le Parlement européen, nous reçoit dans son bureau. Il vient tout juste de prendre ses fonctions pour un mandat de quatre ans. L’homme est calme et cordial, le langage rompu aux codes de la diplomatie. 

Passées les présentations d’usage et le traditionnel service du thé et des pâtisseries, Driss El Kaissi nous rappelle les missions d’un consulat, ratifiées par la convention de Vienne en 1963 : protéger sa communauté en lui portant assistance que ce soit sur le plan social ou judiciaire, lui offrir différents services administratifs : tenir l’état civil, délivrer les pièces d’identité et les visas, dresser les actes notariés, permettre aux expatriés de voter. Mais aussi organiser les migrations légales de main-d’œuvre saisonnière qui s’inscrivent dans la longue histoire des migrations économiques entre le Maroc et l’Europe, comme par exemple en Corse chaque année au moment de la récolte des clémentines. Ou bien prendre en charge les retours au Maroc en cas de situation irrégulière. Et bien entendu, créer et entretenir les échanges qu’ils soient commerciaux, scientifiques ou culturels entre l’État accréditant à savoir le Maroc et l’État accréditaire, la France. 

Driss El Kaissi insiste sur l’ouverture d’esprit de son consulat : « Les gens viennent avec des idées, nous sommes à l’écoute, chaque marocain pour nous est une ressource ». Et quand nous demandons au consul un commentaire sur l’islamisme radical, les tensions que cela génère en France et quel rôle peut-il jouer dans cette crise, il répond que le consulat « ne s’occupe pas des questions françaises » mais que bien entendu il fait « la promotion d’un Islam modéré » et soutient toute initiative allant dans ce sens.

Autre adresse, autre ambiance…

Le premier consulat qui a ouvert ses postes à Strasbourg est celui des États-Unis. C’était en 1866, au numéro 6 de la place Broglie. Objectif de l’époque : « Promouvoir les échanges bilatéraux qu’ils soient politiques, commerciaux ou culturels entre la région et les États-Unis ainsi que les intérêts commerciaux américains (…) Faciliter l’émigration vers les États-Unis d’un nombre important d’Alsaciens à une époque où la région connaissait une croissance démographique importante et pendant laquelle les États-Unis étaient le premier pays récepteur des flux migratoires internationaux », peut-on lire sur le site du consulat des États-Unis.

Fermé en 1871 après l’annexion de l’Alsace-Lorraine par l’Allemagne, rouvert en 1919, refermé en 1939 en prévision d’une nouvelle annexion, le consulat des États-Unis finit par rouvrit en 1946 et n’a depuis cessé ses activités. 

Aujourd’hui il se trouve 15 avenue d’Alsace dans un imposant bâtiment bien gardé, entouré de hautes grilles, abords bien différents de ceux du consulat du Maroc. D’ailleurs il nous a été impossible d’y entrer dans les délais impartis, question de sécurité, et bien sûr de contraintes sanitaires liées à la Covid-19 -comme il est difficile d’entrer sur le territoire américain, il est difficile de pénétrer dans son consulat-. 

En outre, la nouvelle consul général, Darragh Paradiso, qui a pris ses fonctions au mois d’aout dernier, étant bookée jusqu’au mois de janvier 2021, nous n’avons pas pu obtenir de rendez-vous, nous avons donc échangé par mail avec l’adjoint aux relations publiques et culturelles, Felipe Tello. Un tout autre style que celui du Maroc donc, mais les mêmes « services consulaires : demande de passeports, services notariaux, enregistrement de citoyenneté, vote, etc ». Sur ce dernier point, et bien qu’il nous ait été expressément notifié que le consulat ne ferait aucun commentaire sur l’élection américaine, Felipe Tello a souligné l’importance de la mission du consulat en période électorale : « le Consulat met en place une campagne de sensibilisation sur les réseaux sociaux auprès des écoles et différentes associations américaines. Cette campagne permet de communiquer sur les dates clés, de promouvoir le site internet dédié aux élections www.FVAP.gov, de recevoir le bulletin de vote pour ceux qui ne souhaitent pas l’envoyer par la poste ». Ces bulletins seront ensuite acheminés vers les États-Unis par valise diplomatique. 

© Nicolas Roses

Felipe Tello estime à 5000 le nombre d’américains présent sur la circonscription du consulat des États-Unis à Strasbourg qui couvre tout le Grand Est, mais ce chiffre reste « difficile à estimer car il n’y a pas une obligation d’inscription sur la liste consulaire ».  Outre sa mission principale de protection et de service aux citoyens américains, le consulat des États-Unis « travaille également sur plusieurs fronts, tant au niveau bilatéral avec la France qu’au niveau multilatéral avec le Conseil de l’Europe (…) La présence du Consulat à Strasbourg permet de faire un travail de fond sur des défis communs tels que la lutte contre le terrorisme et la lutte contre l’antisémitisme ». Sans compter que « les États-Unis jouent un rôle important en tant qu’employeur dans la région Grand Est avec plusieurs sociétés à capitaux américains implantées ». Des intérêts qu’il faut défendre tout « en collaborant avec les organisations publiques locales ». 

Et à la question quel sont les projets, les priorités, l’empreinte que souhaite laisser la nouvelle Consul des États-Unis à Strasbourg, Felipe Tello répond : approfondir au niveau local les « quatre priorités de la mission diplomatique des États-Unis en France : garantir la sécurité grâce à l’engagement politique ; lutter contre l’antisémitisme et toute forme d’antisionisme ; maintenir la diplomatie commerciale et encourager l’autosuffisance »…

Nous avons sollicité plusieurs consulats pour la rédaction de cet article. Le Maroc n’a pas failli à son hospitalité légendaire et les États-Unis sont restés fidèles à leurs contraintes sécuritaires tout en se montrant très communicants. En revanche, il nous a été impossible de nouer quelque dialogue que ce soit avec la Turquie qui n’a pas daigné répondre à nos multiples sollicitations. Même chose pour le Honduras, que nous pardonnerons puisqu’il s’agit d’un simple consulat honoraire. 

Quelles sont les différences entre un ambassadeur, un consul général et un consul honoraire ? 

L’ambassadeur a une fonction diplomatique et politique, il est le représentant de son État dans un État étranger. Avec l’aide de la chancellerie politique, il met en œuvre la politique étrangère de son pays et joue un rôle d’influence sur le plan politique, économique et culturel.

Le consul est un représentant administratif. Il dirige le consulat qui est une sorte d’antenne délocalisée de l’administration de son pays. Il a pour mission de protéger les ressortissants de son pays.

Quant aux consuls honoraires, ce ne sont pas des agents de carrière et ils ne sont pas rémunérés. Ils exercent leurs fonctions bénévolement tout en exerçant une autre activité professionnelle et sont sous la responsabilité d’un consul général à qui ils doivent rendre des comptes. 

Liste non exhaustive des consulats à Strasbourg – source centre d’information Europe Direct Strasbourg 

Algérie, Allemagne, Autriche, Brésil, Centrafrique, Chili, Chine, Équateur, Espagne, Estonie, États-Unis, Finlande, Grèce, Guatemala, Honduras, Hongrie, Islande, Israël, Italie, Japon, Kosovo, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Maroc, Monaco, Mongolie, Norvège, Pays-Bas, Pérou, Philippines, Portugal, Roumanie, Russie, Saint-Martin, Serbie, Slovaquie, Suède, Suisse, Tchad, République Tchèque, Turquie