Une hormone qui nous veut du bien « Ocytocine mon amour »

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Prenez une exposition sur l’amour, un chercheur en innovation thérapeutique strasbourgeois, une journaliste parisienne devenue éditrice scientifique, un brin de persuasion de la seconde pour convaincre le premier. Comptez sur le hasard et la nécessité et vous obtiendrez un livre passionnant paru l’automne dernier : Ocytocine mon amour.

Le titre fait référence à Hiroshima mon amour, précise l’auteur, Marcel Hibert. Qui ajoute aussitôt : « La bombe atomique est une arme de destruction massive, l’ocytocine est une arme de reconstruction massive ».
C’est en découvrant l’exposition De l’amour qui s’est tenue au Palais de la Découverte de Paris en 2020 que l’éditrice Olivia Recasens a craqué pour cette molécule connue depuis les années 1950 pour favoriser les contractions lors de l’accouchement et la lactation, mais dont le potentiel n’est apparu que bien plus tard, lors d’un congrès organisé à Montréal en 1997.
Lui-même spécialiste de l’ocytocine, Marcel Hibert y a assisté à la présentation d’une expérience fondée sur l’observation de deux types de campagnols américains, ceux des prairies monogames et parents attentionnés et ceux des montagnes volages, peu soucieux de leur progéniture. Seule différence entre eux : le taux de deux hormones dont l’ocytocine. « Il a suffi d’inhiber celle-ci chez les premiers et d’en injecter aux seconds pour inverser les comportements », raconte Marcel Hibert. Pour ce passionné du vivant, spécialisé dans les mécanismes moléculaires de l’amour, ces nouvelles perspectives représentaient un magnifique « fil à tirer » qu’il évoquait en vidéo dans le cadre de l’exposition parisienne. S’il avoue avoir hésité lorsque l’éditrice l’a contacté pour faire un livre de toutes ces découvertes, le désormais auteur reconnaît avoir pris « un énorme plaisir » à écrire ce récit aussi exigeant que tendre et drôle.
« Se posait la question de la vulgarisation qui impose tant la simplification d’une démarche scientifique que la mise en garde contre les dérives », raconte-t-il, « j’ai demandé dix jours de réflexion et puis je me suis lancé en commençant par la lecture la plus exhaustive possible de tout ce qui a été publié ».

Une hormone qui ne nous veut que du bien

Ses propres recherches thérapeutiques sur l’ocytocine ont commencé en 2003, après six années d’hésitation.
« Présente chez tous les êtres vivants sexués – de l’homme au ver de terre –, l’ocytocine est source d’empathie, de confiance, d’attachement. Si l’on agit sur les capteurs, le risque d’une manipulation des personnalités existe, il faut en prendre la mesure et c’est ce que nous avons fait, notamment en consultant des philosophes. » Mais cette molécule ouvre aussi de nombreuses perspectives en matière de lutte contre la douleur, la dépression, l’anxiété sociale, l’anorexie, les tocs… Elle peut aussi favoriser les sevrages (drogues et alcools), retarder le vieillissement et surtout aider au traitement de l’autisme. Véritable couteau suisse de la nature qui en use pour lier au plaisir tout ce qui est nécessaire à la survie de l’espèce, l’ocytocine est difficile à administrer autrement que par spray nasal et donc difficilement dosable, tempère cependant Marcel Hibert, « elle est instable et relativement grosse. Administrée par voie orale, elle finit dans l’intestin et par voie sanguine elle est détruite par le foie ».

Pour y pallier, il fallait trouver « une molécule qui la mime, qui soit “petite”, stable, capable d’atteindre le cerveau et brevetable ». Tâche à laquelle lui et son équipe se sont attelés envers et contre les échecs et les découragements.
Avec à la clé : la découverte de LIT-001 suivie de LIT-002 dont le profil sera affiné et décliné pendant au moins un an avant d’être proposé à l’industrie pharmaceutique pour traiter les symptômes primaires de l’autisme. Si elle est nécessaire à la formation et à la pérennité d’un couple, l’ocytocine n’a rien d’une molécule du coup de foudre. « Derrière tout sentiment, il y a un cocktail complexe et inexplicable où elle joue un rôle de liant », résume Marcel Hibert. Mais une chose est certaine à ses yeux : « L’ocytocine est une hormone qui nous veut du bien ! »

Marcel Hibert, Ocytocine mon amour, Éditions HumenSciences, 288 pages, 19 €

 

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