Véronique Siegel|Le secteur de la restauration est fragilisé

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Article publié dans Or Norme N°57 (juin), dans le cadre du dossier « La restauration à Strasbourg, que de bouleversements ! »

Présidente départementale du Bas-Rhin de l’Union des métiers de l’industrie hôtelière (elle siège aussi au directoire de l’UMIH Nationale),Véronique Siegel analyse lucidement l’évolution du secteur de la restauration dans la capitale européenne.

Cinq ans après ce véritable cataclysme qu’a représenté la pandémie de Covid dans le secteur de la restauration, quels sont les principaux retours que vous enregistrez de la part des restaurateurs du Bas-Rhin ?

Vous avez raison de parler de cataclysme. Les fermetures totales qui nous ont été imposées ont fait qu’une grande partie de nos équipes se sont retrouvées à la maison pour la première fois de leur vie, souvent. Jusqu’alors, nos salariés avaient l’habitude de fonctionner en horaires décalés vis-à-vis de leurs proches et soudain, ils se sont retrouvés comme déboussolés. Alors certains se sont dit que c’était peut-être le moment d’envisager une toute autre vie professionnelle. J’ai les chiffres au niveau national : en deux ans, ils ont été plus de 180 000 qui ont disparu de nos effectifs. Chaque année, la profession a besoin de 200 000 nouveaux employés, il nous a donc fallu en rechercher près de 380 000, alors que nous n’en formons que 80 000 par an. Vous mesurez donc bien le challenge auquel nous avons été confrontés. Tous les restaurateurs ont bien sûr grincé des dents…Concrètement, comment ont-ils réagi ? Ils ont tous essayé d’attirer de nouveaux collaborateurs en adaptant au maximum les contraintes d’horaires de présence, le principal point noir de la profession. Mais bien sûr, les marges de manœuvre sont restées étroites. Alors, ils ont utilisé toutes les possibilités imaginables : à la campagne, certains ont même fermé une salle complète de leur restaurant parce qu’ils n’avaient plus les bras suffisants pour servir leurs clients… Au final, ce manque de personnels a bien sûr eu un impact sur leur chiffre d’affaires, c’est évident… Les marges se sont dégradées d’autant que la profession a tenu sa promesse ante-Covid de rehausser les salaires du secteur. Il nous faut aujourd’hui, et c’est impératif, renforcer la formation des personnels nouvellement arrivés. C’est vital pour notre image de marque…

Peut-on parler d’un secteur fragilisé ?

Oui, je crois. J’ai vu passer des chiffres au niveau national qui prouvent qu’un quart des restaurants seraient en situation déficitaire. Beaucoup de ceux qui ne le sont pas affichent des marges très faibles, autour de 2 % : autant dire qu’au moindre écart, ils basculent dans le rouge. Un mois de travaux dans leur rue et ils sont morts. À Strasbourg, il y a aussi des difficultés spécifiques, comme par exemple la fin du parking de surface gratuit entre 12 h et 14 h qui date des derniers temps de la précédente municipalité. Plus récemment, la hausse vertigineuse des frais de stationnement a été terrible pour nos restaurateurs. Les possibilités de dialogue avec l’actuelle municipalité sont quasiment inexistantes : lors d’une réunion à laquelle je participais en tant que présidente de l’UMIH, j’ai exprimé quelques demandes pouvant apporter un peu d’oxygène. Je me suis entendue rétorquer par la maire de Strasbourg : « Madame, je ne suis pas là pour satisfaire les restaurateurs strasbourgeois et leur permettre d’avoir des clients. » Nous en sommes là…

Véronique Siegel ©Tobias Canales