Edito // Echappées

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“La nécessité du divertissement viendrait de ce ressort funeste qui accompagne l’ennui. En se détournant de l’ennui, l’homme tend à s’échapper de sa condition, à sortir de lui-même pour éviter de sentir cette noirceur inhérente à la considération de son âme. ”
Arielle Bourrély – Faut-il tromper l’ennui ? L’ennui : du divertissement à la pathologie.
Thèse de doctorat – Philosophie, psychanalyse et esthétique. Université Paul Valéry – Montpellier, 2016

 

Encore une fois, ce cher Thierry Jobard, dans son Parti pris, page 94, nous secoue bien les neurones en nous rappelant que le divertissement, tel que l’entendait Pascal, est peut-être en voie de nous submerger : « Si j’étais chimiste et que je mélangeais massification, attention et émotion, le précipité obtenu aurait pour nom manipulation. » écrit-il (Jobard, pas Pascal !).
Vous l’aurez compris, ce n’est pas vers cette échappée-là que ce numéro 35 d’Or Norme souhaite vous accompagner. D’abord, les expositions exceptionnelles que Jean-Luc Fournier vous invite à découvrir à Paris et Strasbourg sont autant d’échappées belles vers l’art et la culture, et les voyages de Muammer Ylmaz (voir notre Grand entretien) sont tout autant de fenêtres ouvertes sur d’autres ailleurs… mais surtout sur l’Autre tout court, et donc sur soi-même !
Ce n’est donc pas à l’évitement de notre « condition misérable » que nous souhaitons vous convier, mais bien au contraire à la découverte de ce qui peut nous rendre plus riches de nous-mêmes. Et c’est sans doute sur ce point que beaucoup d’articles de ce numéro convergent, tout simplement pour des échappées intimes et touchantes vers l’Autre, vers les autres, et donc vers notre humanité commune, afin de partager, car c’est bien dans le partage que l’échappée est la plus belle.

À l’heure de l’individualisme forcené, peut-être n’est-il pas totalement inutile de rappeler que partager avec d’autres des choses aussi simples qu’un repas, une marche, une émotion ou tout ce que vous voudrez, rend simplement la vie meilleure pour soi-même et pour les autres.Alors vous partagerez avec Muammer sa générosité, avec Thérèse Willer sa tendresse pour Tomi Ungerer, avec Bruno Bouché sa passion du Ballet et son affection pour Eva Kleinitz, avec Gilles Chavanel sa sensibilité et la justesse de son témoignage face à la maladie, avec Andrej Pirrwitz la poésie de ses photos… échappées d’ailleurs, et avec tous nos autres contributeurs et contributrices, vous vous interrogerez enfin comme le fait Patricia Houg dans la rubrique Or Champ qui clôture ce numéro : « Que faire d’une vie si courte pour la rendre aussi riche que possible ? »
Bonne lecture, bonnes fêtes et belles échappées à tous.

Patrick Adler
directeur de publication