MAMCS, Un espace pictural libre

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La grande exposition de l’été au MAMCS à Strasbourg est dédiée à Marcelle Cahn, peintre, figure méconnue de l’art du XXe siècle, née en 1895 à Strasbourg et morte en 1981. L’exposition est un hymne à la recherche artistique, le leit-motiv obstiné de cette artiste à (re)découvrir…

E ncore enfant, Marcelle Cahn se met à peindre, s’intéresse à la musique comme à la philosophie. Revenant très régulièrement dans sa ville natale, elle vivra aussi à Berlin et Paris, alternant des périodes de plein échange avec les autres artistes et des moments de retrait (l’un d’entre eux durera dix ans, à Strasbourg). Elle voyagera toute sa vie : « D’une manière générale, je ne fais que passer, je ne reste pas » dit-elle. C’est la grande époque d’Edward Munch, de Suzanne Valloton, de Vuillard, Arp, Sophie Tauber-Arp, Mondrian, Kandinsky et Léger autant d’artistes proches de son travail. L’émulation est intense.
Marcelle Cahn est bien de cette époque cubiste, c’est reconnaissable, mais elle est aussi bien elle-même. Elle s’intéresse à l’espace, qu’elle traverse du plus petit au plus grand. Elle fera partie des « puristes » (le mot dit tout) et des constructivistes, pratiquant un mélange d’architecture et d’art plastique inspiré par les machines aux formes géométriques, menant à l’abstraction. C’est l’époque de la reproductibilité de l’art qui commence, de la question du progrès, du moment de bascule où l’homme va se faire dépasser par la technique, décrit par l’immense Walter Benjamin, lui aussi de cette époque.

UNE IMPRESSION DE LIBERTÉ MAGNIFIQUE

Ce qui frappe, en parcourant cette très belle exposition, remarquablement agencée, d’une lumière parfaite pour le regard, c’est la recherche, du commencement à la fin. Marcelle Cahn parcourt son objet de travail, n’hésite pas à expérimenter le collage (de plus en plus petits, sur son lit, dans sa maison de retraite à la fin de sa vie) ou ses fameux « spatiaux » (géométries sur papier, sculptures extérieures). La perspective ne l’intéressant guère, elle explore ce qui est « planifié », à savoir maison, villes, mais fermées, fenêtres et portes aveugles. Une solitude s’en dégage, presque une sorte d’inhumanité.
C’est la recherche, l’obstination, la continuité qui prévalent, on aurait envie de dire : un silence, un effacement. L’artiste discrète travaille, ne se préoccupe pas d’autre chose. Elle a de commun avec nombre d’autres artistes femmes (notamment l’ultra moderne Charlotte Perriand) de rendre concrète non pas l’idée abstraite, mais la perception sensible des choses.

Restons encore devant de très émouvantes petites frises colorées, des esquisses au crayon et peinture, passons aux personnages, parcourons ces villes aux tons rose pâle, bleu pâle, toit surmonté d’un dirigeable, pour arriver à ces constructions de papier dans lesquelles des formes de couleurs vives sont parfaitement posées, revenons aux peintures de départ, encore classiques, mais signifiant déjà la maîtrise du travail.
En revenant sur nos pas puis en repartant dans l’autre sens, nous pouvons mesurer cette recherche tout entière dédiée à son appréhension de l’espace, jamais plein, parfois fermé et cependant qui nous laisse une impression de liberté magnifique. Un rond, un carré, une maison, et l’espace « où tous les oiseaux du monde volent librement. » (N. De Staël)