Marc Haeberlin, la passion du service⎢égast 2022

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Véritable institution dans la région, le restaurant l’Auberge de l’Ill**à Illhaeusern abrite une tradition gastronomique vieille de plus d’un siècle. Rencontre avec Marc Haeberlin, chef étoilé qui représente la troisième génération aux fourneaux et qui fait rayonner savoir-faire culinaire et valeurs professionnelles de par le monde.

En tant que co-parrain de cette 18e édition, vous vous inscrivez dans une longue lignée de grands chefs comme Alain Ducasse, Anne-Sophie Pic ou encore Joël Robuchon pour ne citer qu’eux. Qu’est-ce que cela signifie pour vous de co-parrainer, avec Guillaume Gomez, le salon égast 2022 ?

Marc Haeberlin : C’est un plaisir et un honneur de présider cette édition, surtout aux côtés de Guillaume Gomez que je connais maintenant depuis plusieurs années. Il est Meilleur Ouvrier de France et c’est un cuisinier formidable qui représente aujourd’hui les produits de l’agriculture et de la gastronomie française, ainsi que les vins français à travers le monde. Je pense que c’est un très bel ambassadeur que les organisateurs d’égast ont choisi pour leur salon !

Ce salon « entend être au service de la profession pour l’accompagner dans ses transformations et dans sa reprise ». Cette nouvelle édition prend place après l’annulation de 2020 pour cause de crise sanitaire. Comment avez-vous vécu ces deux années d’un point de vue professionnel  ?

M. H. : Ce furent des moments délicats pour l’ensemble de la profession. Je pense que cela va durer encore quelques années, ce sera assez dur à gérer, notre milieu va continuer à souffrir. Maintenant, on revient tout doucement vers la normale, dans le respect des gestes barrières, avec une équipe qui porte des masques, etc. En termes de fonctionnement nous sommes revenus quasiment à des choses habituelles, on essaie même, petit à petit, de revenir également à une carte plus élaborée, plus longue…

Cette année, deux nouvelles thématiques font leur apparition au salon, la digitalisation des métiers de bouche ainsi que le développement durable et la transition alimentaire. Comment abordez-vous ces challenges au quotidien dans votre métier de chef étoilé ?

M. H. : On les aborde déjà par le fait que l’on a depuis de nombreuses année sun grand jardin qui est cultivé par M. Uhl, un paysan du village, et qui nous fournit nos légumes. On essaie de travailler au maximum avec les producteurs de la région, dans différents domaines, avec différents produits, sans parler évidemment des vins ! Ceci étant, je n’exclus pas de faire des poissons de mer, du homard, des choses qui ne viennent pas d’Alsace.Le développement durable évidemment, c’est un enjeu que l’on prend en compte.Nous avons limité les plastiques, nous faisons le tri des déchets avec même notre compost au fond du jardin. Ce sont des pratiques intégrées à notre fonctionne-ment depuis un certain temps déjà.

DR : Gianni Villa

Plus qu’une passion, l’art culinaire représente dans votre famille un patrimoine de plus d’un siècle.  Comment s’inscrire dans un tel héritage tout en apportant sa touche personnelle ?

M. H. : Mon père m’a laissé les rênes il y a bien longtemps, j’ai toujours adoré travailler avec lui, la transition s’est faite tout en douceur. J’ai apporté petit à petit ma touche personnelle avec des souvenirs de voyage, des inspirations… Pour sa part, mon père était un cuisinier très classique, mais je conserve malgré tout deux ou trois plats qu’il a créés et qui sont toujours à la carte comme la mousseline de grenouille, le saumon soufflé ou la truffe sous la cendre. Ce sont des plats mythiques qui ont fait la réputation de l’Auberge de l’Ill et que les gens, même ceux qui sont beaucoup plusieurs unes, viennent toujours manger avec plaisir. Surtout, j’ai remarqué qu’après le confinement les gens ont eu besoin de plats rassurants, de plats plus traditionnels ; ils se retrouvent dans ces plats mythiques, mais ça doit être pareil chez Bocuse avec le loup en croûte ou la volaille en vessie, ou d’autres plats qui ont fait la renommée de la gastronomie française. Mais pour autant, tout à côté de ces classiques, nous avons toute une gamme de produits et de plats que l’on change au fur et à mesure des saisons, au gré de l’inspiration.

Premier salon professionnel des métiers de bouche dans le Grand Est, égast met également en avant les notions d’apprentissage et de transmission des savoirs. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui s’engagent aujourd’hui dans cette filière ?

M. H. : Aux jeunes, je leur dirai avant tout d’être courageux, d’être très curieux aussi, d’être ouverts, ouverts à des nouvelles techniques, à de nouveaux produits, et surtout ne pas ménager ses heures ! Même si l’on essaie d’aménager actuellement les horaires du personnel, c’est un métier, presque un sacerdoce, qui demande beaucoup de temps et nous sommes là avant tout au service du client. Je dis toujours qu’on a la chance de faire l’un des plus beaux métiers du monde ; un métier dur, mais passionnant. Les jeunes peuvent voyager, découvrir une maison, découvrir une région, un pays.Et puis, il y a la satisfaction de rendre, pendant deux ou trois heures, les gens heureux à table. En partant, ces mêmes gens, qui viennent dans nos maisons et paient relativement cher, nous remercient encore. C’est rare des métiers comme ça !Le client qui va s’offrir une Rolls-Royceva rarement remercier son garagiste…Que ce soit dans un bistrot ou un restaurant triplement étoilé, les gens remercient en partant : « Quel bon moment on a passé ! ». Les gens sont heureux tout simplement parce que ça fait partie de la vie, ça fait partie des plaisirs de la vie, et ils ont souffert de ne pas aller au restaurant pendant le confinement. Pour ce qui est des jeunes, c’est dommage, on a tous un manque de personnel dans la profession actuellement, alors que c’est un très beau métier… Alors oui, c’est vrai, on travaille le samedi et le dimanche, mais les horaires s’améliorent, il y a notamment beaucoup plus de congés qu’à l’époque où j’ai commencé. Ce qui doit animer la jeunesse qui veut se lancer dans les métiers de bouche, c’est avant tout la passion, comme dans tous les métiers ! »

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