Musée des arts décoratifs de Paris : Thierry Mugler, Couturissime

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 Article paru dans ORNORME n°43, SPLENDEURS –

Couturissime, le mot laisse présager un événement de tous les superlatifs, et pour cause, il s’agit de retracer le parcours du célèbre styliste strasbourgeois Thierry Mugler à travers 140 tenues exposées jusqu’au 24 avril au Musée des Arts Décoratifs de Paris. Plus qu’une rétrospective, un hymne à l’audace…

C’est une silhouette de plusieurs mètres de haut, suspendue dans le hall du MAD, qui vous accueille, le mannequin Yasmin Le Bon, en habit de Chimère, tout en plumes, écailles et crin. L’exposition Thierry Mugler, Couturissime, pensée comme un opéra, nous plonge dans plus d’un demi-siècle de mode par le plus audacieux des stylistes français ; une vie dédiée au corps et à ses expressions les plus extrêmes.

Des planches aux podiums

C’est par la danse que le jeune Mugler aborde l’univers du corps, de ses techniques, mais aussi de ses exigences. Né à Strasbourg en 1948, il rejoint le ballet de l’Opéra national du Rhin à quatorze ans et tourne en tant que danseur classique professionnel pendant six ans, une expérience qui influencera profondément ses travaux futurs, « la volonté de se dépasser pour aller plus loin, plus haut, cela me correspondait bien et cela m’a suivi dans la création de mes vêtements. »

En parallèle, il étudie à l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg (la HEAR désormais) et commence à créer ses propres vêtements. En 1967, Thierry Mugler décide d’auditionner à Paris auprès de ballets contemporains, mais sa passion pour la mode prend le dessus. Il vend des croquis de ses vêtements à de grandes maisons de couture et commence à se faire un nom. Il travaille ainsi comme styliste pendant sept ans et fonde, en 1973, sa propre maison, Thierry Mugler, qui n’aura de cesse de redéfinir, jusque dans les années 2000, les codes de l’esthétique et du genre, « fusionnant l’organique et l’inorganique, l’homme et la machine, le masculin et le féminin », selon la spécialiste de la mode, Rhonda Garelick.

L’exposition Thierry Mugler, Couturissime se joue en neuf actes qui nous plongent dans autant d’univers, couvrant ainsi l’étendue des talents du styliste que l’on découvre également chorégraphe (évidemment), photographe, parfumeur, mais aussi metteur en scène.

Xéno couture

La scénographie très sombre met en valeur robes et parures et des projections de jungles et de fonds marins parachèvent le procédé. Face à des robes qui semblent évoquer des mythologies inconnues, une écologie extraterrestre ou les artefacts d’une civilisation fantastique, on évolue dans un continuum de mondes étonnants. Insectes, Atlantes, Chimères, Méduses… une anthropologie xénomorphe s’offre à nous, vêtements, cocons, carapaces, uniformes, armures, les créations de Thierry Mugler s’inspirent de tous les espaces, de tous les temps, et de tous les objets, en un mariage à la fois baroque et fétichiste. Le corps est architecturalisé, il devient le vaisseau d’une nouvelle humanité, « mon approche était de proposer l’étonnement, la découverte, des beautés plurielles, des êtres qui avaient le courage d’être eux-mêmes. »

© Alan Strutt/Christophe Dellière/ The Helmut Newton Estate
Jerry Hall et Thierry Mugler, 1996.

Une œuvre totale

Une altérité magnifiée dont David Bowie, Mylène Farmer ou encore Beyoncé (entre autres) seront les ambassadeurs.

La suite de l’exposition nous révèle le secret de la célèbre fragrance Angel, premier parfum gourmand incluant un com- posé alimentaire, le chocolat ! Mugler habille, parfume et… lasse Helmut Newton, en intervenant constamment lors de ses séances photo, si bien qu’il devient alors, en 1976, le propre photographe de ses campagnes de publicité.

Après l’appareil photo, c’est derrière la caméra que se glisse le créateur, avec la direction du clip Too Funky de Georges Michael en 1992, une ode trash au métier de mannequin. Toujours plus spectaculaire, Thierry Mugler redéfinit le milieu de la couture lui-même, inventant l’opéra mode, sorte de super défilé ouvert au public (mais payant) ultra théâtralisé et qui deviendra ensuite la norme. Le théâtre, Mugler y reviendra en 1985 pour la création des costumes de La tragédie de Macbeth dans une exubérance moyenâgeuse, tout en collerettes surdimensionnées et armures couvertes de pointes d’acier, « des cuirasses magistrales, des musculatures-pourpoints, en cuir et en métal », des corps extrêmes, toujours.

Artiste polymorphe (au sens propre, comme au figuré), celui qui se fait aujourd’hui appeler Manfred Thierry Mugler a marqué de son empreinte les années 80/90. Ovide d’un genre nouveau, il aura su saisir les enjeux du transhumanisme à venir, mais dans une version glamour et festive : un carnaval cyberpunk, un manifeste cyborg.

« Mon approche était de proposer l’étonnement, la découverte, des beautés plurielles, des êtres qui avaient le courage d’être eux-mêmes. »

© Alan Strutt/Christophe Dellière/ The Helmut Newton Estate
Yasmin Le Bon, 1997

MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS

107 rue de Rivoli – 75001 Paris

Accès :

Métro : Palais-Royal ou Tuileries (Ligne 1) Bus : 21; 27; 39; 48; 68; 69; 72

Thierry Mugler, Couturissime

jusqu’au 24 avril 2022
Le mardi, mercredi et vendredi de 11h à 18h Le samedi et dimanche de 11h à 20h Nocturne le jeudi jusqu’à 21h
Fermé le lundi
Fermé le 25 décembre et le 1er janvier

Tarifs :

Plein tarif : 14€ – Tarif réduit : 10€ – Gratuit pour les moins de 18 ans, les enseignants, les demandeurs d’emploi et bénéficiaires du RSA

Contact :
Tél : 01 44 55 57 50

Site internet