À la hauteur de l’espoir : quatre jeunes filles en or

Partager

Elles ont douze ou treize ans, s’entraînent plusieurs heures par jour, vivent déjà comme des championnes et ne quittent jamais leur sac rempli de raquettes et de balles jaunes. Leur vie est organisée pour le tennis. De drôles de jeunes filles qui nourrissent les plus grandes ambitions et qui rêvent d’un titre en grand chelem, alors qu’elles entrent à peine dans l’adolescence…

Trois d’entre elles sont nées en 2006 : Camilia Samel Druz, 3/6, dans le TOP 5 des Françaises, Carla Fity, 3/6 et N° 2 française, et celle qui est en juste au-dessus d’elle, Sarah Iliev, classée 1/6 et N°1 européenne. La plus jeune, Séverine Deppner est née en 2007 est 5/6.
Carla et Séverine sont licenciées au TCS et s’entraînent avec le beau gosse du tennis alsacien Alexis Koessler, mais jamais ensemble. Elles passent aussi de nombreuses heures au pôle espoir de la ligue d’Alsace avec Antoine Bedin et Ludovic Reinhardt, comme Sarah, la plus forte des quatre cette année, qui a choisi de rester au TC Oswald et à la Ligue d’Alsace malgré les sollicitations parisiennes et niçoises. De son côté, Camilla a fait un autre choix il y a un an, elle est partie au pôle espoir de Reims.
Les trois 2006 viennent de passer quelques jours en Croatie, sélectionnées en équipe de France. Cela signifie que l’Alsace représente les trois quarts des bleues de cette catégorie d’âge, ce qui est tout à fait exceptionnel.
Après, l’adolescence, le corps et l’esprit qui changera, l’argent, les blessures, les états d’âme et la vie passeront par là. Laquelle des quatre aura le plus grand destin ? Personne ne le sait. L’une d’elles sera-t-elle professionnelle un jour ? Dans le TOP 100, TOP 10 mondial ? Rien n’est certain, car en tennis, le plus difficile est toujours à venir, et là, juste devant… En janvier 2020, il y a un premier virage important, un premier rendez-vous à ne pas rater, le tournoi référence mondial des petits as à Tarbes. Celles qui ont remporté cette compétition se nomment Martina Hingis, Kim Clijsters, Jelena Ostapenko, Dinara Safina et un nombre impressionnant de jeunes filles devenues pros sans jamais atteindre le TOP 100 mondial. D’autres, pourtant si brillantes et vainqueures de Grands Chelems, ne figurent pas au palmarès, alors, la Numéro une mondiale des années 2030 sera peut-être alsacienne, le rêve est permis, car ces quatre-là ont la tête sur les épaules et un seul but, continuer à gagner.

Séverine Deppner
Comme Simona Halep…

C’est la plus jeune des quatre, né en 2007, elle découvre le tennis à six ans, par hasard, lors d’un stage multiactivités, le moniteur voit immédiatement son potentiel. « J’ai ressenti beaucoup de plaisir, de la joie », affirme la fillette en faisant le geste du coup droit et du revers avec ses mains, un geste qui appartient à celles et ceux qui jouent du matin au soir. À Truchtersheim, Alexis Koessler est son premier entraîneur : « Dès le début, son placement, des coups étaient naturels », affirme le coach. Très vite elle veut devenir une championne. Séverine suit Alexis quand il quitte Truch pour le Tennis Club de Strasbourg. Elle est encore au collège, avec quelques heures aménagées, mais elle devrait assez vite « faire du Cned » comme elle dit (formations en ligne et cours par correspondance).

« C’est mon but de gagner des Grands Chelems »

N°1 alsacienne et dans le Grand Est des 2007, elle figure dans les 5 meilleures françaises.
La jeune fille dispute beaucoup de rencontres sur une saison, combien, elle ne sait pas, mais quand elle gagne, elle ressent du « plaisir, de la fierté, de la joie et quand je perds je suis déçue, mais après, cela dépend de la façon dont j’ai perdu, si c’est en jouant bien, je suis quand même fière de moi, un peu déçue c’est normal. Mais si par exemple j’ai perdu et que je n’ai pas bien joué alors là, je suis vraiment déçue et je suis triste. Pas longtemps », analyse la joueuse qui, évidemment, veut devenir pro : « Même si je sais que le parcours est compliqué, qu’il y a de la concurrence, j’y vais pas à pas, c’est mon but de gagner des Grands Chelems. J’aime le tennis, mes parents ne me forcent pas, avec mon petit gabarit, j’arrive bien à me déplacer sur le terrain, je peux mieux placer les balles », dit-elle comme une grande, une maturité étonnante pour un bout de chou de 12 ans.

Ramasseuse de balles aux IS

On se projette un peu, nous sommes en 2030, elle vient de gagner Roland Garros, quelle est sa première réaction ? Elle répond du tac au tac : « Je suis fière de moi. Quand j’étais petite, j’avais des périodes de doute, mais j’ai quand même réussi à gagner ce Grand Chelem. Je remercie mes entraîneurs et ma famille qui m’ont soutenu ». Il n’en faut pas beaucoup pour qu’elle s’imagine, levant la coupe devant la France entière. En attendant la gloire, elle gagne régulièrement des tournois nationaux et vient d’ajouter à son tableau de chasse son premier tournoi adulte. C’était à Hochfelden en battant une dame classée 15/2, sur le score sans appel de 6/1 6/3.
La fillette tapera peut-être des balles, un jour sur la terre battue du Wacken, mais cette année elle sera ramasseuse aux IS, et aussi concentrée au bord que sur le cours.

Sarah Iliev
Comme Maria Sharapova…

1/6 à 12 ans. Qui dit mieux ? Personne en France. Et en Europe ? Elles sont deux à ce niveau. Sarah Iliev a même remporté un match face à une fille de 14 ans classée 0, sa meilleure performance à ce jour. À son palmarès, déjà deux tournois Tennis Europe qui réunissent les meilleures joueuses de la planète. Et puis, elle a déjà atteint une demi-finale dans un tournoi européen pour des filles de 16 ans.
Le chemin de l’espoir du TC Ostwald vers le très haut niveau semble tout tracé, car en plus de ses formidables résultats, elle a de qui tenir. Ses parents, anciens sportifs de haut niveau, mariés depuis presque trente ans, se sont rencontrés pendant leur sport-études en Bulgarie. Ils sont venus en France, avec deux sacs, quand sa maman basketteuse a signé au Racing Club de Strasbourg, à la grande époque, les années 1997/98 avec l’entraîneur Patrick Lazare. Quant à son père, il était footballeur international espoir, il a joué en pro au Lokomotiv et au CSKA Sofia.
Alors, chez les Iliev, on voit loin. Le projet de Sarah est écrit noir sur blanc. En 2020, les objectifs sont de devenir championne de France des 13/14 ans, de gagner le Tournoi des Petits as et d’intégrer dans le top 5 U14. À l’horizon 2024, elle visera le top 200 WTA et tentera de gagner un Grand Chelem junior, avant d’intégrer le top mondial et de gagner un Grand Chelem aux alentours de 2028. C’est clair.

Une lucidité à toute épreuve

C’est en regardant un match de Maria Sharapova à la télévision qu’elle demande à commencer le tennis, elle n’a que trois ans. Elle ne se souvient pas de ce moment-là, mais on lui raconte souvent. Dans un magasin de sport, elle est attirée par le rayon sport. Ses parents lui achètent une petite raquette, elle commence à jouer seule. À partir de ce moment-là, la petite balle jaune est devenue la passion de sa vie. Dans son premier club, à Eckbolsheim, avant de rejoindre le TC Oswald, elle joue contre des garçons plus grands, et elle gagne tellement souvent que les mamans se plaignent, leurs garçons sont en larmes en sortant du cours. Elle n’a que 6 ans.
Elle ne se souvient plus de sa première victoire ni de sa première défaite, mais elle a retenu la leçon : « Quand je gagne, ça fait toujours plaisir. Lors du dernier tournoi que j’ai disputé, j’ai battu la tête de série numéro deux, alors qu’il y a deux ans j’avais perdu 6/0 6/0, du coup c’était bien parce que je me suis dit que j’avais progressé, mais quand je suis en train de perdre, je me dis que, soit la fille est plus forte, à ce moment-là, j’essaye de m’accrocher, de ne pas perdre largement, pour que le score soit quand même correct. Si je perds et que j’ai fait un bon match, je me dis que la prochaine fois ça sera mieux ». Lucide, déjà.

L’esprit bulgare

Avec son coup droit et un tennis si offensif, tout est permis : « Tu l’as ou tu ne l’as pas, raconte son papa, depuis toute petite, elle joue de cette façon, avec cette agressivité. Dès l’âge de trois ans, elle montait au filet ». Pour le moment tout se passe très bien, mais ce n’est pas pour ça qu’elle se dit que tout est facile, que tout sera facile. Sauf que, Sarah a un truc en plus : l’esprit bulgare : « On n’aime pas perdre et nous avons la tête sur les épaules », lance sa maman qui a vécu la même chose, le haut niveau, qui sait que tout cela reste fragile, même si Émile, son père, ajoute qu’il n’a jamais vu une sportive comme sa fille, il en a connue pourtant, mais « quelqu’un qui se concentre à ce point sur son objectif, jamais ». De quoi nourrir les plus hautes ambitions…

Carla Fity
Comme Caroline Wozniacki

Treize ans, année 2006. Classement 3/6, N°2 France, 40 Europe. Pas mal sur un CV, pour la nouvelle recrue du TCS, formée à Ostwald. Sa famille est joueuse, sa maman et ses grands-parents faisaient des tournois, elle les accompagnait. Carla commence le tennis à 4 ans, naturellement : « J’ai essayé d’autres sports, la danse, la natation, mais le tennis était le seul que j’aimais », sourit la jeune fille du haut de son mètre 69, c’est grand et puissant, même si en Europe il y a beaucoup plus haut. Une chose est certaine, par la taille, elle a déjà dépassé Simona Halep, l’ex N°1 mondiale.
Elle est décontractée Carla, tranquille, si bien dans sa peau de tenniswoman aux 80 matchs par an, pas moins. Une jeune aventurière qui a joué en Turquie, aux Pays-Bas, à Paris, gagné trois tournois adultes et des compétitions nationales.
Antoine Bedin, le CTR, l’accompagne sur la majorité des Tennis-Europe où avec les autres Alsaciennes en sélection nationale, comme en Croatie le mois dernier. Parfois c’est Alexis Koessler qui part avec elle, le coach est passé par les mêmes étapes : sport étude à douze ans, les tournois internationaux, etc. Pour lui, c’est une seconde jeunesse : « Le tennis féminin a tellement évolué. Je me souviens de Justine Henin qui avait une belle qualité de balle, aujourd’hui, pas certain qu’elle aurait le même parcours. Pour être dans le TOP 100, il faut une plus grande panoplie et encore plus de travail pour y arriver », analyse le coach.

Sur le chemin des plus grandes

3/6 est un classement très flatteur pour une ado de 13 ans (par exemple, Pierre Hugues Herbert était 3/6 à 15 ans), mais pour la joueuse, le plus important est le niveau de jeu et l’entraînement, chaque jour. 18 heures par semaine, comme Sarah et Camilla, c’est le savant dosage. C’est beaucoup, mais assez pour atteindre son but, sans oublier d’être très bonne élève aussi. Carla fixe son rêve de gagner un Grand Chelem ; dans sa tête, elle est sur le chemin des Françaises Mauresmo, Pierce et Bartoli, et surtout de son modèle, la Danoise Caroline Wozniacki, N°1 mondiale en 2010/2012 : « j’aime son jeu puissant ». Comme le sien en fait, un jeu pour mettre en valeur ses qualités « ma qualité de frappe et l’envie », explique-t-elle. Pendant les IS, chaque jour après l’entraînement, elle ira voir les matchs des grandes et rêvera plus fort encore en se disant qu’un jour, elle sera à leur place sur un central gorgé de soleil et de monde.

Camilia Samel-Druz
Comme Serena Williams

Il y a un an, elle déclarait déjà dans Or Norme : « Je veux devenir N°1, le plus tôt possible ». Rien n’a vraiment changé pour Camilia depuis un an, elle est toujours installée au pôle France à Reims où elle côtoie d’autres futurs champions. Ce choix de quitter l’Alsace (mais elle revient le week-end quand elle n’est pas en tournoi) est dû au changement de cap de Christophe Henry qui est devenu l’entraîneur à plein temps d’Albano Olivetti et Dan Added.
Maintenant 3/6, un joli chiffre, mais l’entourage de Camilia essaye d’oublier le classement, le but n’est pas d’être N°1 à 14 ans, mais plus tard. À cet âge-là, les choses changent vite. Récemment l’Alsacienne, TOP 300 des 13/14 ans en Europe, a battu une fille du TOP 100 sur le score de 6/1 6/0. Camilia est dans la course, et comme ses petites camarades, elle bosse dur, pour être la meilleure possible en janvier prochain lors des Petits as.

S’armer techniquement, tactiquement, physiquement, mentalement…

Cette admiratrice de Serena Williams a déjà quelques années de haut niveau dans les jambes et dans la tête ; alors qu’elle a commencé le tennis à quatre ans, super motivée et physiquement au-dessus de la moyenne, à 8 ans la fillette commence la compétition et mange tout le monde tout cru. Elle enchaînera les titres de championne d’Alsace. À neuf ans, elle gagne le titre national, et l’année suivante encore, avec un an d’avance. Régulièrement sélectionnée en Équipe de France, elle joue aussi les Tennis-Europe, maintenant que les petits bobos de croissance qui l’ont longtemps freinée la laissent tranquille.
Ses objectifs à long terme sont clairs. S’armer techniquement, tactiquement, physiquement, mentalement pour son entrée sur le circuit pro dans trois ans, et avant, jouer encore et encore en équipe de France, des Coupes d’Europe et le Championnat d’Europe individuel, des Tennis Europe U14 en simple et en double. Et si « le plus tôt possible » approchait à grands pas ?

à lire également :