Alain Jund : réseau tram ouest et nord, les immenses enjeux des extensions

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 ARTICLE PARU DANS LE HORS-SÉRIE HABITER, LA VILLE POLITIQUE –

Des centaines de milliers de résidents de l’Eurométropole sont concernés par les extensions en cours du tram : intra-muros (quartiers de Koenigshoffen et Hohberg), mais aussi d’autres communes que Strasbourg : Eckbolsheim et Wolfisheim vers l’ouest, Schiltigheim et Bischheim vers le nord. Des zones qui, aujourd’hui, frisent la totale saturation en termes de déplacements urbains. Lisez cette interview de Alain Jund, vice-président de l’Eurométropole de Strasbourg, en charge des mobilités et des transports.

Si on devait tourner un film sur la saga de l’extension du Tram vers l’ouest de l’agglomération strasbourgeoise, un titre s’imposerait sans coup férir : « Une aussi longue attente »…

« Pas mal trouvé… (sourire). En effet, il y a eu beaucoup d’épisodes : depuis dix ou douze ans, il y a eu l’hypothèse du tram sur pneus, son arrêt puis son redémarrage, le tunnel sous l’emprise de la gare, etc. Cette attente a donc en effet été longue pour les faubourgs ouest de l’agglomération dont les habitants réclamaient d’être desservis eux aussi par le réseau Tram strasbourgeois. Les enjeux sont importants dans ces secteurs denses où il y a également une forte activité économique. La décision de prolonger la ligne jusqu’à Wolfisheim via Eckbolsheim s’imposait donc, pour irriguer non seulement les faubourgs ouest, mais aussi les zones d’activité économique. Alors, oui, il y a eu une longue attente, mais à partir de la décision prise en décembre 2020, tout s’est beaucoup accéléré. Le bilan des concertations réglementaires a été acté au mois de mai, l’enquête publique sera réalisée en 2022 et cette importante extension sera opérationnelle en 2025. Nous sommes convaincus qu’elle va redynamiser ces vieux faubourgs de Strasbourg qui débutent route des Romains et qui, il faut bien le dire, ne sont quand même pas très en forme. Idem pour le quartier du Hohberg essentiellement dédié à l’habitat social. Ces quartiers s’étaient en quelque sorte étiolés depuis au moins deux décennies, dans quatre ans il y aura de nouveau l’envie d’y habiter… Je dis toujours : un quartier, c’est le droit d’en partir et l’envie d’y rester. Quand il se porte bien, on a envie d’y rester ou de l’habiter, c’est simple…

Il y a unanimité sur les constats que vous développez. Mais ce qu’on entend aujourd’hui dans ces quartiers, c’est la revendication d’un autre vieux dossier lui aussi : celui d’être relié directement à la gare centrale de Strasbourg…

Oui, je le sais. Mais ce secteur de la gare centrale est en train de considérablement s’élargir. Dans trois ou quatre ans, il y aura une continuité entre le Faubourg National et la gare. Quand les gens venus de l’ouest sortiront du tram à la station Faubourg National, ils seront à la gare. L’espace public sera aménagé en conséquence. Il n’y a que 250 mètres entre ces deux endroits. Ce sera d’ailleurs la même chose pour l’autre extension, celle du nord, pour les gens qui descendront à l’actuelle station Faubourg de Saverne et qui voudront se rendre ensuite à la gare. Tout cela suppose qu’on puisse arriver très vite à ce que les voitures ne puissent plus traverser la place de la gare, ce qui nous permettrait de complètement retravailler le secteur, des deux côtés. Une fois de plus, et c’est partout pareil en France et à l’étranger, le tram n’est pas seulement un mode de déplacement, c’est un puissant outil de réaménagement de l’espace public. À nous de le prouver : comment va-t-on réunir le quartier autour de l’axe tram qui va emprunter la route des Romains ? Les réhabilitations de logements étaient quasiment inexistantes, plus personne n’avait envie d’aller habiter là-bas. Le tram va jouer un rôle structurant dans cette zone, c’est certain…

Parlons de l’extension nord, vers Schiltigheim et Bischheim… Pour l’heure, la concertation publique sur les deux lignes vers le nord qui a été lancée et qui se termine fin septembre porte sur trois variantes à travers Schiltigheim et trois autres intramuros à Strasbourg. On n’a pas la place dans ces colonnes pour les détailler toutes, mais quels critères vont être prédominants pour ce choix ?

La première de ces deux lignes va donc relier Strasbourg à Schiltigheim et Bischheim. La seconde desservira le Wacken et les institutions européennes. Effectivement, trois tracés sont proposés à la concertation citoyenne pour chacune de ces deux lignes. Les détailler ici serait bien sûr très long et fastidieux, mais je renvoie chacun aux dossiers imprimés qui ont été distribués en masse et sur la consultation du site de l’Eurométropole. Là encore, enjeux de mobilité et enjeux d’aménagement urbain se mêlent étroitement. Nous avons pris en compte des constats irréfutables : par exemple, Bischheim plus Schiltigheim représentent une densité d’habitants plus importante qu’à Strasbourg. Avouez que tout le monde ne s’en rend pas bien compte. Ce secteur est donc une partie de l’agglomération qui aurait mérité d’avoir un réseau structurant depuis au moins aussi longtemps que Illkirch, au sud. Et son volet structurant est évident, avec la présence de nombreuses friches industrielles, entre autres exemples. Le but a donc été, là aussi, de décider très rapidement de cette extension. Elle sera réalisée et mise en service tout comme celle de l’ouest, en 2025… Un autre élément joue, concernant ces tracés : en 2023, l’actuelle gare SNCF de Bischheim-Schiltigheim va considérablement changer de nature avec la création du réseau express métropolitain. Du coup, ces aménagements majeurs vont redonner au nord de l’agglomération une vraie qualité de vie, avec le droit à une mobilité plus aisée et bien sûr en termes de qualité de l’air qui est un véritable enjeu de santé publique, actuellement, avec l’A35 qui traverse ces deux villes… J’ajoute qu’il serait relativement simple de prolonger la ligne G, celle du Bus à Haut Niveau de Service pour relier l’Espace Européen de l’Entreprise au futur tram Nord. Tout cela fait sens… de même que la profonde transformation de la place de Haguenau qui en découlera et aussi le fait que la ligne Nord et celle des institutions européennes ne se feront pas l’une sans tenir compte de l’autre : ce sont deux lignes au destin commun, deux lignes « jumelles », je dirais, car on est là en plein dans une autre notion plus qu’importante : celle de la cohérence globale du réseau… Une précision pour terminer : le tram représente le plus important investissement du mandat en cours, et ses extensions vont littéralement transformer une immense partie de l’agglomération de Strasbourg… »

« Un quartier, c’est le droit d’en partir et l’envie d’y rester »

© Marc Swierkowski
Alain Jund, vice-président de l’Eurométropole de Strasbourg, en charge des mobilités et des transports.