Anne Mistler « J’ai découvert avec un peu d’étonnement le fonctionnement d’une collectivité locale… »

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article paru dans Or Norme N°42, Cultures –

Un an après l’élection de la nouvelle équipe municipale strasbourgeoise, rencontre avec Anne Mistler, adjointe aux arts et aux cultures. L’occasion de parler, inévitablement, des dix-huit derniers mois marqués par les conséquences de la crise sanitaire de la Covid 19, mais aussi de se projeter, autant que faire se peut dans l’époque aussi instable et inédite que nous vivons…

En ce chaud début juillet, on recueille les confidences d’une Anne Mistler sur le point de rejoindre le festival d’Avignon et qui ne boude pas son plaisir en imaginant ses retrouvailles avec le rendez-vous annuel de la culture au pied des remparts de la cité des Papes vauclusienne. « Après les épreuves de ces longs derniers mois, je ne vais sûrement pas être la seule à déguster l’ambiance avignonnaise » dit- elle avec les yeux rieurs.

On a bien sûr très envie de l’entendre tirer le bilan de ces douze premiers mois à la tête du secteur de la culture strasbourgeoise. Et tout d’abord, elle qui a fait toute une carrière au sein de l’administration culturelle de l’État – prenant sa retraite après avoir été directrice de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) en Alsace –, a-t-elle été surprise par le quotidien de sa fonction ? « Oui, j’ai découvert avec un peu d’étonnement le fonctionnement d’une collectivité locale » avoue-t-elle sans problème. « Il faut sans cesse se battre pour bénéficier d’arbitrages favorables… » ajoute-t-elle immédiatement, sans trop en dire plus, avant d’enchaîner sur les derniers mois vécus sur fond d’interminable crise sanitaire.

« Ma plus grande fierté est que les collectivités locales et parmi elles la Ville de Strasbourg ont pu globalement relever les défis de cette crise, nombre d’artistes le disent eux-mêmes. Nous avons su immédiatement flécher nos aides vers ceux qui en avaient le plus besoin, les structures et artistes indépendants pour qui la crise a été bien plus terrible que pour les institutions municipales par nature bien plus protégées des aléas. Mais pour autant, nous avons bien mesuré à quel point l’absence de public et le gel impératif des programmations ont pu aussi gravement les affecter. En fait, avec Jeanne Barseghian, nous avons fait le tour des institutions et des structures indépendantes dès mars dernier et nous avons ainsi pu mesurer encore plus précisément la richesse culturelle de Strasbourg. Notre but était de rassurer les artistes, mais il est encore trop tôt, en ce début d’été, pour mesurer au cas par cas l’impact réel de ce que nous venons de vivre depuis le printemps 2020 » s’inquiète Anne Mistler. « En tout cas, nous les avons sentis tous très positifs, absolument déterminés à relever les défis inédits qui les attendent… »

Autre point vital, il a fallu rassurer sur le budget global de la culture au niveau municipal. « Nous l’avons fait très vite et ce budget a été clairement conforté » affirme l’adjointe strasbourgeoise. « Les moyens dont dispose la culture font de ce secteur de l’action municipale une véritable spécificité strasbourgeoise et au final, la culture est un marqueur essentiel pour Strasbourg, elle participe au rayonnement de la ville, à son attractivité. Il y a un foisonnement incroyable d’artistes, de structures, d’idées et d’initiatives… »

Les dossiers « sensibles »

Spontanément, Anne Mistler a accepté de se prêter à un tour d’horizon de quelques dossiers où la nouvelle équipe municipale se sait très attendue, comme l’Opéra pour lequel on disposera incessamment des résultats d’une énième étude visant à avoir la vision la plus précise de l’état du vénérable bâtiment de la place Broglie. « Je vous corrige tout de suite » réagit l’adjointe, « il ne s’agit pas du tout d’une énième étude de l’état des lieux comme vous le dites. Le cahier des charges que nous avons fixé dans le cadre du rapport que nous attendons au tout début septembre a prévu que cette étude détermine enfin une logique d’action pour les prochaines années. Pour cela, nous avons auditionné toutes les parties prenantes. Après la publication de ce rapport, et dans le cadre de ses préconisations, des groupes de travail vont faire émerger les actions concrètes à mener. Ce n’est qu’ensuite que se posera la décision ultime qui encadrera toutes les autres : rénover ou faire du neuf… »

Nous avons bien sûr essayé de sonder le sentiment personnel d’Anne Mistler sur cet épineux sujet. Peine perdue, l’adjointe aux arts et aux cultures ne se confiera sur ce sujet qu’à l’issue des résultats des groupes de travail qui devraient débuter leur mission dès le début de l’automne prochain.

Anne Mistler adjointe aux arts et et aux cultures à la municipalité de Strasbourg © Nicolas Roses

Sur le cas de ST-ART, la foire régionale d’art contemporain la plus ancienne de France (25 ans cette saison), Anne Mistler confirme avoir reçu au printemps dernier une « délégation » de galeristes strasbourgeois ayant exprimé par voie de presse un certain mécontentement sur le sort qui leur serait réservé par la gouvernance actuelle de Strasbourg Événements, désormais de la responsabilité du géant national du secteur, GL Events. « J’ai pu constater qu’il n’y avait pas vraiment d’unité de point de vue » dit Anne Mistler, d’autant que ce sont quelquefois des choix très anciens, bien antérieurs à l’arrivée de GL Events, qui agitent le petit monde des galeries strasbourgeoises. Anne Mistler fait ainsi allusion aux dates de l’événement, repositionné en novembre il y a déjà de longues années, ce qui a contribué à laisser beaucoup de place à Art Karlsruhe, l’ambitieux concurrent de ST-ART qui s’est ainsi emparé des dates ainsi laissées libres. « Mon rôle n’est pas de prendre parti » affirme l’adjointe « car nous sommes clairement dans le cadre d’une délégation de service public (DSP). Je me suis contentée de rappeler qu’il faut absolument préserver cette caractéristique de foire-tremplin qui est une très bonne chose pour les galeries locales et qu’il faut persévérer dans les actions communes comme le Galeries Tour qui a remporté un beau succès au début de l’été. Pourquoi ne pas envisager de le positionner en novembre, au moment du week- end de ST-ART ? » s’interroge-t-elle.

« La culture est un marqueur essentiel pour Strasbourg, elle participe au rayonnement de la ville. »

Au passage, Anne Mistler aura également rendu hommage aux Bibliothèques idéales, manifestation qu’elle considère positionnée « comme un véritable modèle, articulé autour du savoir-faire et de l’engagement d’un homme – François Wolfermann (Librairie Kléber), le programmateur au fantastique carnet d’adresses dans le monde de l’édition – et de la volonté publique de soutenir l’évènement – celle de la Ville de Strasbourg qui le finance entièrement. » Pour l’avenir, est-il envisageable que d’autres collectivités (Eurométropole – Collectivité Européenne d’Alsace – Région…) abondent au développement et à l’essor de cette manifestation emblématique ? Mutisme volontaire de l’adjointe sur ces questions.

Restant sur cette thématique du livre, Anne Mistler confirme que Strasbourg sera candidate au titre de capitale mondiale du livre, un label qui sera décerné en 2023 par l’UNESCO. « Cela a du sens » commente-t- elle « pour notre ville où la filière du livre a toujours été sur le devant de la scène, depuis Gutenberg… » ponctue-t-elle en souriant.

Une autre délégation de service public, concernant le cinéma municipal L’Odyssée, sera renouvelée au printemps prochain (lire à ce sujet, page 52, les propos de Daniel Cohen, le directeur et fondateur du Festival Européen du film fantastique de Strasbourg, qui pilotera une offre candidate pour les trois prochaines années). Anne Mistler se déclare « très concernée par tous les aspects d’éducation à l’image, partie intégrante de la gestion de l’Odyssée », mais bien sûr, n’en dira pour l’heure pas plus sur l’examen des candidatures relatives à cette DSP.

Enfin, l’adjointe aux arts et aux cultures souhaite que le mandat en cours puisse apporter des réponses sur des dossiers un peu « oubliés lors des dernières années » citant le Palais des Fêtes et le Théâtre de Hautepierre. « Ce n’est pas rien, il faut agir, tout reste à faire… » conclut-elle.

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