Christian Garcia « Fidèle depuis toujours à la principauté de Monaco »

Article publié dans le cadre du hors-série égast

Né en France de parents restaurateurs dans une brasserie monégasque puis élève du Lycée Hôtelier de Monaco, Christian Garcia est l’auteur d’une exceptionnelle carrière, d’autant qu’elle n’a connu qu’un seul lieu : le rocher de Monaco. Avec son splendide accent ensoleillé, l’actuel Chef des cuisines du palais princier nous parle de son destin tout à fait unique, au service du Prince Rainier puis de son fils, le Prince Albert depuis près de… quarante ans !

On ne cesse sans doute de vous le faire remarquer, mais il faut bien reconnaître que vous êtes l’auteur d’une carrière rare parmi les grands Chefs…

Oui, je le reconnais bien volontiers. J’ai tout d’abord été élève du Lycée Hôtelier de Monte-Carlo. À la sortie de ce lycée technique, j’ai en quelque sorte fait mes classes dans plusieurs établissements prestigieux de la Principauté. J’ai officié successivement au Monte- Carlo Beach, à l’Hôtel Hermitage puis à l’Hôtel de Paris, en 1982. Cinq ans plus tard, en 1987 donc, à l’âge de 23 ans, j’ai été sollicité pour pourvoir à un remplacement de sept mois dans les cuisines du Prince Rainier. À l’époque, je me souviens m’être simplement dit que c’était une belle opportunité de travailler dans le contexte sans égal du palais princier. Et voilà, ça s’est transformé en un bail qui, pour l’heure, court depuis trente sept ans…

C’est un parcours qui est unique, à coup sûr…

Oui, mais vous savez, c’est le message que je cherche à apporter aux jeunes, quand je les rencontre dans les différents salons ou dans les écoles hôtelières où je fais partie de jurys, parfois… J’essaie toujours de les convaincre que lorsque la chance se présente, il faut savoir prestement la saisir. C’est une des bases fondamentales de la vie : savoir saisir la bonne opportunité ! C’est ce que j’ai su faire en 1987, ce fut ma chance !

On raconte que lorsque vous avez rencontré pour la première fois le prince Rainier, qui régnait alors, vous étiez un peu pétrifié de crainte…

En tout cas, j’ai été envahi par une énorme émotion. J’étais tout jeune et vivement impressionné par la situation et bien sûr par cette rencontre. Immédiatement, ce grand homme a su me mettre à l’aise et ensuite, faire en sorte que je puisse m’épanouir dans mon travail. Je lui en ai été éternellement reconnaissant, ainsi qu’à l’ensemble de la famille princière qui m’ont permis de vivre cette carrière exceptionnelle, mais aussi de faire de très belles rencontres, beaucoup de présidents, de rois et de reines, mais aussi des gens comme Nelson Mandela, par exemple. À la fin du repas avec lui, le Prince Albert m’a invité à le saluer. ll m’a remercié tout simplement, mais j’étais très ému de rencontrer ce grand homme, c’était un honneur. Je me souviens aussi des yeux bleus et du regard perçant de la Reine Elizabeth au palais de Buckingham. Lors de ma rencontre avec elle, nous avons parlé gastronomie pendant une heure. Enfin, quel moment également quand j’attendais de rencontrer le Président Obama dans un salon de la Maison-Blanche ! C’est sa voix profonde qui nous est parvenue en premier, mais il a su tout de suite nous mettre à l’aise ensuite. Pour moi, ce sont autant de moments inoubliables…

Pour parler de votre art culinaire, y a-t-il des évolutions fondamentales entre la cuisine appréciée par le Prince Rainier, à vos débuts, et celle qu’aime aujourd’hui son fils, le Prince Albert ?

Il y a bien sûr une importante différence générationnelle. Le Prince Rainier appréciait une cuisine bourgeoise, comme on disait à l’époque, une cuisine très traditionnelle. Son fils, lui, est un fin gourmet, toujours adepte des nouvelles saveurs qu’on pourrait lui faire découvrir…

On peut imaginer que comme vous avez la chance d’officier dans un pays de cocagne, au bord de la Méditerranée, votre cuisine doit être très axée sur les bons produits gorgés de soleil qu’on rencontre dans les pays qui bordent la Grande Bleue…

Bien sûr, ma cuisine est résolument méditerranéenne, basée sur les produits que vous évoquez. Nous avons énormément de produits locaux à notre disposition, car la Principauté possède son propre potager, cultivé sur les hauteurs de Monaco. Bien sûr, sa culture est entièrement bio. Il n’y a absolument pas le moindre engrais chimique, seul le soleil intervient. Et on ne peut imaginer un circuit plus court : les produits, cueillis tôt le matin, parviennent dans l’heure qui suit à la cuisine où j’officie avec mes équipes… Travailler avec de tels produits exceptionnels est un véritable privilège.

Vous êtes aussi le président d’une association prestigieuse, Les Chefs des Chefs.

Je préside en effet le Club des Chefs des Chefs depuis 2007. Il s’agit en effet d’un club très exclusif puisque, pour en devenir membre, il faut être le Chef d’un Chef d’État et l’activité de ce club tourne autour d’un meeting annuel à chaque fois dans un pays différent, ce qui nous permet de découvrir une nouvelle gastronomie à chaque occasion. L’an passé, c’était le tour des États-Unis et nous avons connu le grand plaisir d’être invités à déjeuner à la Maison-Blanche. Un moment exceptionnel bien sûr, mais nous n’oublions jamais de mettre en avant une action caritative : nous sommes allés à Washington avec les bénévoles d’une association qui, tout au long de l’année, sert petits-déjeuners et repas à des gens qui sont dans le besoin. Notre Club des Chefs des Chefs est très engagé, tout au long de l’année, dans ce type d’actions… La devise du Club des Chefs des Chefs est explicite : « La politique divise les hommes, une bonne table les réunit. »

Vous serez donc présent à Strasbourg en tant que co-parrain du salon égast, en compagnie de Fabrice Desvignes, le chef des cuisines de l’Élysée. Nous lui avons demandé d’anticiper sur le message qu’il allait délivrer lors d’égast 2024. Nous vous posons donc la même question…

Je vous avoue bien sincèrement que je ne suis pas trop habitué à participer à des salons comme égast avec un tel rôle. Mais, outre le plaisir de revenir en Alsace, je suis ravi de pouvoir aller à la rencontre des entreprises et des gens en général, pour partager avec eux les valeurs de nos métiers, nos savoirs, nos expériences. J’adore me retrouver dans cette situation, j’adore raconter ma vie et j’aime raconter combien la vie et la carrière que j’ai traversées m’ont fait vivre tant de bons moments. Bien sûr, j’affectionne particulièrement les longs moments d’échange avec les jeunes qui souhaitent rencontrer les Chefs et discuter avec eux. C’est notre rôle à nous, les anciens, de transmettre à tout prix notre expérience et nos savoirs. Cette partie de transmission est une de missions parmi les plus importantes que nous nous devons d’assumer. Elle est au coeur de notre métier.
De plus, mais c’est pour l’anecdote, je suis d’autant plus heureux de me rendre en Alsace pour le salon égast que, très bientôt, le club des Alsaciens de Monaco a prévu de m’introniser à la Confrérie de l’Asperge. J’ai tant d’amis en Alsace dans notre métier : du directeur général de la Mamounia à Marrakech, Pierre Jochem, en passant par Pierre Hermé ou encore Marc Haeberlin, jusqu’à Olivier Nasti et ce merveilleux éleveur de fromages qu’est Bernard Antony, que j’apprécie particulièrement. En tout cas, ce sera un vrai plaisir pour moi de découvrir égast, un salon où je ne me suis jamais encore rendu, mais dont on me dit tant de bien, de partout