Déco, mode, bijoux… La slow fashion face à la crise
Différents sondages réalisés pendant et après le confinement révèlent une plus grande sensibilité des Français à ce qu’ils consomment et à ce qu’ils portent, malgré des prix souvent plus élevés. Cette crise sanitaire sera-t-elle finalement un coup de pouce pour la slow fashion (produire moins et mieux) ? Décryptage à Strasbourg.
Un petit top, un bijou, un objet déco conçus et créés à Strasbourg, ça en jette quand même plus qu’un tee-shirt avec une grosse étiquette « Made in China ». Encore plus quand on sait que le coton est bio, que l’or est garanti « Fairminded » – extrait dans le respect de l’environnement et de l’homme -, ou la teinture végétale.
Ces jolies marques made in Strasbourg, s’appellent Ville de cœur, Flore & Zéphyr et La Bîhe. Des marques imaginées par des trentenaires sensibles depuis des années au respect de l’environnement et du travailleur. Lorsque l’on sait que la filière textile est la deuxième la plus polluante au monde juste derrière l’industrie pétrolière, on se dit qu’il y a urgence à produire – et à consommer – différemment. Et visiblement, ce confinement a accentué cette réflexion des Français : une étude du Forum mondial des droits de l’Homme révèle que nous sommes 62% à souhaiter une meilleure information sur les conditions de production de nos vêtements.
Le goût de ralentir, les commandes qui s’envolent…
« Cette crise va accélérer la transition des personnes qui ont déjà une sensibilité, celles qui défendent les animaux, font un peu de yoga, mais s’accordent encore un petit craquage chez Zara, sourit Amaury, cofondateur avec Laura de Flore & Zéphyr, des bijoux en or équitable créés dans leur atelier strasbourgeois. Mais je garde un petit doute quand même pour ceux qui s’en fichent et dont le prix reste le critère d’achat numéro 1. »
Pendant le confinement, Amaury et Laura ont apprécié de ralentir le rythme effréné des entrepreneurs tout en mettant ce temps de pause à profit pour faire évoluer leur site. Résultat, le prestigieux Vogue UK les a contactés. « Depuis un an, nous avons aussi une communication plus dynamique et humanisée sur les réseaux. Nous mettons régulièrement la dimension équitable de la marque en avant, nous faisons participer notre communauté. Cela permet de rapprocher les gens de l’atelier », confie Amaury.
Et ça paye : ils n’ont jamais eu autant de commandes que lors des dix premiers jours du déconfinement. De même, « Ville de cœur », ex-Erasmooth – a doublé ses ventes durant le confinement. « Les gens vont acheter de manière plus responsable, estiment les créateurs Mathieu et Yann. Mais le gros problème du textile, cela reste le prix, peu sont prêts à mettre 45€ dans un tee-shirt, mais ils font plus attention à soutenir les acteurs locaux. »
Une nouvelle idée du « slow »
Sihem Dekhili, professeure en Sciences de Gestion au Laboratoire BETA de l’Université de Strasbourg, spécialiste de la slow fashion, considère aussi que cette crise « appelle à l’action des marques : les consommateurs ont besoin de les voir agir, au-delà de la communication. Parmi les valeurs qui émergent dans le lendemain de cette crise, c’est l’idée du « slow ». Le consommateur pour se rassurer va aussi se tourner vers ce qu’il trouve le plus rassurant, à savoir l’origine géographique. »
Si Roxane, créatrice de la marque de déco La Bîhe, s’inquiète tout de même pour 2020 avec l’annulation de tous les salons d’artisanat, elle pose un regard optimiste sur les années à venir. « Il y aura une belle évolution par rapport à l’artisanat et aux produits éco-responsables. Tout ce que l’on ressent pour l’alimentation, va s’ouvrir sur notre environnement, notamment la maison. »
Ce confinement a en effet décuplé le besoin de se sentir bien chez soi. Si deuxième confinement il devait y avoir, lire un bouquin calé sur l’un de ses coussins ou lové dans l’un de ses plaids aux motifs en teinture végétale grâce à la technique japonaise ancestrale le shibori, nous ferait presque rêver d’hiver – presque !
Autre effet du confinement, Ville de cœur, qui propose un atelier de fabrication de vêtements à Strasbourg, a déjà eu plusieurs demandes, « encore au stade de projet », pour lancer de nouvelles marques… Définitivement, la slow fashion devrait gagner du terrain.