Denis Naegelen, Christophe Schalk, Jérôme Fechter : les combatifs ! I IS 2021

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Sans Pierre-Hugues Herbert, en tournoi à Madrid, les actionnaires des Internationaux de Strasbourg nous ont consacré de leur temps précieux dans une course contre la montre à quelques semaines du tournoi. Malmenés encore une fois par la crise sanitaire, Denis Naegelen, Christophe Schalk et Jérôme Fechter font néanmoins preuve d’une combativité à toute épreuve dans un bel esprit d’équipe. Entretien.

Or Norme : Changement de dates à moins d’un mois du tournoi, jauge réduite à 1000 personnes, protocole sanitaire strict… Dans quel état d’esprit vous sentez-vous aujourd’hui ?

Denis Naegelen : « Combatifs ! »

Christophe Schalk : « Notre père spirituel, c’est Denis, alors s’il est combatif, nous le sommes aussi ! On a tous envie de se retrouver, même si c’est la pression. »

Jérôme Fechter : « Nous n’avons jamais été aussi sereins que depuis que l’on sait que l’on aura du public. Certes, notre jauge normale est de 5-6000 spectateurs. Là, nous sommes à 1000. Mais notre vraie crainte, c’était le huis-clos. » On connaît l’importance de l’aspect convivial et relationnel de l’événement. Auriez-vous maintenu le tournoi à huis-clos ? D.N. « Nous nous y étions engagés auprès de la WTA pour deux raisons. La première, c’est qu’il n’est pas acceptable pour le circuit d’avoir une semaine de calendrier vide pour les joueuses et les membres. La deuxième, c’est que la WTA a vendu des images télé à travers le monde entier. Ne pas en fournir les aurait mis en position délicate. Nous ne préférions cependant pas tenter l’expérience ! C’est pourquoi nous avons tenté de convaincre les autorités de la sécurité de notre site. Avec cette donne que nous ne maîtrisons pas : le nombre de cas COVID par jour. Le devoir de l’Agence régionale de santé (ARS), c’est la santé de tous, donc elle ne donne pas d’autorisation sans précaution. »

ON : Auriez-vous pu survivre à un huis-clos ?

J.F . « Non, un tournoi à huis-clos n’est pas tenable sans aides de l’ensemble des collectivités ou autres. A 1000, c’est la même chose, mais c’est déjà mieux. Nous devons réorganiser tous les espaces, avec une jauge limitée. C’est une période où nous avons besoin de mobiliser le soutien de tout le monde. »

ON :  Justement, avez-vous obtenu ces soutiens ?

D.N. « Pas tous. L’an dernier, tous nos partenaires institutionnels nous ont versé des aides COVID exceptionnelles. Cette année, les aides sont annulées ou réduites. Les autorités avaient lancé le plan COVID 2020 avec l’idée d’une sortie en 2021… En face, nous avons les mêmes charges avec une jauge inférieure… On va faire une quête ! »

Denis Naegelen, Directeur Général des IS

J.F. « Nous perdons de l’argent, mais il faut veiller à en perdre le moins possible. La grande majorité de nos partenaires privés nous suivent, c’est l’aspect gratifiant de voir la fidélité de nos partenaires, cette volonté qu’ils ont de nous aider. En revanche, beaucoup de ces entreprises sont en difficulté, et ne peuvent pas faire ce qu’elles aimeraient faire pour les IS. La situation est finalement plus complexe que l’an dernier. Jusqu’à la semaine dernière (le 29 avril, ndlr), nous étions incapables de dire quel format allait prendre le tournoi. Beaucoup de nos partenaires se sont préparés au huis-clos. Il y a beaucoup d’hospitalités dans le budget, il fallait faire preuve d’une certaine agilité pour trouver une solution pour communiquer différemment. Maintenant que nous sommes revenus avec une jauge, pour certains, c’est un peu tard. »

ON : Qui dit moins de public, dit aussi moins de visibilité pour vos partenaires. Avez-vous trouvé une solution pour augmenter la communication autour de l’événement ?

C.S. « Nous allons mettre en place la « Terrasse des #IS », un rendez-vous vidéo en cinq séquences qui raconteront l’histoire du tournoi, ses coulisses, son engagement éco-responsable, ses partenaires. Ce rendez-vous aura lieu chaque soir à 18h30 et sera retransmis sur tous les réseaux digitaux de nos partenaires médias – Or Norme, Top Music, Alsace 20, les DNA, We love tennis. Nous travaillons aussi à ce que nos partenaires publics les mettent sur leurs flux. Ce sera un bel exercice qui renverra la balle à tous nos partenaires. »

ON : Du 22 au 29 mai, les restaurants ne seront toujours pas autorisés à recevoir en intérieur. Comment allez-vous vous organiser pour la partie restauration et bar ?

J.F. « Dans la partie Village, nous allons ouvrir une très grande terrasse dotée d’une grande couverture pour abriter du soleil ou de la pluie. À partir de 17h30, l’équipe d’Harfang qui s’occupe de l’agencement du village VIP et de la signalétique modulera l’espace pour les afterworks à partir de 17h30. On sera alors dans un esprit plus lounge, mais comme l’an dernier, les hôtes devront s’installer à six maximum par table pour consommer leurs verres. Ceux debout devront porter leur masque. »

D.N. « Pour la partie restauration, nous sommes fidèles au traiteur Effervescence qui va s’adapter avec un nouveau cahier des charges nouveau, et deux services. Nous accueillerons moins de personnes avec plus de distance. »

J.F. « Nous accueillons aussi cette année une nouveauté dans la partie du public, à savoir PUR etc. C’est une société strasbourgeoise extrêmement engagée dans l’éco-responsabilité, dans le sourcing des produits, avec des produits de saison et une cuisine bio, équilibrée et variée. Le public pourra se restaurer sur sa terrasse ou sur celle de Chez Georges, restaurant du Tennis club de Strasbourg. En revanche, nous nous ne pourrons pas proposer la dégustation de champagne que nous devions faire avec le Théâtre du Vin et EPC Champagne, pour des raisons logistiques liées au COVID. Nous tablons donc sur 2022 pour cette nouveauté. »

ON : L’an dernier, il n’y a eu aucun cluster aux IS. Le protocole sanitaire sera-t-il maintenu à l’identique ?

D.N. « L’an dernier, nous avons fait 2500 à 3000 tests, car toutes les personnes qui voulaient une accréditation devaient être négatifs et devaient être re-testées cinq jours après. Ce process sera à nouveau mis en place. Nous avons enregistré 4 cas COVID, mais avant le début du tournoi, les personnes ont été isolées et n’ont pas reçu d’accréditation. Notre protocole a été salué. Sur le site, nous proposerons en plus cette année des autotests gratuits. Les six personnes qui voudront s’installer ensemble à table pourront se tester et avoir leurs résultats en 5 à 10 minutes. Mais cela sera sans obligation. Enfin, pour les joueuses, nous avons un protocole spécial et nous avons pour obligation de leur privatiser trois étages du Hilton où personne d’autre n’aura accès. »

Alizé Cornet s’était plaint de la proximité du public l’an dernier…

J.F. «A leur décharge, les joueuses jouaient en vase-clos, elles étaient isolées, nous étions le premier tournoi mondial avec du public. C’était du coup un monde nouveau pour elles de voir des gens, même en jauge très limitée. Elles étaient stressées et ont exprimé une crainte. Alizé le lendemain a reprécisé ses propos… »

Christophe Schalk, Dirigeant de Mediarun et Top Music

ON : Pourquoi ne pas avoir décalé le tournoi à septembre comme l’an dernier quand la situation sanitaire sera, espérons-le, encore plus favorable ?

D.N. « Dans l’histoire du calendrier, nous avons toujours eu lieu une semaine avant Roland-Garros, l’an dernier Roland-Garros a été déplacé en septembre, nous avons tout fait pour rester dans cette période. Cette année, Roland-Garros a été reporté d’une semaine, nous en avons fait de même pour rester collés à ce tournoi. »

C.S. « Dans l’histoire, les IS, c’est le printemps, le plaisir de moments partagés, au-delà de l’objectif sportif. Pour les amateurs de tennis, Roland-Garros, c’est la fête annuelle absolue, cela participe à l’image du moment. La décision a été prise avec la WTA, cela fait partie d’un tout. » On n’a vu aucune pratique sportive avec public depuis six mois. Côté tableaux, comment s’annonce cette édition ?

J.F. «Nous avons été le dernier tournoi mondial 2020 avec du public, nous serons le premier tournoi mondial de 2021 avec du public, et c’est une grande fierté ! Nous serons aussi le seul tournoi féminin au monde cette semaine, là, cela donne la garantie d’un tournoi d’exception. »

D.N. « Là où je dis que nous sommes combatifs, c’est que d’autres ont pris la décision de tout arrêter, alors que nous avons décidé de continuer. Nous aurons un tableau exceptionnel. Les joueuses ne pourront pas se poser de questions si elles préfèrent jouer à Rabat, Cologne ou Strasbourg ! »

Quelles sont les joueuses à suivre de près ?

D.N. « On aura donc Caroline Garcia, une grande fidèle et vainqueure des IS. Il y aura aussi la star mondiale en devenir Cori Gauff, 35e joueuse mondiale âgée de seulement 17 ans. Le monde du tennis lui prédit un avenir au plus haut niveau. Cette Américaine fait figure de successeure à Serena Williams. On annonce aussi la venue de Bianca Andreescu, 20 ans, numéro 6 mondial, gagnante de l’US OPEN. Je suis très heureux qu’elle vienne jouer aux IS. On parle moins d’une joueuse un peu moins forte, mais qui a quelques mois de moins aussi que Cori, c’est Leylah Fernandez. Ce plateau va montrer les plus grands espoirs du tennis mondial des deux années à venir. »

Les temps sont durs économiquement, mais vous tenez coûte que coûte à atteindre votre objectif « Zéro carbone » qui a également un coût. Qu’est-ce qui vous y pousse ?

D.N.« On s’est engagé il y a dix ans, et on commence à peine à être reconnu comme un événement exemplaire, plus encore à l’étranger où l’on identifie Strasbourg comme « Green event ». Pour moi, c’était assez spontané. Ce que l’on a fait est légitime et est devenu une préoccupation mondiale. C’est plutôt gratifiant, on était les premiers, et nous sommes copiés aujourd’hui ! »

J.F . «Ce qui nous motive, c’est d’être utile. Cela s’inscrit dans la quête de sens obligatoire pour un événement. Etre vertueux et le dire dans le process de production, c’est aussi donner l’exemple et donner envie de le suivre. Nous sommes tous Alsaciens, ce tournoi porte un message, il fait rayonner Strasbourg, en mettant en avant la partie sportive et ses valeurs intrinsèques. Nous sommes les héritiers de ces valeurs. » Vous avez racheté le tournoi en octobre 2019 avec Pierre-Hugues. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que vous n’êtes pas gâtés depuis.

ON : Regrettez-vous votre décision ?

C.S. « Aucun regret ! Je suis attaché à ce tournoi depuis longtemps. Denis est un combatif, si on a survécu à 2020 et 2021, il n’y a pas de raison que l’on ne soit plus là dans 15 ans. »

J.F. « On croyait que 2020 serait l’année du pire, on se rend compte que 2021 est encore pire. Mais c’est une aventure extraordinaire. On a dû tout repenser, reconcevoir, adapter, on a énormément appris. Humainement, on avait l’obligation de tenir, pour tous ceux qui bossent avec nous. C’est une énorme énergie qui se dégage. »

C.S. « Nous savons aussi que nous sommes désirés par le territoire dans lequel il se joue. On craignait le changement politique, mais cela se passe très bien. J’invite beaucoup de clients durant l’année, les deux manifs que l’on me demande le plus, ce sont les IS et ST-ART. C’est donc rassurant, ce tournoi n’est pas que l’envie de 3-4 personnes ! »

D.N. « J’ai toujours travaillé de manière indépendante, un peu seul aux manettes. Je me demandais au départ si ce ne serait pas compliqué de partager des décisions, des envies. Et bien pas du tout ! Nous vivons une belle expérience avec des associés compétents et complémentaires. »

Jérôme Fechter, co-directeur

ON : Qui fait quoi du coup ?

J.F. « Christophe s’occupe de la partie prospection, avec pour objectif d’amener de nouveaux clients, il apporte un regard différent, il gère aussi l’organisation du plateau télé, la partie media. Denis, c’est le directeur du tournoi, il gère et a un regard sur tout. C’est l’interlocuteur privilégié pour l’aspect sportif, n’oublions pas que c’était un très grand joueur de tennis, l’interlocuteur de la WTA, des collectivités. »

D.N. « Et Jérôme, c’est le grand coordinateur, celui qui manage les équipes, l’animation commerciale, celui qui gère les comptes aussi ! »

J.F. « N’oublions pas Pierre-Hugues, qui est notre influenceur, celui qui prêche la bonne parole sur les circuits. Et puis nous nous appuyons aussi sur une équipe de choc avec Madeline Jorant pour l’aspect logistique et Delphine Meyer pour la partie commerciale. »

Niveau finances, cela ira ? On vous reverra l’année prochaine ?

D.N : « L’important, c’est l’amour ! »

J.F. « L’amour peut coûter cher… »

C.S. « Mais il faut aller au bout de la commercialisation avec enthousiasme ! Le challenge, c’est de fédérer. Les comptes, nous les ferons après ! »

 

Photos : Nicolas Rosès, Chryslène Caillaud