D’une Bibliothèque Idéale aux Bibliothèques Idéales | Evénement
Depuis 2006, où Strasbourg voyait naître une nouvelle manifestation littéraire autour de la thématique de la Bibliothèque Idéale, jusqu’à cette prometteuse édition de septembre 2023 des Bibliothèques Idéales, ce festival devenu essentiel et marqueur principal de la rentrée culturelle, a su imposer sa différence, attirant ainsi toujours plus d’écrivains, et toujours plus de monde pour les écouter et les rencontrer. C’est à quelques semaines du festival, et quelques mois avant que Strasbourg ne devienne Capitale Mondiale du Livre pour une année, au cours d’un été pluvieux et studieux, que nous avons pu échanger avec son fondateur et directeur, François Wolfermann, passionné et passionnant.
Q uand on interroge le programmateur des Bibliothèques idéales sur les dix-sept ans de vie de « son » festival, ses yeux parlent autant que ses mots, pour évoquer l’évolution et les perspectives des « BI », comme beaucoup d’habitués, ainsi que l’équipe organisatrice qui entoure François, aiment à nommer la manifestation littéraire dont les Strasbourgeois sont si fiers.
En évoquant les débuts du festival, François se souvient notamment que tout avait commencé à la suite des « Conversations de Strasbourg », avec lesquelles était déjà vivante l’idée de faire exister la littérature dans des lieux atypiques, de la confronter à d’autres arts, en allant par exemple avec Dominique Fernandez commenter des tableaux du Caravage, ou encore, avec Régis Debray, découvrir l’horloge astronomique de la cathédrale.
Très vite a émergé l’envie d’échanger avec les écrivains autour de leur oeuvre, sans forcément être dans la promotion de leur actualité, mais en évoquant notamment leur bibliothèque idéale. « C’était parce que je trouvais que la bibliothèque idéale, c’était lié aux affinités. Qu’est-ce que c’est ta bibliothèque idéale ? Qu’est-ce que tu emmènerais comme livre sur une île déserte ? Quelles sont tes affinités électives ? Qui sont les gens qui partagent ta vie, tes lectures, qui sont les gens qui regardent dans la même direction artistique que toi ? » François a très vite ressenti ce besoin, non pas de proposer une énième foire aux livres, mais de faire grandir le festival en faisant grandir également les écrivains et ceux qui les écoutent et les rencontrent, pour de vrais échanges autour de la littérature.
Tout au long de l’année, désormais…
L’autre axe fort des BI, et qui contribue largement à l’âme du festival, c’est cette volonté d’avoir su habilement mêler tout ce qui tourne autour des mots, de la littérature à la philosophie, de la musique à la chanson, de la danse au théâtre… tous les arts peuvent se croiser pendant le festival et cela contribue bien sûr à en faire l’événement marquant de la rentrée culturelle strasbourgeoise.
Depuis début 2023, le festival a résolument pris une nouvelle envergure, à la fois en termes de statut, mais aussi de dimension. Ainsi, après avoir vécu pendant des années dans le giron exclusif de la Ville de Strasbourg qui assurait seule son financement, désormais, et suite à un Appel à Manifestation d’Intérêt, c’est un festival littéraire sous un tout nouveau format qui a été demandé à l’association Relatio qui a remporté le dossier.
Cette association, dont Maître Bernard Alexandre est le président, et dont François Wolfermann assure la direction, a ainsi, dès cette année, et après une session « classique » des BI en janvier, pu produire des événements baptisés Les détours des Bibliothèques Idéales. C’est sous ce format que les Strasbourgeois ont pu assister au Temps des féminismes en mars à la grande salle de l’Aubette, et à un week-end consacré à la question « Que peut guérir la littérature ? » organisé à la BNU, place de la République, courant juin.
Les Bibliothèques Idéales vont donc nous accompagner dorénavant tout au long de l’année, avec le festival proprement dit en septembre et des détours, qui ne manqueront pas de s’intéresser aussi à des thèmes d’actualité : « Le nouveau format de l’association permet d’aller chercher de nouveaux financements, publics ou privés, et donc d’être plus ambitieux, mais surtout il permet une grande souplesse de programmation et d’être très réactif si nécessaire, avec, comme toujours, le désir de montrer ce que la littérature peut apporter comme points de vue différents et éclairants aux grands sujets qui traversent notre société. »
Parmi les points importants que souhaite souligner François Wolfermann, quand on lui demande sur quels axes il souhaite travailler, il ne manque pas d’insister sur l’importance de l’implication des libraires indépendants, déjà initiée depuis quelques années, et qui contribuent déjà au festival avec de très belles propositions, comme ce sera encore le cas cette année, que ce soit lors du premier weekend au Parlement européen ou la semaine suivante à l’Aubette.
Le directeur des BI insiste également sur l’importance de la collaboration avec les différentes institutions de la ville, et se félicite justement du partenariat grandissant avec le Parlement Européen, comme il le sera prochainement avec la CEA et la Région Grand Est, mais aussi avec l’Opéra, l’OPS, les Musées de Strasbourg, Arte et bien d’autres organismes publics ou privés.
Un élément majeur semble également consister dans le partenariat fort avec les médiathèques de l’Eurométropole, et une forte volonté d’aller s’impliquer dans la vie des différents quartiers, en initiant notamment des actions avec les collèges, les lycées et les centres socioculturels. La littérature se doit d’être accessible au plus grand nombre et les Bibliothèques Idéales se font fort de remplir également cette mission.
Un Village des BI
Pour cette édition de septembre, après un premier week-end au Parlement européen, François se réjouit également d’aborder un vrai virage d’un point de vue de la convivialité et d’aller progressivement vers un Village des BI, une sorte de « cité idéale » où l’on pourra se retrouver pour boire un verre, faire dédicacer ses livres ou tout simplement échanger avec les écrivains comme avec les autres festivaliers. Ce sera pendant toute la semaine à l’Aubette, place Kléber, où la manifestation prendra ses quartiers, non seulement dans la grande salle, mais également dans les salles muséales et le ciné-bal, avec la bienveillance des Musées de Strasbourg.
Évidemment, on ne pouvait se quitter sans évoquer le label Strasbourg, Capitale Mondiale du Livre qui, d’avril 2024 à avril 2025, mobilisera tout particulièrement les BI et son équipe. Sans révéler le contenu de tous les événements auxquels l’association Relatio prendra part, aux côtés de Lire notre Monde, la mission du service culture de la ville, qui gère le label et sa programmation, François évoque cependant des créations littéraires et musicales spécifiques, une grande lecture qui sera un moment fort de la semaine d’ouverture, et des grands concerts littéraires, avec une ouverture marquée vers l’Europe et le reste du monde, comme la manifestation y incite par essence.
Alors, avant Strasbourg Capitale Mondiale du Livre, avant les Bibliothèques Idéales qui débutent ces jours-ci, François Wolfermann s’enthousiasme, et nous avec lui : « C’est le livre et la littérature qui souvent précèdent ou qui annoncent ce qui va se passer. C’est Barjavel avec le monde qui brûle… On y est. Celui qui ne s’intéresse pas à la littérature, qui ne lit pas, rate quelque chose par rapport à la vie même parce que la littérature nous dit quelque chose sur notre vie à tous, et sur notre vie intime… sur la vie. Et c’est ça, c’est ça les BI ! On y trouve des clés pour comprendre les choses de l’existence et puis aussi, à un moment, on est assis simplement devant un spectacle, et puis on entend des textes, mis en musique… comme ce qui va se passer cette année avec les soirées autour de Christophe ou de Mouloudji… Ce seront des soirées énormes où tout à coup, la littérature sera magnifiée par les arts, voilà c’est ça les BI ! »