Fondeur de cloche : autant d’âmes qui résonnent… à toute volée
À toute volée, les cloches des églises chantent leurs bénédictions, leurs joies et leurs tristesses. Issues d’un savoir-faire séculaire, elles naissent artisanalement dans le sable avant d’être baptisées, puis bénies. Dans un pays extrêmement structuré autour des études, il n’existe néanmoins pas de formation initiale spécifique pour le métier de fondeur de cloche. Forgeron, potier, sculpteur, ébéniste, serrurier, mécanicien, électricien… Tous contribuent à façonner l’énergie de nos clochers. Parfois compagnons du devoir, ils fricotent aussi avec l’alpinisme urbain. Les gestes sont précis, répétés, artistiques…
Au sein du quartier Strasbourg Koenigshoffen, l’agitation commerciale de la route des Romains accueille un lieu qui semble figé dans le temps. C’est que derrière les portes de l’atelier, quelques ouvriers perpétuent la tradition campanaire – en d’autres mots, la tradition des cloches. Aujourd’hui, seules trois fonderies françaises poursuivent cette noble quête.
Tout en cheminant dans l’atelier, le gérant de la Société André Voegelé, Julien Calcatera, présente les étapes de fabrication avec une douce sérénité. À chaque cloche correspond une note, déterminée par différentes proportions. Issue de bronze – un méticuleux assemblage de cuivre et d’étain – chaque cloche est initialement composée de trois moules façonnés à la main. Ces derniers s’empilent sans se coller. La partie centrale est ensuite retirée – dévoilant une empreinte creuse – puis la matrice finale est enfouie dans une fosse de sable en amont de la coulée. Entre la fabrication du moule et le fébrile moment où la matière entre en fusion, une petite saison peut défiler.
La Zehnerglock et dix-neuf autres…
À quelque trois kilomètres de l’atelier, la Cathédrale éveille l’une de ses voix toutes les demi-heures. Particulièrement attachée à cet édifice, l’entreprise strasbourgeoise est fière d’assurer de temps à autre l’entretien de ses puissantes élocutions. Cette étape est importante pour la stabilité, la sécurité, et le respect du patrimoine. C’est qu’elles ont quelque chose d’intemporel, les cloches. Depuis leur beffroi, elles peuvent crier leurs cinq cents bougies avec l’énergie du premier jour. N’en demandez pas tant aux autres objets utilisés quotidiennement. Pour fêter ses mille ans, la Grande Dame accueillait en 2014 quatre nouvelles cloches – elle portait alors son nombre de 16 à 20 – coulées par l’atelier-fonderie Voegelé. La consécration du projet, déroulé sur plusieurs mois et encadré par le campanologue de l’archevêché, fut un moment de grande émotion. Les nouvelles arrivantes furent installées dans la tour Klotz, aussi appelée tour octogonale. Elles accompagnent notamment les baptêmes, mariages et décès des paroissiens. Parmi la famille de bronze qui surplombe la place, on entend la populaire Zehnerglock (fonderie Matthieu Edel), qui perpétue une coutume strasbourgeoise depuis 1786. Le tintement de 22h encourageait, entre autres, à couvrir le feu afin d’éviter les risques d’incendie.
Pour le plaisir de l’ouïe, prenez le temps d’écouter l’identité sonore des clochers environnants. Quasimodo affirmerait qu’« aujourd’hui est un bon jour pour essayer » (Le Bossu de Notre-Dame). La régression des offices et des cultes affaiblit la compréhension de ce moyen de communication de masse. Malgré cela, leurs tonalités sont toutes autant d’âmes qui résonnent. Entre le temps liturgique et civil, la société Voegelé continue donc à faire carillonner nos clochers. Et leur glas