Gamal Babouri, le semeur de livres

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Beaucoup se souviennent de Gamal Babouri, qui a dirigé durant plus d’un quart de siècle la remarquable librairie d’occasion Au coin littéraire, quai Saint-Jean, qui existe toujours vaillamment !

Gamal venait de Cronenbourg, connaissait peu la ville, encore moins les livres. Il les a découverts tardivement par Le voyage au centre de la Terre de Jules Verne où par ses connaissances, il a collé sa prof sur un détail ! Il a beaucoup voyagé, aime marcher et couper du bois, mais ses grandes passions sont les livres et les gens.

Depuis une demi-douzaine d’années, par amour de la liberté et pour alléger un quotidien devenu lourd, il est bouquiniste, un métier complémentaire de celui de libraire sauf que les ouvrages sont plus anciens. Il officie les mardi, jeudi et samedi, place Kleber où il vend essentiellement des livres d’art très choisis, des livres illustrés et d’autres épuisés. Les fidèles et bien des nouveaux visages se penchent sur son stand, à la recherche d’un cadeau, d’un livre rare ou d’une découverte ou d’une discussion.

À l’écouter, on se dit qu’il aime autant donner que recevoir : « j’aime autant les livres que les gens ». L’équilibre est parfois précaire entre l’achat et la vente plus tardive, le stock à renouveler pour ne pas lasser, les demandes pointues à satisfaire, mais il reste extrêmement attentif dans ses nombreuses lectures à ce qu’il appelle « l’écho d’un livre » en lui. Cet écho, on peut aussi l’appeler transmission, puisque grâce à lui et à ses collègues tous très engagés à travailler de façon qualitative sur ce Marché de Livre – dont on espère qu’il aura sa place développée à Strasbourg Capitale Européenne du Livre en 2024 –, toute une tradition d’échanges continue d’avoir lieu, malgré les écrans, les jeux vidéos et autres laveurs de cerveau.

Il arrive que Gamal aille dans des maisons où l’on vend la bibliothèque d’une personne disparue. Il faut, là, avoir du tact jusque dans le geste de manipuler les livres, me raconte-t-il avec une émotion qui est contagieuse. Son regard et ses mots aident alors à passer le seuil, les livres vont continuer de vivre.

C’est un métier fragile, au marché fluctuant où l’adaptation et la recherche sont constamment nécessaires. Mais Gamal aime cet aspect des choses, travailler selon son humeur et le désir de ses clients. Cet homme auquel l’école a tout apporté aime à penser avec Françoise Dolto qu’il cite plusieurs fois : « tout est déjà là », il suffit de semer.

Il aime aussi à citer Jules Renard : « Quand je vois le nombre de livres qui me restent à lire, je sais que je vais être heureux ».

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