Guillaume Gomez « Nos métiers ont d’énormes efforts à faire pour parvenir à faire changer la donne… »

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Il aurait dû être un des parrains de l’édition 2020 d’égast, reportée puis annulée alors que la brutale pandémie du Covid déferlait sur l’Europe et la France. Nous l’avions alors rencontré à deux pas de ses cuisines de l’Élysée lors d’un entretien d’une heure arraché à la hussarde parmi toutes les obligations qui incombaient alors au chef surbooké qu’il était. Deux ans plus tard, Guillaume Gomez sera (avec Marc Haeberlin) un des deux parrains de cette édition d’égast 2022. Mais son statut a changé…

Il n’est pas inutile de rappeler dans ce magazine spécial égast 2022 ce que le chef des cuisines du palais présidentiel qu’il était alors disait sur le salon égast il y a deux ans : « J’ai eu la chance de découvrir égast en mars 1998 puisque j’y ai participé à la finale du Concours national du jeune Chef ; j’avais plein de raisons d’être impressionné : c’était ma première grande rencontre avec le Chef Émile Jung qui présidait le jury du concours et qui, ensuite, m’a pris en amitié. Sa disparition récente m’a bouleversé, évidemment. J’ai eu la chance de débuter par cette victoire et j’ai eu immédiatement une forte appétence pour les concours en général qui m’ont permis de découvrir des univers bien différents. En remportant ce concours lors du salon égast 1998, le parisien d’origine que je suis a également découvert l’Alsace lors d’un long week-end à Strasbourg qui faisait partie des récompenses pour le vainqueur. Je n’ai pas oublié le dîner à la maison Kammerzell, le déjeuner dans une winstub et, bien sûr, mon premier repas chez un triple étoilé Michelin, bien sûr chez Émile Jung, au Crocodile. Alors oui, égast a pour moi une saveur bien particulière : si je n’avais pas gagné ce concours, je n’aurais peut-être pas eu la carrière qui est la mienne aujourd’hui, je le reconnais volontiers… » Dans le long entretien alors publié dans l’édition 2020 de notre magazine, Guillaume Gomez parlait longuement de son parcours et surtout de son poste au Palais de l’Élysée, de sa « grande liberté de création » et de la diversité de son inspiration : « on est en permanence sur une cuisine de saison et on se doit d’être la vitrine de tous les terroirs français ». Enfin, Guillaume Gomez répondait ainsi à une de nos questions qui l’incitait à se projeter et à imaginer où il serait dans dix ans : « Aujourd’hui, je n’ai pas de frustration et je ne suis ni en attente ni en demande de quoi que ce soit. Ce qui n’empêchera pas, lors d’une rencontre, demain ou un autre jour, que se déclenche le désir de vivre une autre aventure (…) Mes prédécesseurs ici avaient quarante ans de maison quand ils ont quitté l’Élysée. J’en suis à vingt trois ans : je ne sais pas quoi vous dire si ce n’est qu’on en reparlera… » Un rire franc avait alors ponctué cette réponse…

 

Changement de casaque

Deux ans plus tard, Guillaume Gomez n’est plus le chef des cuisines du palais présidentiel. « J’ai souhaité partir » nous confie-t-il. « Finalement, ces vingt cinq ans passés au service des présidents de la République ont fini par me paraître un long bail et je me suis senti arrivé au bout de mon histoire personnelle. Le président m’a alors proposé de devenir son représentant personnel en matière de gastronomie. Mon rôle est donc de représenter le président auprès des acteurs et des réseaux de la gastronomie et de l’alimentation, afin de promouvoir les arts culinaires de la France. Je dépends du ministère des Affaires étrangères et une part importante de ma mission va coïncider avec l’organisation prochaine de très grands événements mondiaux en France comme la Coupe du monde de rugby en 2023 ou les Jeux Olympiques de 2024. » Quand on lui fait remarquer que cette mis si on va lui faire jouer un rôle très politique, Guillaume Gomez n’élude pas : « Mais consommer est un acte politique, non ? L’alimentation est au cœur des débats de la société d’aujourd’hui : le choix des produits, des accompagnements… La chaîne irremplaçable de tous les acteurs du monde de l’alimentation, l’excellence à la française dans nos grands restaurants, mais aussi dans les restaurants du quotidien, rien ne me laisse indifférent… »

Les choses changent en profondeur

Deux ans après l’irruption du virus sur la scène mondiale, Guillaume Gomez parle toujours avec passion des professionnels de la restauration, sa famille : « Ils viennent de passer des moments extrêmement durs, mais je sais qu’ils ont énormément changé : ils ont appris la résilience et se sont lancés dans un cycle de créativité incroyable en réfléchissant considérablement à leur métier, à leur façon de manager. D’ailleurs, cette réflexion est loin d’être terminée. Elle débouche sur de grands changements, on le voit bien quand il leur faut traiter le phénomène des pertes en matière de personnels. Cette réflexion avait été entamée bien avant la pandémie, mais elle débouche aujourd’hui sur une remise en question et une réalité incontournable : nos métiers ont d’énormes efforts à faire pour parvenir à faire changer la donne. À ma modeste place, je veux contribuer à ce débat-là, aux côtés des ministres concernés et l’UMIH au niveau national. Tout passera par un meilleur respect des personnels et la profession va devoir se prendre en main. L’immense majorité des chefs de ce pays, avec humilité, n’ont pas attendu cette période pour se préoccuper de ces aspects, mais nous savons tous aussi qu’une petite minorité entache encore notre profession sur le plan du bien-être au travail de nos personnels. Il faut que chacun de nous intègre les attentes des jeunes d’aujourd’hui : elles ne sont plus les mêmes que celles de leurs prédécesseurs, c’est un constat et un fait qui constituent des réalités auxquelles on se doit tous de se confronter. Je peux en témoigner facilement : beaucoup de mes collègues, étoilés ou non, m’interpellent dans ce sens. Ils ont tous conscience de la nécessité de changer certaines choses et ces deux dernières années ont largement pesé en faveur de cette prise de conscience. Provoquer et contribuer à animer ce débat-là fait partie de ma mission… » conclut Guillaume Gomez qui a bien l’intention de poursuivre sa réflexion sur ces sujets essentiels lors de sa venue sur le salon égast 2022 dont il est, avec Marc Haeberlin, le co-parrain.

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