Happy Apocalypse, une catharsis très énergetique de nos peurs
Tout change, tout tangue, tout inquiète. Que deviennent nos idéaux à l’heure du transhumanisme, de la course au progrès technologique, du réchauffement climatique etc. ? Avons-nous encore le droit à la fragilité ?
Nul ne sait de quoi l’avenir sera fait et le spectacle Happy Apocalypse programmé le 7 février au Point d’eau d’Ostwald ne prétend pas donner de mode d’emploi.
« Il y a une voie à trouver, ce n’est pas à nous – artistes – de la définir, mais nous pouvons dire qu’il faut chercher », précise Jean-Christophe Dollé, auteur du texte de cette dystopie théâtrale.
« Il s’agit d’un conte aux allures scientifiques », ajoute Clotilde Morgiève qui en signe la mise en scène avec Jean-Christophe.
UNE HUMANITÉ EN MUTATION
Rencontrés en septembre, durant une semaine de résidence pré-création au Point d’eau, Clotilde et Jean-Christophe évoquent un conte « très énergique », « psychédélique dans la forme et teinté de musique pop rock électro ».
Trois musiciens seront sur scène pour accompagner cinq comédiens interprétant onze personnages et, par le biais de masques, quelques animaux. Se croiseront en plateau, une généticienne écrasante de savoir soudain prise de hoquet, sa fille, une jeune femme hybride née au croisement de sa mère avec un… varan de Komodo, mais qui finira par assumer sa différence, un astrophysicien en fauteuil roulant s’exprimant par une voix artificielle – toute référence à Stephen Hawking est assumée – un homme papillon empreint de fragilité, une performeuse nihiliste avalée par sa dernière oeuvre ainsi que tout un tas de personnages hybrides dessinant une humanité en mutation au coeur d’un cosmos qui dicte ses lois encore méconnues. L’univers est-il toujours en expansion ou a-t-il commencé à se rétracter en nous affectant d’ores et déjà ? Les scientifiques s’interrogent…
Quant aux animaux, ils soulèvent la question de l’esclavage moderne auquel les soumet la recherche scientifique.
RIEN DE PLOMBANT, BEAUCOUP DE DRÔLERIE
Mêlant les changements sociétaux, les mutations de l’humanité et de la transhumanité ainsi que les lois astrophysiques, le propos d’Happy Apocalypse semble vertigineux, voire même angoissant.
« Il n’a rien de plombant », certifient cependant Jean-Christophe et Clotilde co-créateurs de la compagnie F.O.U.I.C, nominée deux fois aux Molières 2024 pour un précédent spectacle, Allosaurus. « Beaucoup de drôlerie », promettent-ils en insistant sur « l’esthétique un peu cinématographique, la construction en live d’une oeuvre d’art, la musique et le décor déstructuré à la manière des peintres cubistes, clin d’oeil à la relativité chère à Einstein. »
MONTRER LE MONSTRE POUR EXTÉRIORISER L’ANGOISSE
Fondamentalement, Happy Apocalypse questionne la question du monstre disentils, c’est-à-dire de ce qui, dans l’humain, n’est plus humain. « Montrer le monstre est un mal nécessaire pour se mettre à penser, faire émerger la lumière après avoir regardé en face l’étrange et l’inquiétant. Extérioriser l’angoisse sans se laisser déborder et même en s’en moquant. Prendre la peur à bras le corps et l’embrasser sur la bouche », est-il écrit dans la note d’intention.
« La pièce porte aussi une confiance en l’intelligence collective » ajoute Gérald Mayer, directeur du Point d’eau. « Un directeur très impliqué qui nous a accompagnés au PréO d’Oberhausbergen et qui continue à le faire à Ostwald », souligne Jean-Christophe.
Les lie le questionnement commun d’une société qui semble parfois perdre le lien entre bonheur et progrès, une confiance en la fragilité vue comme lieu de résistance, de nombreux spectacles vus ensemble, de savantes lectures partagées… Et de « très très » longues discussions téléphoniques autour du théâtre comme lieu de catharsis et « immense machine à sublimer le tragique de l’existence »