La collection Pinault – Un tout nouveau et magnifique musée à Paris

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 Article paru dans ORNORME n°43, SPLENDEURS –

Covid ou pas, Paris est une fête quand il s’agit d’art, vous dit-on depuis les premières pages de ce numéro de décembre 2021. Une preuve de plus : l’inauguration au début de l’automne dernier de la Bourse du Commerce, devenue le site parisien de la collection du milliardaire François Pinault. On est allé voir et on vous le confirme, on a vécu un moment rare : celui de la découverte d’un tout nouvel écrin, magnifiquement pensé et conçu, doublée de celle de sa toute première exposition, simplement nommée Ouverture, qui présente plus de deux cents œuvres d’une trentaine d’artistes. De quoi passer deux ou trois heures délicieuses…

Une aussi longue attente… Les amateurs d’art contemporain se souviennent encore des pitoyables vicissitudes qui, il y un peu près de vingt ans, avaient empêché la construction de la Fondation Pinault sur l’Île Seguin, une immense friche industrielle désertée par la Régie Renault. Une pathétique conjuration des médiocres avait fini par provoquer le renoncement de Pinault, après plus de cinq ans de tergiversations et d’incessantes salves de scuds venues de toutes parts : aux manettes, des politiques « locaux » (le sénateur maire de Boulogne-Billancourt, Jean-Pierre Fourcade, s’étant alors tristement illustré en faisant tout pour retarder le projet) et les plus éminents spécialistes de la tambouille politique nationale (le milliardaire n’avait jamais caché sa longue et riche amitié avec Jacques Chirac, alors président de la République).

De guerre lasse, François Pinault avait ensuite, en 2005, acheté et aménagé le Palazzo Grassi puis, quatre ans plus tard, la Punta della Dogana à Venise, deux sites où il présentait, depuis, son immense collection privée : pas moins de 19 expositions y ont été organisées ces quinze dernières années, attirant artistes, collectionneurs et visiteurs venus du monde entier. Voilà ce dont Paris a été privé depuis vingt ans à cause de quelques médiocres acteurs du théâtre d’ombres de la politique nationale…

Un écrin précieux…

Pour autant, François Pinault n’a jamais renoncé à être présent dans la capitale. La récente inauguration de la magnifique Bourse du Commerce, un peu plus de cinq ans après que la Ville de Paris ait pu réaliser l’acquisition du site puis confier sa gestion à une filiale de la Financière Pinault, est là pour prouver que l’homme a de la suite dans les idées…

Un mot sur le chantier, d’abord. L’architecte japonais Tadao Ando avait déjà été pressenti par François Pinault pour bâtir le musée de l’Île Seguin. Depuis, il a complètement restructuré les deux sites vénitiens du milliardaire et s’est attaqué il y a cinq ans à la rénovation de la Bourse du Commerce.

En soi, la seule vision des prouesses architecturales qui ont métamorphosé le vénérable site niché au cœur du premier arrondissement parisien vaut votre visite. À l’exact aplomb de la superbe verrière de 1813 qui constitue le plus beau puits de lumière naturelle qui soit, Tadao Ando a imaginé un gigantesque anneau de béton brut de 29 mètres de diamètre sur 9 mètres de haut, dont l’une des vertus est de permettre au regard de s’envoler vers l’incroyable verrière qui surplombe les espaces d’exposition…

Ce cylindre de béton permet d’accéder aux trois niveaux d’expositions, tous ouverts sur ce gigantesque espace central. Durant la visite, à chaque palier, on est sans cesse happé par la vision de cet espace et, peu à peu, on s’imprègne de la géographie des œuvres magistrales qui l’occupent, rendant ainsi palpables les paroles de Tadao Ando qui, présentant son projet en 2017, disait : « Mon intention est de faire s’enchaîner avec force des séquences d’espaces très variés découlant de la combinaison de la rotonde et du cylindre. L’espace existant et le nouveau créent un lieu plein de vie, apte à porter la bannière de la culture urbaine des générations à venir… » L’architecture est un art, pour qui en douterait encore…

© Studio Bouroullec – Marc Domage
Les 29 mètres de diamètre du gigantesque cylindre
de béton à l’aplomb de la majestueuse verrière de 1853. Une prouesse architecturale !

Une première expo qui va marquer…

Et puis bien sûr, il y a donc Ouverture, la toute première des expositions de la Pinault Collection.

Tout de suite, le regard est littéralement magnétisé par L’Enlèvement des Sabines d’Urs Fischer, une réplique en cire de l’ensemble de Giambologna, le sculpteur italien du XVIe siècle. Urs Fischer, cet artiste suisse qui vit et travaille aux États-Unis, est surnommé « le sculpteur phénoménal ». Il reproduit chez Pinault à Paris son coup de génie déjà remarqué à la Biennale de Venise en 2011 : sa sculpture de plus de 6,50 m de haut est en fait une gigantesque bougie dont les mèches fichées dans les différentes sculptures superposées ont été allumées le jour de l’inauguration et qui se consument depuis en combustion lente au beau milieu de l’espace central de la Bourse du Commerce. Le catalogue explique que « ce qui était le fruit d’un travail minutieux et précis est gagné par le hasard et l’entropie. Ce qui était formel devient informe. Le temps de l’exposition coïncide avec la fonte des bougies, de leur métamorphose, dans un saisissant processus de destruction créatrice. » On peut ne pas être fan des arguties un peu pompeuses et alambiquées souvent développées pour « expliquer » l’art aux prétendus béotiens, là, ces mots sonnent parfaitement juste…

Le reste de l’exposition enchaîne les belles surprises, comme ces vingt-quatre vitrines tout au long de la rotonde qui accueillent les objets du quotidien et les œuvres de Bertrand Lavier ou encore cette galerie où le New-Yorkais David Hammons expose ses objets surprenants nés du minutieux assemblage de matériaux de récupération.

Au deuxième étage, les peintures et les sculptures de pas moins de treize artistes se répondent dans trois galeries en enfilade, magie de l’aménagement des espaces baignés de lumière de ce musée surprenant. On y remarque tout particulièrement les peintures de l’à peine trentenaire Claire Tabouret et ses personnages qui vous fixent et capturent votre regard…

Depuis notre visite à la mi-octobre dernier, deux sections de l’exposition ont déjà été renouvelées (on y admire depuis le début décembre les photos du photographe japonais Nobuyoshi Araki et l’installation vidéo du Canadien Stan Douglas). Ce début de roulement confirme ainsi que, peu à peu, nous découvrirons l’essentiel des 10 000 œuvres (c’est un nombre non officiel qui circule, mais qui n’a jamais été démenti…) de la collection de François Pinault.

Voilà. En plein cœur de Paris (on est à deux pas des Halles), c’est une vraie rencontre avec l’art que vous propose la Bourse de Commerce – Pinault Collection qui vient de faire son apparition majestueuse dans la galaxie des grands musées parisiens.

© Studio Bouroullec – Marc Domage
L’Enlèvement des Sabines, Urs Fisher

 

© Studio Bouroullec – Marc Domage

 

© Studio Bouroullec – Marc Domage

 

BOURSE DE COMMERCE PINAULT COLLECTION

2, rue de Viarmes 75001 Paris

Accès :

Métro Les Halles (Ligne 4) ou RER A
Station Châtelet-Les Halles

Du lundi au dimanche de 11h à 19h – Fermeture le mardi.

Nocturne le vendredi jusqu’à 21h. Le premier samedi du mois, nocturne gratuite de 17h à 21h.

Ouvert le 24 décembre
et le 31 décembre jusqu’à 17h, le 25 décembre jusqu’à 19h,
le 1er janvier jusqu’à 21h.

En raison de la situation sanitaire, la réservation est obligatoire en ligne ou sur place.

Un billet unique pour toutes les expositions.

Tarifs :

Plein tarif : 14 € Tarif réduit : 10 €

La présentation d’un pass sanitaire est obligatoire pour accéder au musée.

Contact :

01 55 04 60 60

Site internet

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