« La start-up industrielle devient un vrai sujet…. l’accompagnement des grands groupes industriels aussi »

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 Article publié dans « Quest for industry », numéro hors-série d’Or Norme paru à la mi-juin 2023.
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Stéphane Chauffriat, directeur de Quest for change et Jeanne Forget, vice-présidente du groupe Hager, en charge de l’innovation, deux interlocuteurs en discussion – très libre – sur les passionnantes thématiques de l’innovation. Au centre de leur dialogue, la start-up industrielle et les grands groupes, au coeur des promesses du plan France 2030…

Questionnée directement par Stéphane Chauffriat sur le potentiel important d’innovation existant au sein des sociétés industrielles du Grand Est et leur volonté de l’exploiter, Jeanne Forget précise que le but d’une société comme Hager est « d’être en permanence à la recherche de nouvelles tendances et de nouvelles technologies. Tout s’accélère, aujourd’hui, les défis technologiques sont de plus en plus pointus. Dans ce contexte, travailler avec des start-up nous permet tout d’abord de pouvoir anticiper, en voyant “deux ou trois cycles de produits plus loin” en quelque sorte. Comme Hager le pratique déjà, nous accompagnons des projets et nous pouvons le faire soit en incubation interne soit en incubation externe. Nous le faisons au niveau des méthodes ou du mindset de l’entrepreneuriat. On est dans l’accélération des idées qui se fait en dehors de notre coeur de métier et des méthodes d’innovation plus traditionnelles, je dirais ».

« Au sujet de la problématique des méthodes que vous évoquez » poursuit Stéphane Chauffriat, « on constate que l’open innovation est presque devenu un mot-valise aujourd’hui. Mais si le savoir-faire technologique est incontestablement dans les sociétés industrielles comme celle que vous représentez, pensez- vous que vous devez impérativement aller rechercher à l’extérieur ce fameux mindset dont vous parlez ? »

« Je pense qu’en testant sans cesse toutes sortes d’idées, cela nous permet d’essayer de comprendre plus tôt les problématiques de nos clients. » répond Jeanne Forget. Ces méthodes existent dans l’entreprise, bien sûr, mais ce travail collaboratif avec des start-up qui ont beaucoup plus l’habitude que nous de cette rapidité nous permet de retransférer plus rapidement ces apports dans l’entreprise. Et cette synergie nous permet d’aborder beaucoup plus efficacement la problématique de l’exploitation. En fait, nous savons beaucoup de choses en théorie, mais cette collaboration avec les start-up nous permet de nous challenger beaucoup plus rapidement avec l’application concrète ».

©Nicolas Rosès

« ON A FACE À NOUS DES ENTREPRENEURS QUI SONT INCONTESTABLEMENT TRÈS SOLIDES… »

Le directeur de Quest for change fait alors part des leçons qu’il tire de plusieurs cas concrets mis en oeuvre au sein de sa structure : « Ce dont je peux témoigner, c’est du fort niveau de professionnalisme de ces projets » souligne-t-il. « Sur les fondamentaux techniques de développement de produits industriels, c’està- dire sur le coeur des métiers, on a face à nous des entrepreneurs qui sont incontestablement très solides. Généralement, le tendon d’Achille de la start-up est dans sa capacité réelle à la mise en oeuvre, la production : et bien, nos premiers retours d’expérience montrent que les profils qui proviennent d’entreprises comme la vôtre franchissent largement cette zone de risque et qu’il faut aller les chercher. Pour nous, ces gens-là sont comme du pain béni quand nous tentons de passer à l’échelle du nombre de start-up industrielles qu’il nous faut accompagner sur notre territoire. En fait, c’est ce lien très fort avec des sociétés comme la vôtre qui va nous permettre de démultiplier des opportunités qualitatives sur beaucoup d’autres secteurs… »

« Notre partenariat avec les start-up, nous le pensons un peu plus large qu’un partenariat traditionnel… » précise la vice-présidente de Hager. « Bien sûr, il y a la recherche de la “technologie de rupture”, mais ils peuvent aussi travailler avec nous sur les problématiques d’accès aux marchés avec de nouvelles idées de business models qui sont encore un peu loin de notre coeur de métier. Ce moteur d’innovation est vraiment très synergétique avec la société industrielle classique, mais les profils se doivent d’être très variés. En tout cas, pour un industriel, adopter de nouveaux business models, ça peut être quelquefois infiniment plus compliqué que de mettre en oeuvre une nouvelle technologie. Voilà pourquoi nous avons besoin d’une grande variété de profils pour collaborer avec nous… » « Je pense qu’il y a une dimension de durée de collaboration qui compte beaucoup » intervient Stéphane Chauffriat. « Nos relations pérennes avec Hager font que nous comprenons beaucoup mieux ce qui vous anime et cela nous permet de sourcer les besoins de sociétés comme la vôtre bien au-delà des limites géographiques de Quest for industry. On travaille par exemple avec nos voisins suisses ou allemands, les deal flows s’ouvrent… Cela nous permet de vous offrir des solutions qualifiées. Pour nous, se positionner sur ce type de relations et de collaborations est quelque chose qui nous intéresse vraiment. Le retour sur expérience que j’évoquais est bien réel ; par exemple, nous incubons Electric Oasis qui est une start-up dont le porteur vient de chez Hager : ses technologies n’avaient pas encore forcément de vocation en terme de business, mais la conjonction entre les envies de ses porteurs, les ambitions de Hager et notre expertise et notre savoirfaire font que d’autres vies ont pu être données aux projets de cette start-up… »

Jeanne Forget rebondit aussitôt : « L’exemple est pertinent. Il y avait là une idée innovatrice qui était trop loin de notre coeur de métier et nous avons donc décidé de ne pas la développer nous-même. C’est là que tout ce qui s’est passé ces derniers mois a été intéressant : le coaching efficace de l’innovateur et de son projet a joué à plein : c’est un accompagnement très étroit qui a eu lieu et d’ailleurs Hager en a profité également. Notre collaborateur nous a fait part de son retour sur expérience, et cela a été très utile pour l’équipe d’innovation que je dirige. Ce fut d’ailleurs la première fois que la société a pu accompagner un collaborateur interne qui voulait externaliser son savoir-faire. Sans l’accompagnement des équipes de Quest for industry, je pense que nous y serions très difficilement parvenus… »

©Nicolas Rosès

« On est là au coeur de ce que nous apportons » prolonge Stéphane Chauffriat. « Je pense que nous avons une bonne maîtrise des codes qui animent les porteurs de projets. Notre job consiste à vous les donner pour éviter une position qui pourrait être préjudiciable à l’avenir du projet, par exemple trois ans plus tard au moment d’une première levée de fonds. Ce sont autant de garde-fous que nous pouvons amener pour vous permettre de vivre toutes ces logiques de la façon la plus sereine possible. Cela touche à tellement de domaines différents, tout fluctue, tout évolue, souvent de façon rapide et même quelquefois radicale, un projet reste une vraie démarche individuelle, alors c’est à nous d’aider et d’accompagner au mieux qui le porte et essaie de le faire vivre… En tout cas, ce que nous savons, c’est qu’il y a de tels potentiels de projets un peu partout dans le Grand Est, avec plein d’entreprises qui innovent déjà beaucoup… » Jeanne Forget abonde dans le même sens : « Vous savez également coacher l’équipe interne d’une entreprise qui est dédiée à l’innovation et qui travaille en mode start-up. Vous la coachez avec ce mindset et ces méthodes et vous nous aidez à ne pas retomber dans nos process classiques, vous savez nous inspirer en interne pour que nos projets évoluent et conservent leur mission qui est d’accélérer et de challenger le groupe en apportant d’autres idées. À toutes les étapes, l’exploitation, l’exploration interne puis l’incubation externe, la collaboration est fructueuse… »

« NOUS SOMMES UNE EFFICACE BOÎTE À OUTILS… »

« Je reste quant à moi complètement persuadé que notre vraie valeur ajoutée est de savoir gérer les questionnements et la démarche de croissance d’un projet. Tout ça n’est pas si facile que ça à internaliser. Quand on observe ce que certaines sociétés investissent dans une cellule start-up et innovation et ce qu’elles parviennent à obtenir comme résultats, ça peut être challengeable. Quelquefois, elles y mettent énormément d’argent : un modèle partenarial externalisé ferait sens. Pour moi, il y a un vrai questionnement à avoir là-dessus… D’autant qu’un tel partenariat ouvre le champ des possibles à quantité d’ETI qui n’ont pas les moyens d’internaliser la démarche. À l’évidence, engager une démarche de valorisation de ses projets ambitieuse et systématique, ce n’est pas si facile pour une grande majorité d’entreprises. Nous pouvons alors être vus comme une efficace boîte à outils, ce que je pense que nous sommes.
ous sommes dans un contexte très favorable : la start-up industrielle devient un vrai sujet, il y a des enjeux de souveraineté, d’emploi qui sont bien mis en valeur par la dynamique portée par France 2030 et les pouvoirs publics. Un jour, il y a longtemps, Hager a été une toute petite entreprise. Ce qu’elle est devenue en quelques décennies, une société d’aujourd’hui peut peut-être aspirer y parvenir en cinq ans, ans, dix ans si on cumule les outils de financements et l’énergie qu’il faut y mettre car le monde, de nos jours, est constitué bien autrement qu’auparavant ».

©Nicolas Rosès

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