« Le Maillon est une porte d’entrée »
– article paru dans Or Norme N°42, Cultures –
Avec pour fil rouge de saison la « Reconquête de l’espace commun », le Maillon affiche la couleur : ne jamais cesser d’explorer le rôle du spectacle vivant dans une société européenne en mutation.
La Scène européenne n’y a d’ailleurs jamais renoncé, relève Barbara Engelhardt qui en est la directrice. « Nous ne nous sommes pas laissés décourager par la crise sanitaire. Le Maillon a multiplié les formes expérimentales, les résidences, les labos en menant en parallèle un travail sur les formes numériques. Cela nous a permis de rester en lien avec les artistes et avec le public ».
La Grèce immémoriale et actuelle, l’afro féminisme au défi du passé
En ouverture de saison 2021-2022, elle annonce Asterism d’Alexander Schubert, « un happening de 35 h 34 minutes, un espace, une immersion, une atmosphère » créé en ses murs, en coréalisation avec « Musica ». Un « rituel » où les artistes interagissent avec l’Intelligence artificielle dans un « entre-deux-mondes que le public est invité à parcourir de jour comme de nuit », est-il annoncé.
C’est ensuite à la Grèce que le Maillon – scène européenne – consacrera son premier focus thématique. « Nous avons programmé trois spectacles, deux de danse et un de théâtre », précise Barbara. Ils interrogeront l’héritage culturel d’un pays confronté à un « ici et maintenant » traversé par la crise. Rencontres et débats accompagneront ces créations contemporaines « qui valent le détour », ajoute-t-elle.
Autre focus thématique de la saison, l’afroféminisme exploré au travers de « deux démarches différentes », celle de la chorégraphe rwandaise Dorothée Munyaneza (compagnie Kadidi) avec Mailles et celle de Rébecca Chaillon (compagnie « Dans le ventre »), qui présentera sa « Carte noire nommée désir ». « Toutes deux ont une même passion pour les droits civiques, un questionnement sur le rôle de la femme dans une mémoire marquée par le colonialisme et l’emprise sur les corps féminins. ».
Ici aussi, le Maillon « ira plus loin » en approfondissant ces questionnements par des lectures, des projections cinématographiques et des débats où politiques et scientifiques seront interpellés face au « vécu et au partage du vécu ».
Homme et robot
Au-delà du premier trimestre, le « grand temps fort de la saison se tiendra en janvier avec cinq spectacles sur deux semaines et demie ». Il creusera une question « peut-être accentuée par ce que nous avons traversé ces derniers mois », à savoir « l’ambivalence de nos ressentis face à la nouvelle technologie qui fait de plus en plus partie de nos quotidiens ». Qu’en est-il de la condition humaine lorsqu’elle cherche à dépasser ses limites ?
« Plusieurs spectacles seront consacrés à notre relation à la machine, mais sans faire intervenir la réalité augmentée ou les formes numériques. Comédiens, circassiens, danseurs laisseront parfois leur place sur scène à des androïdes de troublante ressemblance. »
« Il est important pour nous de travailler sur des formes inédites », souligne Barbara Engelhardt en soulignant la concrétisation de son engagement par 17 coproductions internationales sur la saison.
« Nous devons accompagner l’émergence d’artistes européens. Le Maillon est une porte d’entrée. Ancrée dans son territoire, mais grande ouverte ».