Les IS, déjà 37 ans d’histoire et un tournant historique en 2024 !

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C’était l’un des plus anciens tournois 250 de la WTA. En 2024, les Internationaux de Strasbourg franchissent un cap historique en passant WTA 500. Repreneur depuis 2009, le directeur du tournoi Denis Naegelen revient sur l’histoire singulière des IS, aujourd’hui troisième plus grand événement de tennis en France, après Roland-Garros et le Rolex Paris Masters.

C réé en 1987 par un Américain vivant à Strasbourg, le « Grand Prix de Strasbourg » devient les Internationaux de Strasbourg sous la houlette de la Ligue d’Alsace de tennis dès 1988. La Ligue d’Alsace gère bon an, mal an, le tournoi, soutenue financièrement par la Fédération française de tennis. À son palmarès, des joueuses emblématiques, Novotna (1989), Davenport (95-96), Steffi Graf (97), ou Capriati (99). « Les dirigeants de la Ligue ont travaillé avec beaucoup de passion, mais cela devenait de plus en plus compliqué, car il fallait toujours davantage d’argent pour l’organiser, rappelle Denis Naegelen. Au milieu des années 90, la WTA a établi un numerus clausus dont les IS faisaient partie. La FFT a refusé que la Ligue vende le tournoi à un Émirati et décidé de le racheter en 2008. »

OBJECTIFS : DE MEILLEURES JOUEUSES, UN TOURNOI ÉCORESPONSABLE ET PORTEUR DU MESSAGE DE BILLIE JEAN KING

En 2009, changement de gouvernance à la FFT, changement de cap : le nouveau président Jean Gachassin, ne veut plus gérer les Internationaux de Strasbourg. « Ils m’ont contacté et je leur ai répondu que vendre était une erreur stratégique attendu qu’ils estimaient que Roland- Garros, la terre battue, et le tennis féminin, étaient l’avenir du tennis français. » Directeur de Quarterback, leader mondial en hospitalité et agence officielle de Roland-Garros notamment, Denis Naegelen sortait tout juste victorieux d’un combat de deux ans contre la maladie. « J’avais 10 % de chance de m’en sortir, confie-t-il. Une fois que l’on sait cela, on regarde les choses autrement, on se pose des questions d’où l’on vient. Mes racines sont en Alsace, j’ai construit ma carrière de joueur à Strasbourg et Mulhouse. J’ai donc décidé de répondre à l’appel d’offre pour racheter le tournoi. » Durant son grand oral devant les instances fédérales, Jean Gachassin et Bernard Giudicelli notamment, Denis Naegelen affirme ses deux engagements : développer un événement écoresponsable et continuer à faire passer le message de Billie Jean King pour l’égalité, la parité, et la place de la femme dans la société. « Je voulais aussi changer la réputation du tournoi et avoir de meilleures joueuses, précise Denis Naegelen. Parce que jusqu’ici, personne n’avait jamais payé de garanties. Un tournoi 250 passe par des accords commerciaux avec les joueuses. »
Fin 2009, la FFT accepte la proposition de Quarterback. « J’ai attendu l’autorisation de la WTA jusqu’en mars 2010 pour organiser un tournoi en mai ! Heureusement, j’avais pris les devants. » Il passe alors un accord avec Philippe Ginestet, l’ancien président du Racing Club de Strasbourg, alors en désamour dans la capitale alsacienne. « Je lui ai dit : vous m’aidez à financer mon tournoi et je vous aide pour votre réputation, se souvient Denis. J’avais en tête Sharapova, la joueuse la plus bankable du circuit. » Mais le tarif annoncé par le manager de Maria Sharapova, par un simple chiffre balancé par SMS sans bonjour ni merci, est exorbitant. « Elle était blessée, j’ai joué mon va-tout en lui envoyant directement un courrier un peu lèche-bottes en lui faisant une offre trois fois inférieure », sourit Denis Naegelen.

La réponse tombera à minuit la veille de la conférence de presse. Un gros coup, d’autant que Sharapova gagne le tournoi ! « Elle a changé l’avenir du tournoi, concède-t-il. J’ai pu l’avoir grâce au soutien financier de Ginestet. La cabale contre lui s’est arrêtée. Tout le monde était gagnant. La réputation du tournoi était transformée, la présence de Maria aux IS a fait le buzz dans les vestiaires des joueuses qui avaient privilégié Varsovie à Strasbourg. On leur a parlé d’un nouvel organisateur, d’un meilleur accueil des joueuses, j’ai aussi pu rassurer les PME qui avaient encore des doutes pour s’engager dans l’hospitalité du tournoi. »

La présence et la victoire de Maria Sharapova en 2010 a donné une nouvelle ampleur aux Internationaux de Strasbourg.

FACE AU PARLEMENT EUROPÉEN, LES IS WTA 500 SERONT VUS DU MONDE ENTIER

Reste un challenge de taille pour Denis Naegelen : trouver un nouveau club pour les IS. « Pour l’hospitalité, il faut un lieu proche du centre, accessible facilement J’ai eu le coup de coeur pour le TCS où j’avais joué un match d’exhibition. Quand j’y suis retourné, j’ai vu le Parlement européen… C’est devenu une obsession ! »
Il réussit à convaincre Alain Fontanel, frileux au départ de déplacer un tournoi d’un quartier populaire vers une zone bourgeoise, d’effectuer les travaux nécessaires pour construire de nouveaux terrains. « J’ai sorti la dernière carte que je ne voulais pas jouer à savoir quitter Strasbourg si la Ville ne m’aidait pas », lâche Denis Naegelen. Dès 2011, les IS trouvent leur écrin dans ce magnifique club avec vue sur les institutions européennes.
D’année en année, l’hospitalité grandit faisant des IS un événement incontournable pour l’écosystème régional.
En 2019, Denis Naegelen, qui venait de vendre Quarterback un an auparavant, n’est pas satisfait de la co-gestion du tournoi avec ses repreneurs. Il convainc alors assez facilement trois autres passionnés de tennis de la région de racheter le tournoi : Jérôme Fechter, fondateur de Karanta, Christophe Schalk, PDG de Mediarun – Top Music et le joueur français Pierre-Hugues Herbert. Ensemble, ils ont traversé vent debout les années COVID et relevé un défi de taille : candidater pour passer en WTA 500. « On s’est dit que l’on avait une opportunité sportive et financière exceptionnelle car nous pouvions acheter le tournoi à 60 % de sa valeur du marché. » En fusionnant avec le WTA 250 de Lyon, les IS répondaient au mieux aux attentes des instances.

Elina Svitolina, vainqueure des IS 2024 ©Nicolas Rosès

Mais pourquoi Strasbourg et pas Lyon ? « Strasbourg est l’une des plus anciennes dates du circuit mondial, avec une date reconnue comme une belle préparation à Roland-Garros. Gaëtan Muller, le directeur de Lyon, a eu l’intelligence de le reconnaître. »
Le moment est historique pour les Internationaux de Strasbourg. En passant de 250 000 à un million de dollars de prize-money, le tournoi sera plus attractif pour faire venir les meilleures joueuses mondiales. « Le public répondra aussi de façon plus forte. En tout cas je l’espère », sourit Denis Naegelen. « Je ne peux que croire et être motivé par l’idée que ça va être beaucoup mieux. Nous allons proposer un meilleur plateau, nous serons suivis par encore plus de médias. Ce sera une belle attractivité pour Strasbourg et l’Alsace. »

Un défi de plus pour ce passionné, désormais entouré de solides partenaires, tout autant engagés.

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