Les IS, toujours dans la game I Grand entretien
Après deux années de pandémie pendant lesquelles le staff des IS a fait preuve de courage et maintenu le tournoi contre vents et marées, ils se réjouissent d’un retour à la normale et préparent de belles surprises pour les spectateurs. Beau plateau, nouveaux partenaires, convention avec le Racing Club de Strasbourg, animations, job dating, écoresponsabilité… Denis Naegelen, Jérôme Fechter et Christophe Schalk nous disent tout.
Comment vous sentez-vous après deux années de pandémie quelque peu rock’n’roll ?
Denis Naegelen : Nous sommes pleins d’espoir. Nous avons connu deux années vraiment difficiles, sans aucune visibilité, avec des changements de position du ministère de la Santé selon la baisse ou la hausse du virus, des difficultés à faire venir du monde, des jauges réduites, des difficultés financières. Aujourd’hui, nous espérons que tout cela est derrière nous et on se prépare aux IS 2022.
Christophe Schalk : Le début de cette aventure commence à peu près avec le début de la crise sanitaire, alors forcément nous sommes un peu frustrés, mais aussi fiers d’avoir maintenu l’événement contre vents et marées. Si on avait été raisonnables, on n’aurait pas organisé les deux dernières éditions, mais comme on est un peu dingues ! C’est bien de l’avoir fait, car on constate que quand des événements ont été suspendus pendant deux ans, c’est assez compliqué de les voir renaître.
Jérôme Fechter : Cela a été une grosse charge de travail, c’était dur, mais économiquement, il y a aussi eu des bénéfices. Le premier, c’est que cela nous a permis d’apprendre plus vite parce qu’il a fallu revoir tous les process existants. Le deuxième, c’est qu’en maintenant un événement, on maintient le lien avec le public, les partenaires, les joueuses, les bénévoles…
C.S. : Et cela nous a permis de faire bosser des gens qui ne travaillaient plus beaucoup : les joueuses jouaient moins pendant la pandémie. Et je me souviens aussi d’un commentaire d’un serveur qui m’a dit « Cela faisait six mois que je n’avais pas travaillé ! » C’était bien de maintenir le tournoi dans une période de vaches maigres pour plein de métiers.
Avez-vous réussi à équilibrer les comptes ?
C.S. : Non, il faut que 2022 soit une année normale, car ce n’était pas tout à fait le plan quand on a repris la maison.
J.F. : Rééquilibrer les comptes, ce n’est pas possible de dire cela aujourd’hui après deux années très compliquées. Nous avons financé la perte. Mais comme dit précédemment, maintenir nous a permis de conserver le lien avec nos partenaires, et on sent dans l’événementiel aujourd’hui une vraie volonté des gens de faire les choses. On n’a pas perdu de partenaires, au contraire on en a gagné, grâce notamment aux équipes de Christophe. On est optimistes, mais il ne faudrait pas qu’il arrive quelque chose.
D.N. : Sur le plan humain, tous nos partenaires ont apprécié que l’on maintienne le tournoi, et ils s’en souviennent aujourd’hui quand on vient les voir pour leur dire on va rouvrir en 2022.
Vous venez de sceller une convention avec le Racing Club de Strasbourg Alsace (RSCA). Pouvez-vous nous en dire plus ?
D.N. : Ce n’est pas un partenariat, mais un accord de coopération qui porte sur la mise à disposition de connaissances de l’un vers l’autre sur trois points. Le premier, c’est que le Racing est le meilleur public de France, c’est l’une de ses réussites. C’est cette ferveur, cet engouement, cette ambiance qu’il y a dans les tribunes en permanence qu’ils vont nous aider à améliorer.
Comment fait-on pour faire monter la ferveur dans les tribunes ?
J.F. : C’est permettre au public d’accéder aux tribunes dans des conditions différentes, créer des animations, faire vivre les gradins.
C.S. : On a un certain nombre de partenaires communs, et on va s’inspirer de ce qu’ils font très bien avec des acteurs qui font bouillir la marmite de la région en matière d’émotions et de réunion. C’est dire que nous avons des valeurs communes, on les partage, et on a chacun des recettes que l’on peut appliquer chez les uns et chez les autres.
Les deux autres volets de cette coopération sont l’écoresponsabilité et la place de la femme dans le sport.
J.F. : Nous allons essayer de leur faire gagner du temps en leur expliquant ce que nous avons mis en place en matière d’écoresponsabilité depuis dix ans. Donc c’est vraiment un transfert d’expérience entre le Racing et nous. Le dernier volet, c’est en effet la place de la femme dans le sport. Sabryna Keller est très engagée avec son association Femmes de foot. Nous, nous sommes le premier tournoi de tennis féminin au monde, donc nous sommes défenseurs de ce message de parité. C’est l’essence même de la WTA et des IS. Nous n’allons pas organiser des dizaines d’actions dans l’année, mais nous avons cette volonté de montrer que le sport de haut niveau alsacien peut se mobiliser et être porteur de sens.
Depuis deux ans votre slogan est d’ailleurs « Woman is the winner ». Pourquoi ce choix ?
D.N. : Nous avons tout d’abord choisi notre marque, « IS », qui en anglais veut aussi dire « être ». Cela parle bien de notre valeur originelle, de notre appartenance à la WTA et donc de défendre la place de la femme dans la société.
C.S. : En 2020, pour marquer les 50 ans de la WTA, nous avons fait poser chaque joueuse avec un dollar dans la main pour rappeler que c’est une association qui défend les droits des joueuses et l’égalité homme-femme.
D.N. : En effet, depuis 1973 pour l’US Open, 2000 pour l’Open d’Australie et 2007 pour Roland-Garros et Wimbledon, les Grands Chelems versent les mêmes salaires aux hommes et aux femmes. Il faut néanmoins modérer cette décision symbolique et exemplaire, car ce sont eux qui distribuent les plus grosses sommes d’argent, mais les autres tournois inférieurs, les tournois premiers ou Masters 1000, n’ont pas encore adopté l’égalité salariale. À titre d’exemple, l’Open de Marseille, qui est notre équivalent en termes d’importance et de rayonnement, distribue 400 000 dollars aux hommes, alors que nous, nous versons 275 000 dollars. En revanche, c’est une très bonne chose que les Grands chelems aient adopté cette égalité salariale pour tirer les autres tournois dans cette même direction.
J.F. : On ne le dit jamais assez, mais les IS en sont à leur 36e édition. En termes d’audience, de fans, de réseaux sociaux, d’impacts, etc., on est dans tous les meilleurs tournois de notre catégorie. C’est vraiment un tournoi historique, implanté, avec les plus grandes joueuses qui sont venues y jouer et qui ont réussi à le gagner comme Steffi Graf !
Et le plateau cette année justement ?
D.N. : Comme chaque année depuis 36 ans, on ne sait pas, à quatre semaines du tournoi, quelles vont être nos têtes de série. On progresse depuis 10 ans que nous avons repris le tournoi et surtout depuis trois ans. Le seul avantage du COVID, c’est qu’on n’avait pas de concurrent et on a eu des plateaux extrêmement forts. Cette année, on est en discussion avec des Top 10, des Top 20, mais tout cela se finalise dans les dix jours précédant la compétition. C’est fonction de l’état de forme de la joueuse, de son besoin de confiance sur terre battue, et de faire des matchs avant Roland-Garros.
J.F. : La meilleure année des IS, nous avons eu quatorze joueuses du Top 50. À la date où l’on se parle, on en a dix inscrites. On sait par expérience qu’en on aura entre treize et quinze.
Les ventes de billets se font aussi à la dernière minute en fonction du plateau, ou c’est l’aspect VIP de l’événement qui prend le dessus ?
D.N. : Il y a plusieurs facteurs, d’abord la réputation de l’événement, qui fait qu’aujourd’hui on est confiants, avec des baromètres comparables à 2018. Nous avons même légèrement dépassé les meilleurs chiffres des dernières années. Mais on sait aussi que 50 % des ventes se font dans les dix derniers jours, en fonction de l’attractivité du plateau, mais aussi du climat.
Quels sont les temps forts de cette édition ?
J.F. : Nous sommes dans l’actualité de ce qui se fera à Strasbourg dans un an, à savoir le recyclage des biodéchets. Pour la première fois cette année aux Internationaux de Strasbourg, on va aller au bout du bout en matière de recyclage des biodéchets. C’était déjà fait par nos prestataires traiteurs, etc., mais cette année, le public et même les joueuses sur le court central vont jouer le jeu et jeter leurs peaux de banane dans un container prévu à cet effet. Nous allons aller au plus fin dans le tri et les déchets seront envoyés chez un méthaniseur qui va produire du biogaz, avant de la redistribuer, avec nos partenaires Engie et Schroll, expert du recyclage dans le Grand Est.
Vous avez d’ailleurs obtenu le Label bas Carbone en 2021.
J.F. : Les IS n’ont pas obtenu ce label, c’est notre plan de reforestation pour compenser notre émission carbone qui est labélisé. Grâce à ce programme, nous avons compensé l’équivalent de 360 tonnes de CO2 alors que nous n’émettons qu’une trace résiduelle de 254 tonnes.
D.N. : C’est en effet un engagement à moyen terme, car on ne sera véritablement zéro carbone que lorsque les 3000 arbres que nous avons plantés pour compenser nos émissions auront poussé et produiront de l’oxygène. Pour préciser les choses, notre premier bilan carbone il y a dix ans montrait que l’on avait une trace de 500 tonnes de carbone. Le dernier bilan montre que l’on a une trace résiduelle de 254 tonnes alors que nous avons multiplié par cinq le nombre de repas et de spectateurs. Nous devrions donc être à 2500 tonnes… Mais nos résultats prouvent que tous les process que nous avons mis en place depuis dix ans portent leurs fruits. 254 tonnes, ce n’est pas beaucoup pour un événement comme le nôtre, et nous sommes le seul événement sportif en route vers la neutralité carbone qui, j’insiste, ne sera effective que lorsque les arbres auront poussé. Et on en replantera 3000 cette année.
Votre engagement ne se résume pas au climat, mais aussi à l’aide au retour à l’emploi, à la réinsertion, au handicap. Pouvez-vous nous en parler ?
C.S. : Pour la première année, nous organisons un « Job dating RSE » le 13 mai. L’idée était pour nous de réunir des entreprises partenaires des IS qui poursuivent un vrai engagement en matière RSE. Et comme il y a aujourd’hui beaucoup plus de postes vacants que de prétendants, on va réunir une quarantaine d’entreprises sur le site des IS. Cela participera au réseautage des unes et des autres. Si en fin de journée on a participé à permettre à 40-50, ou soyons fous, à 200 personnes d’avoir trouvé du boulot, on sera également vertueux dans cette organisation.
J.F. : L’idée c’est d’aider au maximum, de faciliter les rencontres. Réunir 40 entreprises, 2000 candidats qui vont je l’espère trouver un job, c’est pour montrer notre engagement social au sein de notre région en partenariat avec loffredemploi.fr et parrainé par Engie.
D.N. : On considère qu’on est organisateur d’un grand événement international à Strasbourg. Notre fonction première c’est de faire un très bel événement de sport. Mais on a aussi l’envie d’être utile à la communauté, aux collectivités qui nous soutiennent. L’écoresponsabilité, la place de la femme, c’est notre premier engagement. Le handicap, l’inclusion font partie de nos objectifs aussi. Depuis plusieurs années, on consacre une journée au handicap. Depuis deux ans, on permet également aux personnes défavorisées de participer aux IS et d’apprendre quelque chose aussi pendant le tournoi. On a signé un accord cette année avec Fête le Mur, créée par Yannick Noah, en incluant des jeunes de quartiers défavorisés de son association comme des ramasseurs de balles, des juges de ligne. Deux d’entre eux seront également formés au métier de l’entretien de la terre battue. La terre battue nécessite beaucoup de spécialisation. Notre équipe de très haut niveau, formée par les jardiniers de Roland- Garros, les formera. Notre engagement est toujours un peu plus large chaque année depuis douze ans.
J.F. : Avec la Maison de l’emploi de Strasbourg, nous allons également chercher trois personnes à travers le programme Focale pour leur permettre d’avoir un CDD le temps du tournoi, alors qu’ils étaient très éloignés de l’emploi, avec nos partenaires RH Propreté et Stacco. On ne veut pas essayer de les aider, on veut réussir ! Le sport, c’est gagner, là c’est pareil.
Les IS, c’est aussi la convivialité, se retrouver. Après deux ans de pandémie, comment va être configuré l’espace VIP ?
D.N. : On a eu deux années dans la contrainte, la norme c’était de servir des repas en terrasse. On a constaté que c’était finalement une idée à faire perdurer. Cette année, on aura un espace ouvert, mais plus grand, car on n’a plus de contraintes liées par un problème de normes ou de jauge. On veut garder cet esprit de « déjeuner en terrasse ». On pourra aussi refaire des afterworks où les gens peuvent circuler. Nous reprenons les normes de 2019.
J.F. : On a juste gardé le meilleur des deux : les gens auront une table, et pourront échanger, discuter, sans couvrefeu, pour un moment agréable de 17h30 à 21h30-22h, avec DJ, musique live, sur les cinq soirées du lundi au vendredi soir.
D.N. : Autre nouveauté cette année, Joël Philipps, le chef du Cerf, va rejoindre la team de Marc Haeberlin, car on veut continuer à faire un événement sportif, engagé et gastronomique.
J.F. : Cette année, nous avons aussi renouvelé nos partenaires et fournisseurs de boissons, avec des choix forts qui ont été faits, des choix locaux, comme Carola qui remplace Evian, la bière, c’est Kronenbourg, ou Elsass Cola qui remplace Pepsi et lancera sa boisson sans sucre sur les IS. On va utiliser au maximum du verre recyclé. L’Alsacienne de boissons sera notre distributeur. On boira local, cela nous permettra d’avoir un impact significatif sur notre trace carbone.
C.S. : On va installer un plateau quotidien avec Sébastien Ruffet, qui accueillera des invités, des partenaires, pour créer l’événement sur site. Nos partenaires médias, dont Or Norme, cross-posteront en même temps que nous pour faire vivre l’événement sur les réseaux.
En conclusion, qu’avez-vous envie de dire à ceux qui n’ont jamais eu l’occasion de venir aux IS ?
D.N. : On est la préparation de Roland- Garros, ce sont de très grandes championnes qui sont là, il y a des animations pour tous, on a une Fan zone pédagogique pour les enfants, des messages écoresponsables. Mais il faut insister sur le fait que c’est le premier tournoi féminin de France.
C.S. : Il faut d’ailleurs rappeler que notre vainqueure de l’an dernier, Barbora Krejcikova, a remporté juste derrière Roland-Garros. On la voit dans le monde entier, elle a brillé chez nous et on en a profité. C’est un tournoi de haut niveau. J.F. : Pour une vingtaine d’euros, on a accès à un spectacle sportif exceptionnel, à tout un tas d’animations dans la journée. C’est un moment très agréable et on n’est pas obligé d’aimer le tennis pour venir. C’est une belle expérience à vivre sur une semaine.