Pilote chez Air France, Anne Bertucchi « C’est encore mieux que mon rêve d’enfant »

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 Article paru dans ORNORME n°42, CULTURE –

De son enfance d’expatriée, Anne Bertucchi, 32 ans, a fait naître sa vocation : être pilote. À la fois pilote chez Air France depuis 2019 et maman accomplie, Anne Bertucchi nous raconte son parcours plutôt hors-norme.

Fille d’expatriés, Anne Bertucchi a passé son enfance et son adolescence entre la Colombie, la Suède et le Venezuela. « Quand on rentrait en France, l’avion était pour moi un moment hors du temps, assez fort, se souvient-elle. Toute petite, j’ai dit à mes parents que je voulais devenir pilote. Cela ne m’a plus jamais quittée. »

Après une année de prépa, elle réussit le concours de l’ENAC (École nationale de l’aviation civile) de Toulouse et sort en 2008, au moment où la crise des subprimes éclate. « Nous étions 74 dans ma promo, et on s’est tous retrouvés au chômage, se souvient-elle. Après 2008, les promos sont passées à une dizaine d’élèves. Le marché du travail était extrêmement tendu. Je ne voyais pas d’évolution, alors j’ai décidé de suivre la formation de technicien de l’aviation civile après quelques années en tant qu’instructeur. J’avais tout donné pour être pilote, mais j’étais soulagée de trouver un métier où j’avais de l’avenir. Tous mes camarades étaient dans la même situation. »

En 2018, Air France ouvre à nouveau les embauches. « Quelque part, j’avais tourné la page, je ne me suis pas précipitée. Au bout d’un an, j’ai eu le déclic : j’avais quand même les qualifications pour ! » Elle retourne alors en école de pilotage et se rend compte qu’elle n’a rien perdu de ses compétences. « J’ai été remise sur la liste Air France en décembre 2018 et passé mon premier entretien en février 2019… Enceinte de 7 mois ! Cela n’a pas du tout arrêté mon futur employeur, au contraire, j’avais le profil adapté, celui d’une personne stable dans sa vie. »

« La sécurité est la priorité numéro 1 de la ma compagnie »

Elle entre chez Air France en octobre 2019, six mois après la naissance de sa fille, et enchaîne les formations pour piloter un A320. « Je n’ai jamais autant bossé pendant ces trois mois, sourit-elle. Nous devons apprendre à maîtriser l’avion, à réagir dans n’importe quelle situation. Il existe des procédures à connaître par cœur. Quand une panne se présente, vous pouvez réagir à partir de votre mémoire, mais il faut aussi savoir quoi chercher et comment le gérer. » Elle finit son cursus après deux mois de vols avec un capitaine-instructeur. « J’ai été lâchée en février 2020, juste avant le COVID. On a arrêté de voler jusqu’en juin, mais finalement, on n’oublie rien. Dès qu’on en ressent le besoin, on repasse en simulateur. La culture de la sécurité est la priorité numéro 1 de notre compagnie. »

Anne Bertucchi est copilote sur A320 en Europe essentiellement, au Maghreb, et un peu au Moyen-Orient. « On réalise environ 600 heures de vol par an, sans compter tout le temps de préparation avant le vol, rappelle-t-elle. Nous faisons trois vols par jour, trois ou quatre jours de suite. » En une journée, Anne peut voler de Genève à Lisbonne en passant par Marseille. Elle se souvient encore très bien du jour où elle a atterri son premier A320, sans pas- sagers. « J’ai eu peur de mal atterrir, mais finalement, l’avion réagit comme le simulateur. Ce que l’on acquière en vol, c’est la gestion du domaine opérationnel comme adapter sa vitesse en fonction de la charge de l’avion. »

Un métier compatible avec la vie de jeune maman ? « C’est encore mieux que mon rêve d’enfant ! J’avais un peu peur avant, mais finalement, j’adore aller voler, c’est un métier très gratifiant, complet, ce n’est pas que de la technique. J’ai connu la vie de bureau où les soucis du quotidien reviennent, alors que quand je suis pilote, je suis complètement déconnectée de ma vie personnelle. On n’a pas de téléphone, on pense sécurité. »

Enceinte de son deuxième enfant, Anne Bertucchi passera à 80% après son congé maternité. « Si chez Air France être une femme ne change rien du tout, dans l’aviation civile, c’est un frein, constate-t- elle. Mon compagnon, contrôleur aérien à Entzheim, est loin d’être un macho, mais il n’a pas été élevé dans le rôle de père au foyer, il avait au départ peur de ne pas pouvoir gérer mes absences. Finalement, cela se passe bien, mais un 80% avec deux enfants en bas âge me semble plus raisonnable. »

Si les femmes sont encore minoritaires aux postes de pilote, Anne en côtoie de plus en plus. « Il m’est arrivé d’avoir un équipage 100% féminin. Je n’ai jamais vu de passager débarquer car les pilotes étaient des femmes ! Au contraire, on perçoit un changement de mentalités. » Sa petite fille d’un peu plus de deux ans est d’ailleurs déjà très attirée par les avions. Sur les pas de maman ?

« Je n’ai jamais vu de passager débarquer car les pilotes étaient des femmes ! Au contraire, on perçoit un changement de mentalités. »

© Marc Swierkowski
Anne Bertucchi, pilote Air France, donnera naissance à son deuxième enfant en septembre et retrouvera les airs en mars 2022 avec la même passion.

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