Retour vers le futur du vin

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Dans la seconde moitié du XXe siècle, l’essor oenologique a permis aux vignerons d’optimiser chaque hectare. Pourtant, la génération actuelle témoigne d’une aspiration croissante à l’artisanat et aux produits authentiques. Profondément liée aux préoccupations environnementales et sociales, elle ne s’empêche toutefois pas de regarder en arrière pour esquisser un avenir où il fera bon de trinquer. Coup d’oeil sur le retour de la cire, et des vins issus d’une macération en amphore.

L a Capsule Représentative de Droit (CRD), aussi appelé Marianne, atteste que les droits sur l’alcool ont été acquittés auprès des douanes. Il y a plus de 200 ans, son ancêtre était une couche de cire et de goudron. D’abord transformée en plomb, la capsule est aujourd’hui composée d’alliages d’aluminiums plus techniques. La cire revient néanmoins coiffer une poignée de flûtes alsaciennes.

Antoine Kreydenweiss, vigneron et négociant à Andlau, constate que la cire réalise des bouchages plus hermétiques et limite les échanges. Un intérêt oenologique non négligeable pour ses vins contenant très peu de sulfites. L’ensemble de sa production porte une cire 80 % naturelle. Les matières plastiques ajoutées à la composition permettent d’obtenir un résultat souple. Parce que les restaurateurs, notamment, n’apprécient guère les miettes colorées qui trouvent refuge sur la nappe. Un moindre mal pour certains certes, mais dans un restaurant étoilé, les détails comptent. Dans un souhait d’homogénéité et de gain de temps, Antoine a récemment fait l’acquisition d’une cireuse à bouteilles. Une rareté dans le vignoble ! Le résultat est très esthétique, mais la complexité du processus et le coût inhérent à la réalisation en font un bouchage de niche.

Antoine Kreydenweiss,,vigneron et négociant à Andlau ©Caroline Paulus

Depuis une dizaine d’années déjà, l’amphore se glisse entre des contenants de vinification plus communs, tels que le foudre ou la cuve inox. Ce récipient, composé en terre cuite ou en grès naturel, est issu d’une histoire multiséculaire associée aux vins de macération. La Géorgie, notamment, perpétue cette tradition.

Au Vignoble du Rêveur à Bennwihr, le vigneron Mathieu Deiss réalise la cuvée Un Instant sur Terre. D’une couleur rose foncé, ce vin dévoile un lot d’arômes fruités où se côtoient le pamplemousse, l’abricot et la papaye. Cet assemblage de cépages alsaciens est issu d’une macération de 10 mois en amphore. Cette dernière permet d’obtenir une structure tannique – comme dans un vin rouge – qui protège le vin certes, mais qui dévoile aussi une plus grande complexité, une bonne tenue à l’air et donne du corps.

La cire coiffe l’ensemble de la production annuelle du Domaine Kreydenweiss. ©Caroline Paulus

Parallèlement à cela, la porosité du contenant affine les tannins. Les vins résultant d’un passage en amphore sont relativement stables, « un avantage considérable pour les vins sans sulfite ajouté », précise Mathieu. D’une grande élégance, le résultat révèle une étonnante personnalité. Nous sommes des êtres cycliques, et il est étonnant de constater à quel point tout ce qui gravite autour l’est aussi. Dans un métier marqué par la tradition et la nature, les cycles s’installent doucement. Ils touchent l’esthétique des bouteilles et la vinification. L’encépagement et l’élevage ne sont pas en reste. Certaines méthodes anciennes, combinées au savoir actuel, augmentent réellement la qualité des vins. D’autres vignerons qui, quant à eux, partent en quête de vieilles recettes par besoin d’originalité plus que de curiosité restent sur leur soif. Parce que parfois, il est bien de le laisser tel qu’il a été, le temps. Avec toute son éphémérité.

La cire utilisée permet,d’avoir un résultat souple. ©Caroline Paulus