Sounduct : pour que la surdité cesse d’être un obstacle social

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 Article publié dans « Quest for industry », numéro hors-série d’Or Norme paru à la mi-juin 2023.
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« Tout le monde finit sourd ». Jean-Philippe Marie de Chastenay et Olivier Gauthier, respectivement Directeur général et CEO de Sounduct, en savent quelque chose : la surdité touche leurs deux familles. En réponse à ce handicap invisible, dont le traitement est un enjeu national, les deux collègues – et amis – lancent leur start-up en 2021.

S ounduct est un projet réinventant les appareils auditifs et ainsi la prise en charge de la surdité, mais pas seulement. Si le terme « handicap invisible » est employé, c’est pour imager la réalité d’une fracture sociale sournoise. Lorsqu’on entend moins, ou plus du tout, qu’en est-il du quotidien ? Qu’en est-il du travail ? Qu’en est-il des relations sociales ? Tous les pans de la vie sont touchés, et ça ne se voit pas. Ce n’est pas « visible » parce que personne n’écrit « sourd » sur une pancarte. Et surtout, le progrès de la miniaturisation amène les audioprothésistes – et donc les patients – à opter pour des dispositifs de plus en plus réduits.

UNE HISTOIRE DE FAMILLE

« J’ai toujours rêvé de pouvoir soigner mon père », explique Jean-Philippe Marie de Chastenay. « Nous avons dans ma famille une pathologie des os qui entraîne une perte de calcium, et ça peut entraîner de l’otospongiose (maladie génétique de l’oreille interne et moyenne, dont les principaux symptômes sont la perte d’audition ou des acouphènes – ndlr) ». Parmi les premiers bénéficiaires des techniques d’opérations d’il y a trente ans, le père du co-fondateur de Sounduct n’a malheureusement pas retrouvé l’audition. Ceci a engendré une surdité bilatérale, des acouphènes qui ont entravé l’exercice d’un emploi. « Et nous avons vécu une chute sociale complète, conséquence des difficultés financières qui en ont découlé ». Depuis, l’idée de trouver une solution accessible à la surdité ne le quitte pas.
Il lui faudra attendre de rencontrer Olivier Gauthier, alors assureur, pour qu’à l’occasion d’une reprise de ses recherches, le projet prenne une nouvelle tournure. « Mon beau-père a l’Alzheimer et est atteint de surdité. L’idée du dispositif de Jean-Philippe a tout de suite attiré mon attention ».

INNOVER ET SE DÉVELOPPER DANS L’EST

Ensemble, ils poursuivent les recherches, fondent Sounduct en 2021 et déposent le brevet de leur appareil dans la foulée. Tous deux issus de milieux professionnels avec des réseaux forts, sur Paris, ils ont un cran d’avance dans leur projet. Cependant, ils étaient à la recherche d’un accompagnement pertinent à la fois du côté santé et du développement de hardware. Ils finissent par entrer en contact avec SEMIA, sur les conseils de Start2prod, un accélérateur privé en Rhône-Alpes, et intègrent l’incubation collective en septembre 2021. Leur rencontre avec Christophe Knecht, directeur de Quest for industry, est facilitatrice : « Christophe a tout de suite compris les enjeux du projet et a surtout été très présent. Grâce à son engagement et celui des équipes de Quest for change nous avons pu avancer sur les différents sujets ». Le soutien de l’incubateur permet aux deux collègues de structurer leur projet en profondeur.
Olivier Gautier et Jean-Philippe Marie de Chastenay ne sont ni l’un ni l’autre issus du domaine de la santé et n’ont pas non plus d’expérience industrielle. Les expertises combinées de l’incubateur dans ces domaines leur permettent de pallier les difficultés rencontrées sur le sourcing du matériel, des mises en relation, un accompagnement approfondi sur des sujets comme leur stratégie d’industrialisation. ll leur permet aussi de pouvoir être orienté afin de de préparer leur essai clinique, en partenariat notamment avec l’IHU de Strasbourg. En quelques mois, la start-up conquiert l’écosystème strasbourgeois et décroche en 2022 le label Deeptech de Bpifrance ainsi que la bourse French Tech Emergence destinée aux start-up Deeptech.
En effet, si le projet Sounduct attire, au premier abord, par son fort impact sociétal, il ne faut pas oublier qu’il s’agit avant tout d’une innovation technologique de rupture.

UNE SOLUTION VISIBLE POUR UN HANDICAP INVISIBLE

Cette innovation repose en partie sur une technologie de conduction osseuse. Olivier et Jean-Philippe, à la démonstration, apposent deux transducteurs de part et d’autre du crâne, lancent une musique, et les vibrations se traduisent en impulsions électriques qui font leur travail sur le système nerveux. On entend. La solution, non invasive, reste visible et c’est voulu. Les dispositifs seront personnalisables « comme des lunettes » expliquent-ils.
Les co-fondateurs de Sounduct insistent sur l’importance, et leur parti- pris, de rendre le dispositif visible pour amener une prise de conscience dans l’espace public. « Un exemple simple est celui des cours d’école où les enfants sourds sont ostracisés, ou encore celui de la caisse des supermarchés où les gens n’ont pas conscience du handicap réel de la personne devant eux », illustrent-ils.
Bien que ne souhaitant pas dévoiler leur technologie exacte avant la commercialisation, et en attente des essais cliniques (dont la définition et la mise en oeuvre ont été guidées par Quest for health et par son réseau), les fondateurs de Sounduct estiment pouvoir prendre en charge jusqu’à 99 % des cas et types de malentendance et surdité.

UNE SECONDE LEVÉE DE FONDS POUR L’INDUSTRIALISATION

Après une première levée de fonds de 1,5 million d’euros auprès d’investisseurs, place à une seconde. Il faut, après le développement du produit, passer à l’industrialisation. Un premier bras mécanique est en marche.
Les fonds levés cette année seront utilisés pour mettre en place une plateforme de production, renforcer l’équipe et se lancer sur le marché en 2024. La marquage CE de leur dispositif devra faire partie de cette étape.
Sounduct est impatiente de s’étendre sur les marchés allemands et américains, avec un objectif de chiffre d’affaires de 7 millions d’euros dès 2025. Sur un marché mondial tenu par cinq géants, le dispositif de Sounduct devra se faire sa place sur les étagères des audioprothésistes.

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