Sùnndi’s Kàter, le dialecte show à suivre

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Enfant malicieux du cabaret alsacien et des late-shows américains, l’émission diffusée par France 3 et produite par Red Revolver touche à la fois le public classique des programmes en langue régionale et une audience plus jeune et plus urbaine, grâce aux replays en ligne — et à un habile sous-titrage.

Un canapé gris au coude-à-coude avec un grand bureau en bois, une moquette rouge, les bâtiments emblématiques de la région sur un écran en toile de fond, jusqu’aux mugs de café siglés : tous les ingrédients d’un late-show sont réunis sur ce plateau de tournage installé dans l’auditorium de France 3 Grand-Est. Programmes incontournables de la télé états-unienne, les late-shows animent là-bas les troisièmes parties de soirée avec une recette qui varie peu. Côté sofa, une succession d’invités du monde politique, culturel ou médiatique ; côté micro, un présentateur qui ne renâcle pas à la facétie sans pour autant esquiver les questions pertinentes. Des monologues, des sketchs et des parodies ponctuent le tout.

SE RÉAPPROPRIER LA LANGUE

De notre côté de l’Atlantique, le modèle a du mal à se faire une place dans les grilles des chaînes. L’émission de France 3, une production de la société strasbourgeoise Red Revolver, en est pourtant à sa troisième saison. Son épice magique ? L’alsacien ! Baptisée « Sùnndi’s Kàter » (la « gueule de bois du dimanche », pour les non-bilingues), elle est entièrement tournée dans la langue de Germain Muller.
« L’idée, c’est de se réapproprier l’alsacien, qui est encore souvent associé au folklore, explique Mathieu Winckel, le show-runner. Nous devons parfois inventer des mots pour parler de concepts récents. » Que les débutants se rassurent, tout est sous-titré en français (comme sur Netflix, en somme) et les gags sont même imaginés dans les deux langues dès leur écriture pour en préserver la saveur. Deuxième emprunt aux plateformes, les épisodes sont tous disponibles en ligne pour ceux qui dorment encore le dimanche à 10h, à l’heure de la diffusion.

©Bartosch Salmanski

FRAÎCHEUR ET DÉRISION

L’équipe de Red Revolver exploite aussi une autre spécialité locale pour produire ses deux émissions inédites chaque mois : la satire. « Tous les sujets dont on parle sont d’actualité, mais nous les traitons avec un décalage que la tradition de l’humour alsacien nous inspire », poursuit Mathieu Winckel.
D’ailleurs, sur le plateau de tournage, le présentateur Philippe Sandmann s’emporte contre Valérie Weber-Schmitt (incarnée par la comédienne Laurence Bergmiller), « une envoyée spéciale influençable » qui a tourné platiste ! Les contre-arguments qu’il déroule sont tous sérieux, sa vérité à elle résonne avec les éléments de langage des vrais convaincus que la Terre est un disque, mais on rit devant la gestuelle, le ping-pong verbal et les exagérations bien senties. « Nous avons à coeur de garder l’énergie et la fraîcheur qui font la particularité de ce format », insiste Philippe Sandmann.
Son personnage donne le ton de l’émission. Pas à l’abri d’une contradiction entre les valeurs qu’il dit défendre et son mode de vie, il a le verbe haut et la moquerie facile. Immanquablement affublé d’une cravate de guingois, il assure le lien entre les différentes séquences. Personnages récurrents, doublages humoristiques de films, parodies et micros-trottoirs passent sur le gril toutes les grandes questions de société pendant 26 minutes. Si l’on devait donner nos propres favoris, on citerait parmi d’autres le rappeur 50-Pfand et sa version bio du Candy shop de 50-Cents, l’accent français inimitable de Renaud Lombardi ou encore Cynthia, l’influenceuse qui parle peste noire et crimes de guerre pendant ses gommages. Mais le mieux reste de se faire sa propre idée ! »

Découvrir l’émission :
france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/programmes/france-3_grand-est_sunndi-s-kater

Philippe Sandmann assure la présentation de ce late-show en alsacien. ©Bartosch Salmanski