Victor weinsato, le jeune prodige hors-norme de la mode strasbourgeoise

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« Jeune prodige de la mode » pour le Tout- Paris, le styliste Victor Weinsanto a grandi à Strasbourg. Loin de renier ses origines, le génie fashion ose détourner le folklore alsacien, aime casser les codes et apporter une bonne dose de second degré et de couleur à ses créations. Rencontre avec un artiste accessible et les pieds bien sur terre.

S’ il préfère se dire « décalé » plutôt qu’hors-norme, « parce qu’après tout, c’est quoi la norme ? », rappelle- t-il, de notre avis, Victor Weinsanto est totalement hors-norme. Un jeune prodige de la mode qui a lancé sa marque une semaine avant le premier confinement, dont l’audace et le génie ont tapé dans l’oeil d’Adrian Joffe, le fondateur de Comme des garçons. Un styliste qui séduit par son style décalé justement, très second degré, frais, enchanteur, extravagant, mais aussi hyper facile à vivre.
« Tout est portable, moi-même aujourd’hui je suis habillé simplement avec un tee-shirt et un pantalon noir, je ne porte pas mes grands chapeaux dans la rue tous les jours, commente-t-il avec malice. C’est une marque qui fait un tout, des pièces un peu hors-normes, c’est vrai, opulentes, extravagantes, mais aussi des pièces que ma mère porte ! » Ce qui séduit justement, c’est son identité visuelle singulière : « On aime ou on déteste. Mais cela provoque une émotion, c’est cela qui fait sens selon moi. »
« Ma collection détournant le folklore alsacien est celle que je préfère pour ce qu’elle représente » confiet- il. On a une image datée de l’Alsace, alors que le folklore n’est pas ringard. » Quand il imagine cette collection, Victor se plonge dans ses racines, décortique de vieilles photos, retrace des traditions oubliées. « Je suis très attaché à mes origines alsaciennes, je suis plus chauvin aujourd’hui qu’avant ! »

©François Quillacq

« ON SE REND TRÈS VITE COMPTE QUE LE CHEMIN EST LONG »

À Paris aujourd’hui, toutes les portes lui sont ouvertes. « Sur certains aspects, c’est plus simple pour trouver une table au resto, s’amuse-t-il. Mais c’est aussi plus compliqué, car les gens ont des attentes, une marque reste un business avant tout, on sent la pression de toujours devoir évoluer, grandir. » Mais le styliste ne manque ni d’envie, ni d’énergie. « Dans ce métier, il faut être bosseur, la danse m’a appris à être rigoureux. » Car à l’origine, Victor se destinait à être danseur professionnel. « J’ai commencé à quatre ans, et j’étais semipro à dix ans, sans savoir ce qui m’attendait vraiment. Vers seize ans, j’étais blasé. Tu vis danse, tu manges, tu dors, tu danses. Je n’en pouvais plus ! Je n’étais pas très bon à l’école, alors je me suis dit pourquoi pas la mode, j’aime les vêtements, les couleurs, les tissus, et tout s’apprend ! »
Quand il intègre l’Atelier Chardon Savard après avoir décroché son bac littéraire – avec mention tout de même ! – il déchante un peu. « On arrive avec de grands rêves, mais on se rend très vite compte que le chemin est long. Ce n’était pas aussi glam’ et paillettes que je le pensais, mais pour la première fois, j’ai fait des études où je prenais 100 % de plaisir. »
À la sortie, il décroche au culot un stage chez Jean-Paul Gaultier, « et là j’ai enfin pu trouver la vie douce. C’est un créateur de génie, au grand coeur, j’avais tellement de chance d’être dans une maison où l’on se sent bien. Ce n’est pas le cas dans tous les studios… » C’est un peu par hasard, sur fond d’audace toujours, qu’il lance sa propre maison de couture en 2020. Dans les couloirs, se murmurait le départ à la retraite de l’iconique styliste français. « Il fallait que je présente des looks et croquis pour espérer trouver du travail, souligne Victor, et je me suis dit, autant organiser un petit défilé à la bonne franquette pour me faire connaître. » Et Victor Weinsanto, la marque, est née. « Un ami avait invité Adrian Joffe, ils étaient tous les deux émus de voir un petit bébé faire son crash-test dans le grand aquarium de la mode ! » Une semaine après ce premier coup de génie, c’est le confinement. « Adrian Joffe m’a alors tendu la main, et m’a proposé de vendre mes créations dans son showroom. » Un deal qui lui facilite la vie et lui offre une belle notoriété. « Comme toute jeune marque, on galère, Gaultier aussi a galéré à ses débuts, rappelle-t-il. Travailler avec Adrian est une chance, car on leur vend notre collection qu’ils vendent eux-mêmes. C’est une livraison, une facture, et on a la chance de bénéficier de la renommée de Comme des garçons. »

©François Quillacq

À TRAVERS SES SHOWS PSYCHÉS…

Si l’inflation et la crise l’effraient, d’autant qu’en tant qu’indépendant, « il faut en vendre des tee-shirts pour rembourser tout ça ! », Victor reste optimiste, confiant et ingénieux. « Quand on me propose un catering à 1200€, je préfère aller chez Lidl et dépenser 100 euros pour acheter de quoi boire et manger ! »
Victor vient aussi d’être nommé ambassadeur de Nona Source, la plateforme de revente des tissus dormants du groupe LVMH. « Cela permet à de jeunes créateurs comme moi de se fournir en tissus de superbe qualité, précise-t-il. C’est une vraie démarche éco-responsable, car pourquoi produire plus de tissus alors qu’il y en a plein de dormants ? » Une belle avancée pour le créateur, qui porte un regard sévère sur la fast-fashion et les dégâts qu’elle engendre. « Vous imaginez que certaines marques produisent 140 collections par an, c’est complètement ahurissant ! Quand on achète un tee-shirt à 10€, si je fais le calcul du prix de revient, ce n’est que quelques centimes, parce que conçu dans des pays où les conditions humaines ne sont pas respectées… C’est ça qui est grave. »
Victor Weinsanto plaide pour une mode plus responsable, pour le fameux acheter moins, mais mieux. Et nous offre à travers ses créations colorées et décalées, à travers ses shows psychés mettant en scène de vraies personnes, cette part de beauté, de fantaisie, et de je-ne-saisquoi du vrai talent à la française.
Pour ce printemps-été, il a imaginé une collection Common Love, un véritable hymne à l’amitié et à l’amour, dédié à tous ses amis peintres, artistes, photographes, stylistes qui forment avec lui une nouvelle génération de créatifs ultra solidaires, « contrairement à ce que l’on peut dire », confie le jeune homme qui marche sur les traces d’un autre Strasbourgeois de génie, danseur et styliste… Thierry Mugler.

©François Quillacq

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