WILD LIFE ANGELS – ILS OSENT

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SERGIO LOPEZ

Il lutte contre le braconnage en Afrique

Amoureux de l’Alsace (et d’une Alsacienne rencontrée en Namibie) depuis neuf ans, ce Marseillais d’origine organise depuis Strasbourg la lutte contre les braconniers et les mafias de toutes sortes qui massacrent les grands animaux africains. Il y a urgence : si rien d’efficace ne s’y oppose, les éléphants et les rhinocéros auront disparu d’ici vingt ans…

Il ne faut pas longtemps pour cerner de près le parcours de Sergio Lopez quand il se pose calmement devant nous dans le cadre d’une petite brasserie du quartier des Halles à Strasbourg. Il ne faut pas longtemps car son physique « parle » : certes la voix est plutôt douce et posée mais ses yeux bleu acier sont à l’évidence le reflet d’une personnalité bien trempée et se rivent aux vôtres dans la seconde. Au fur et à mesure que les mots se déroulent, les mains s’animent et ponctuent fermement les phrases avec de gestes précis et mesurés. Cet homme de 55 ans traverse manifestement la vie en sachant parfaitement où il en est et ce qu’il veut…

« J’ai baroudé… »

Et il la raconte cette vie, qui l’aura conduit loin de sa Provence natale lors d’une carrière militaire sur laquelle il ne donnera pas de détails sauf un pudique « j’ai baroudé » qui somme toute en dit long. Carrière poursuivie en « protection rapprochée auprès d’industriels en Afrique du sud ou au Mozambique », sur les terres d’une Afrique qu’il a toujours désiré parcourir : « Je suis de la génération Daktari, Le lion Clarence et tout ça…» sourit-il. J’ai toujours aimé les animaux africains. Petit, j’habitais près d’un zoo aujourd’hui disparu à Marseille et j’en profitais chaque jour. Mes itinéraires ont fini par converger : le scoutisme d’abord, l’armée ensuite. Quand je l’ai quittée, j’ai monté des stages de survie, début 1980 c’était nouveau, personne n’en faisait. Puis je suis devenu guide en Afrique australe pour des touristes qui désiraient connaître ces pays au plus près de leur faune. »

 

 

Sergio Lopez | Or Norme

Le déclic

« Il y a six ans »  raconte Sergio « j’accompagnais des touristes en Afrique du sud et un jour, je repère des vautours qui tournaient dans le ciel au-dessus d’un point pas très loin de nous. J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait de l’antilope blessée que nous pistions mais ce que nous avons découvert était bien loin de ça. En fait, nous sommes tombés sur une femelle rhinocéros à l’agonie, ses deux cornes ayant été sciées à la tronçonneuse par des braconniers. Son regard m’a bouleversé : ses yeux n’exprimaient ni la pitié ni la souffrance mais comme un reproche à l’égard de la race humaine que je représentais. Je n’oublierai jamais de ma vie ses yeux-là qui me fixaient peu de temps avant qu’ils ne s’éteignent à jamais. Ce fut un déclic : j’ai immédiatement su que je ne pouvais plus rester dans mon confort, que je ne pouvais plus rester dans le même état d’esprit que jusqu’alors. J’ai réalisé que vis à vis des générations futures, je ne pourrais pas dire que je ne savais pas. J’ai décidé d’agir…

L’ampleur inouïe des méfaits du braconnage

S’en est suivie une longue période où Sergio et Annie ont engagé leurs propres fonds pour accumuler les informations les plus complètes possibles sur les compétences à déployer pour lutter contre le braconnage. « Depuis une dizaine d’années, le phénomène ne cesse de s’amplifier » raconte Sergio. « On estime qu’un éléphant est abattu toutes les quinze minutes et que quatre rhinocéros sont massacrés par jour ! Le marché de l’ivoire d’éléphants est mondial, avec une grosse majorité de la demande dans les pays du sud-est asiatique et le moyen-orient. En ce qui concerne la corne de rhinocéros, ce sont certaines légendes attribuées à la médecine traditionnelle chinoise qui ont déclenché la forte demande des pays asiatiques. Et même si les attributs de la corne ne sont pas réels, la demande explose malgré tout. De huit à vingt milliards d’euros passent chaque année entre les mains de groupes criminels organisés, ce qui place le trafic des espèces sauvages dans le quatuor de tête avec le trafic de drogue, d’êtres humains et d’armes.

Cette situation menace non seulement la survie de certaines espèces emblématiques, mais elle alimente également la corruption et fait des victimes humaines. »

Un programme chargé

En juin 2015, Wildlife Angel naissait à Strasbourg sous le statut d’association de droit local (« J’y tenais à cause du symbole européen fort que véhicule notre ville » dit Sergio). A peine un mois plus tard, une première action de formation était menée au sud du superbe parc national d’Etosha, en Namibie, où se concentrent les derniers rhinocéros « blancs » d’Afrique. « On a appris aux Rangers de là-bas à lutter plus efficacement contre les braconniers. On a tourné un petit film et des ONG nous ont ensuite contactés. « Elles ont la même problématique que nous mais elles ne possèdent pas les ficelles du côté opérationnel » dit Sergio. Le WWF et l’IFAW, une ONG internationale, ont salué notre initiative. Aujourd’hui, ces organisations comptent sur nous pour avoir les infos qu’elles ne possèdent pas. Sur le terrain, on audite, on patrouille avec les forces gouvernementales, on leur fait comprendre l’origine de la menace. Quand on a bien cerné les carences, on entre ensuite dans la phase de formation, sans oublier d’apprendre aux Rangers à se protéger eux-mêmes des braconniers ou des trafiquants. Car ceux-là ne rigolent pas… »

Wildlife Angel a un programme chargé dans les mois qui viennent. Le Bénin, le Burkina-Faso et le Niger attendent les formateurs de l’ONG strasbourgeoise à la rentrée prochaine. L’an prochain, la République du Congo réclame un audit sur la situation des Bonobos, ces primates dramatiquement convoités par les zoos chinois qui n’hésitent pas à commanditer la capture massive des bébés, ensuite importés sous la simple mention « chimpanzé » dont le commerce est légal.

Outre Annie et Sergio, une dizaine de cadres animent Wildlife Angel : des spécialistes informatique et réseaux sociaux, marketing, communication et aussi financiers : « Il faut trouver des mécènes pour financer nos actions et nous sommes également en train de monter un comité scientifique. C’est un gage de sérieux » conclut l’éternel baroudeur.

www.wilang.org

Sergio Lopez | Or Norme
Photos : Wildlife Angel – DR