Opéra national du Rhin : Création et innovation au menu de la saison 2021/2022

Partager

L’OnR présente une saison placée sous le caractère fédérateur de la fiction avec, notamment, trois récits d’Andersen connus de tous, deux contes du XXe siècle imaginés par Colette et Lewis Carroll ou encore de grandes figures mythiques que l’on retrouve dans les œuvres populaires que sont West Side Story et Carmen (on retrouvera également la bouillante gitane au cœur du Festival Arsmondo Tsigane, avec un spectacle réunissant L’Amour sorcier de Manuel de Falla et Le Journal d’un disparu de Janacek.

Heureux éclectisme des répertoires oblige, de Claudio Monteverdi (L’Orfeo, en version concert), Hans Abrahamsen (La Reine des neiges) en passant par Mozart (Così fan tutte), Verdi et Bizet, la saison 21/22 traverse quatre siècles d’opéras dont elle reflète l’in- croyable richesse, du mélodrame au ballet en passant par la comédie musicale.

Cette diversité se retrouve dans les concerts (dont une Marseillaise participative dans l’orchestration de Berlioz) et les récitals qui permettront aux mélomanes d’entendre de grands interprètes actuels comme la soprano Sabine Devieilhe ou le contreténor Jakub Jozef Orliński, ainsi que l’acteur Lambert Wilson dans des mélodrames romantiques (déclamation accompagnée au piano).

Créations…

L’innovation, enfin, sera au rendez-vous avec d’importantes créations : celle, mondiale, d’Alice – nouveau ballet d’un des composi- teurs majeurs de notre temps, l’Américain Philip Glass –, mais également les trois créations françaises que sont La Reine des Neiges de Hans Abrahamsen, Les Oiseaux de Walter Braunfels et Stiffelio de Verdi.

Les créations chorégraphique du directeur du Ballet de l’OnR, Bruno Bouché, sont toujours des événements très attendus : lors de la saison, il présentera Les Ailes du désir, un ballet qui revisite le chef d’œuvre cinématographique de Wim Wenders.

Alain Perroux : « Il faut que l’OnR puisse retrouver un cap clair après tous ces événements incroyables depuis dix-huit mois… »

©Marc Swierkowski

Votre arrivée à Strasbourg a d’emblée été placée sous le signe de l’urgence. Il s’agissait alors de faire face à la disparition de la regrettée Eva Kleinitz. Puis très vite, le premier confinement de mars 2020 a imposé sa loi d’airain. Vous avez abordé les rivages de l’Opéra national du Rhin en pleine tempête…

Il y a un peu de cela, oui. J’ai été nommé en décembre 2019 et j’ai pris mes fonctions tout de suite, ce qui est assez inhabituel dans notre milieu puisque plus d’un an, voire deux, peuvent se passer dans ce type de transition. Mais oui, il y avait urgence, l’Opéra était sans directeur général depuis pratiquement un an avec la maladie puis la triste disparition de Eva Kleinitz. J’ai été à temps partiel, dans les six premiers mois, car je devais aussi honorer mes engage- ments auprès du festival d’Aix-en-Provence. L’arrivée du Covid en mars 2020 a encore plus compliqué les choses, j’ai effectué mes deux boulots à temps partiel de chez moi, à Paris. À ce moment-là, il a surtout fallu gérer les annulations, en payant les dédits pour les artistes déjà engagés, et bien sûr les absences de nos personnels. On a ensuite été les premiers dans le monde de l’opéra à reprendre le travail, dans le cadre du déconfinement, à partir du 11 mai de l’an passé. On a marqué le coup avec ce petit concert du mois de juillet. Et puis, on a débuté la saison passée, mais fin octobre, le deuxième confinement nous a rattrapés. À la différence du premier, nos chanteurs, danseurs, etc. ont quand même eu l’autorisation de venir travailler, en respectant des protocoles assez stricts. Pour leur fournir un objectif, on a enregistré pas mal de nos spectacles. Ça a maintenu le lien avec nos spectateurs et ça a fourni un but pour nos équipes, tout cela a été très précieux. On est parvenu à passer ce ces caps, mais il était temps que tout reprenne, je crois qu’on commençait à constater quelques signes de profond découragement dans nos équipes. Au jour où nous nous parlons (le 8 juin dernier – ndlr), on croise les doigts pour connaître une rentrée pleine et entière, comme de tradition… En tout cas, tous ces événements m’ont permis de constater l’excellence des collaborateurs de l’OnR : j’ai été franchement impressionné par leur professionnalisme et leurs immenses qualités : ils sont incroyablement dévoués au service de l’institution. Grâce à eux, on peut vraiment viser à l’excel- lence dans la qualité des spectacles…

Comme pour toutes les scènes du spectacle vivant, on imagine que vous devez gérer désormais l’épineux problème des reports des productions…

Oui, et pour ça, nous les étalons sur plusieurs saisons. Le Cosi fan tutte qu’on aurait dû présenter en avril 2020 est reporté pour le printemps 2022, idem pour les Rêveurs de la Lune, un opéra pour enfants qui est une commande de l’OnR. Beaucoup de rendez-vous sont d’ores et déjà reportés pour la saison 2022-23, nous sommes dans une activité où les délais sont très longs dès qu’on touche à la programmation. Personnellement, je n’ai aucun problème pour les programmer dans mes propres saisons à partir du moment où je peux préserver les équilibres entre les répertoires. Ce qui m’importe, c’est la bonne tenue de la maison… et que l’OnR puisse retrouver un cap clair après tous ces événements incroyables depuis dix-huit mois…

Il y a un point traditionnellement épineux et qui l’est de plus en plus au fur et à mesure où les années passent, c’est l’état matériel du bâtiment de la place Broglie. Une énième étude va rendre très prochainement ses conclusions. Que peut-elle nous apprendre que nous ne sachions pas déjà, à savoir que ce bâtiment est en quelque sorte, en bout de course ?

En fait, ce n’est pas une énième étude, c’est un état des lieux très précis qui va permettre de constater là où on en est, qu’est-ce qui a été fait et à partir de là, quelles sont les alternatives qui se présentent. Je crois que les nouveaux élus de la municipalité actuelle souhaitent prendre une décision définitive aux deux tiers de leur mandat actuel. Je crois qu’une vraie prise de conscience a eu lieu sur le caractère désormais urgentissime de cette prise de décision. Rénover sur site ou construire un nouvel opéra. Il ne m’appartient bien sûr pas de me prononcer personnellement, mais oui, la question cruciale se pose ainsi. On n’a pas d’approche sur les coûts, mais si on décide de rester ici, il va y avoir besoin de travaux gigantesques, extrêmement coûteux. Ce sera une question très difficile à trancher et je suis moi-même impatient qu’elle le soit, croyez-le bien…

à lire également :