120 battements par minute
C’est à coup sûr le film qu’il ne faut rater sous aucun prétexte en cette semaine de rentrée.
A vrai dire, écrire sur 120 battements par minute à peine trois heures après l’avoir découvert sur l’écran représente un vrai défi tant son impact, on en est certain, ira bien au-delà de quelques jours. Encore tant secoué par le film, comment peut-on écrire avec le plus de justesse possible ?
Sous nos yeux, on revit les années 90. Depuis dix ans, le SIDA tue, décimant impitoyablement toute une génération. Act-Up a été créée en 1989, sur le modèle activiste américain. Ses membres, tous persuadés que le gouvernement français ne prend pas à bras-le-corps la lutte contre le fléau, multiplient les interventions spectaculaires à tout-va. Nous plonger au cœur du noyau dur d’Act-Up est l’angle choisi par le réalisateur Robin Campillo. Dans ces assemblées générales fiévreuses et sans tabou, il y a des malades qui luttent, des proches qui se dévouent et se sacrifient pour les aider et les soutenir, et aussi de simples militants qui mesurent instinctivement les ravages de l’homophobie.
Ce film, en fait, nous fait pénétrer dans leur intimité à tous comme jamais aucun autre n’avait réussi à le faire précédemment. Sans jamais cependant verser dans l’apitoiement ou le pathos stupide. C’est sa grande force, son atout-maître : porté par une réalisation quasi sublime et par un fameux casting duquel émergent les incandescents Nahuel Perez Biscayart (Sean) et Arnaud Valois (Nathan) qui vont s’aimer au cœur du danger et Adèle Haenel (Sophie) l’inlassable activiste, 120 battements par minute bouscule, interpelle, bouleverse et, surtout, témoigne implacablement.
Aucune scène n’est de trop ni ne paraît gratuite ou artificielle. Certaines, comme ce sublime acte amoureux dans une anonyme chambre d’hôpital, prennent le cœur comme le ferait un étau qui ne relâchera jamais sa pression jusqu’au générique final. Celui-ci survient et laisse les spectateurs abasourdis. Quelques secondes auparavant, une des dernières images représentait la Seine, rouge de sang, dans un ciel crépusculaire…
Entre autres réflexions, le film résonne spécialement à nos oreilles, nous qui étions déjà des adultes il y a un quart de siècle. Si nous avons aidé, pourquoi n’avoir pas fait plus ? Et si nous n’avons alors rien fait, pour quelles raisons, au juste, avons-nous refusé de nous impliquer ? « Les folles, les putes et les toxicos » étaient en première ligne, comme le dit une voix lors d’une assemblée d’Act-Up…
120 battements par minute a obtenu le Grand prix au dernier Festival de Cannes. On comprend mieux aujourd’hui la réflexion de nombre de critiques qui, en mai dernier, lui avaient décerné une Palme d’Or incontestable. Sans bien sûr dénigrer le film vainqueur, The Square, qu’on ne découvrira que dans un bon mois, on vous le répète : ne ratez pas 120 battements par minute. C’est un chef-d’œuvre !