Alexandre Taillandier « Mon équilibre, mon bien-être au quotidien… »

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Son métier : sous-officier logistique finance à la Gendarmerie nationale. À 34 ans, cet Angevin d’origine a été muté à Strasbourg il y a neuf ans maintenant. Deux ans plus tard, une sortie avec des amis lui a inoculé le virus de la marche. Depuis, il ne s’est plus arrêté.

« Finalement, c’est mon naturel curieux qui m’a permis de découvrir la marche » dit-il en souriant. « Avant cette sortie aux alentours de Wimmenau et Dabo et ces trois jours et deux nuits entièrement passés sur le terrain avec des amis, je n’avais jamais spécialement marché. Mais leur proposition m’a séduit : j’ai voulu essayer, m’ouvrir à d’autres choses, sortir de ma zone de confort comme on dit. Huit à dix heures de marche durant ces trois jours : on a évolué sous la pluie, puis sous la chaleur. De nouvelles sensations pour moi qui ne me définissais alors pas comme un sportif : le sport, je l’ai découvert un peu tard, en 2008, lors de ma formation militaire. Finalement, au-delà de l’effort physique et des conditions climatiques, le plus important a été la découverte du dépassement de soi, de la solitude face à l’effort. On ne peut tricher avec la nature. Faire semblant est impossible car on est seul face à soi-même… »

On ne l’arrête plus…

Alexandre n’est pas seulement intéressé par les sensations sportives ou mentales prodiguées par la marche. « J’ai découvert grâce aux marches dans les Vosges, outre le phénomène du dénivelé qui conditionne tout, l’extraordinaire diversité des paysages avec ce grès des Vosges qui est partout, ces sommets et les superbes points de vue qu’ils permettent. Je me passionne aussi pour l’histoire, le rocher du Dabo, les châteaux médiévaux ou les vestiges de la 1ère guerre mondiale… On apprend beaucoup en marchant, finalement. »
Une première expérience déterminante, donc. Et depuis, la marche est devenu son loisir numéro un, toujours dans les Vosges pour l’ordinaire (dont une belle et totale traversée du massif en 2014, de Fesches-le-Châtel dans le Territoire de Belfort à Wissembourg, près de 400 km en 15 jours d’autonomie totale, quand même…) mais aussi beaucoup plus loin et beaucoup plus haut, aussi. Depuis sept ans, Alexandre enchaîne les expériences et les sentiers de grande randonnée (les fameux GR) lui servent de terrain de jeu : le célébrissime et mythique GR 20 en Corse ne l’a pas impressionné très longtemps (il a été avalé à peine… quatre mois après la balade initiale, en 2011 !) : « Je l’ai fait en quinze jours, armé de mon seul topo-guide » se rappelle-t-il sans la moindre vantardise, « J’ai vraiment marché seul, et comme j’avais fait l’erreur de ne pas m’équiper de bâtons, je me suis un peu explosé les genoux mais bon… (rires) Disons que sur les derniers jours, c’était très dur mais j’en garde un souvenir mémorable, d’autant que j’ai démarré la traversée fin septembre, à une époque où les gardiens de refuges ne sont plus là. Mais c’est la période de rêve : la canicule de l’été n’est plus là, il ne fait pas encore froid, ce n’est plus « l’autoroute » comme en été avec ces marcheurs si nombreux, ce qui n’empêchait pas que le soir, on se retrouvait à quelques-uns au refuge où on partageait les anecdotes de la journée. C’était évidemment plus que sympa… »
Sans doute encouragé par la traversée de l’Ile de Beauté sur un des parcours les plus difficiles d’Europe, Alexandre a multiplié les défis : l’année suivante, il a réalisé le tour du Mont-Blanc, du moins la première partie puisque, parti en juin, la neige a considérablement contrarié sa progression et a fini par le stopper aux alentours de Courmayeur, en Italie. « J’avoue m’être un peu fait peur là-bas » se souvient-il. « J’ai fini les pieds détrempés, sous une pluie battante avec cette neige partout autour de moi qui cachait les chemins, le tout avec des pentes sévères et un brouillard intense. Heureusement, j’ai pu me réfugier dans une cabane de berger et dormir malgré le bruit d’un vent de tonnerre. Loin du GR 20 et de sa tiédeur de début d’automne, quoi… La deuxième partie, je l’ai faite l’année suivante, en 2013, cette fois-ci accompagné par Cyril, un collègue de travail qui est devenu un ami avec qui je partage désormais beaucoup de randos. C’était cette fois-ci en septembre, avec des conditions météo bien meilleures. On l’a bouclé sans problème. En 2014, toujours avec lui, on a fait le massif du Queyras, les Écrins l’année suivante puis, en solitaire, la rando Chamonix-Zermatt en 2016 avec cette arrivée magnifique au pied du Cervin. Une randonnée très difficile : en neuf jours, j’ai perdu sept kilos ! Et l’an passé, ce fut la traversée des Pyrénées, toujours avec Cyril de Banyuls au bord de la Méditerranée à Eyne, qui est une petite commune encore située dans les Pyrénées orientales. La suite de cette traversée, c’est pour l’été prochain et sans doute l’été suivant… »

La méditation par l’effort

À la lecture de ses carnets de route des années passées, n’en déduisez cependant pas qu’Alexandre soit en permanence sur ces hauteurs inaccessibles au commun des mortels. « Non, la plupart du temps dans l’année, je suis sur les sentiers du Club Vosgien » dit-il. « Grâce au balisage du Club, et en utilisant leurs infrastructures comme leurs chalets d’étapes, j’explore les communes et les vallées du massif. Je m’organise des tracés thématiques avec les intérêts historiques locaux, les points de vue, la faune, la flore…, d’autres fois je choisis de privilégier mes envies de difficulté en empruntant des dénivelés importants, avec ou sans nuitées sur le terrain. Le massif des Vosges est un fantastique terrain de jeu… »
Reste que ce sont les vertus de la marche qui reviennent sans cesse dans les propos d’Alexandre : « Dans mon cas, ce qui est intéressant, c’est que pendant cette phase de dépassement de soi qui survient tôt ou tard, j’ai découvert un état psychologique, un stade dans lequel le cerveau et les pensées utilisent les tensions et le stress pour faire avancer le corps. C’est peut-être une pirouette psychologique ou l’interprétation que je m’en fais, mais la libération de cette force négative comme le stress ou plus neutre comme ces réflexions sur les décisions prises ou à prendre, me fait du bien. J’extériorise par l’effort, en quelque sorte, d’ailleurs j’appelle ça la méditation par l’effort. Alors, on entre dans un état second ou on oublie le corps et l’effort, le cerveau se met à turbiner, a malaxer des idées, à poser des constats. Cela peut aussi arriver lorsque l’on marche en groupe. En un instant, le ou les accompagnants entrent dans cet espèce d’état de transe. Le silence s’installe et on ressent en un instant que tous sont dans leurs pensées. C’est un peu comme un endormissement mais le corps est en mouvement et une parenthèse s’ouvre sans vraiment qu’on ne s’en rende compte. On rêve, on médite, on pense… Parfois, c’est juste le rappel d’une scène passée. D’autres fois, cela nous permet de prendre du recul et on se rend compte de notre chance, de nos capacités, mais aussi de nos propres futilités. On devient peut-être plus terre à terre. Lorsque l’effort est prolongé sur plusieurs jours, on se met à apprécier les choses simples, ainsi que ceux qui nous entourent. C’est un peu cette force-là que nous offre la nature quand on marche et, j’insiste, quel que soit le niveau que l’on pratique… »

Un jour, Alexandre n’avait rien d’autre à faire que de répondre favorablement à la sollicitation de ses amis pour trois jours de rando dans les Vosges. Depuis, on ne l’arrête plus…